A l’est, rien de nouveau ? Quand le Conseil constitutionnel dégage un nouveau PFRLR

 


 

L’année écoulée a permis au Conseil constitutionnel d’occuper une place de choix dans l’actualité, notamment grâce au mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité. C’est par cette procédure que le palais de Montpensier a dégagé un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République : celui du maintien en vigueur du droit local transitoire de l’Alsace-Moselle.

 


 

 

Depuis qu’il a rendu sa décision Liberté d’association[1], le Conseil constitutionnel a dégagé plusieurs types de normes, à la forme et au contenu hétéroclite. C’est en reconnaissant une valeur juridique au préambule de la Constitution, et incidemment aux textes cités par celui-ci, qu’il a pu découvrir (pour certains auteurs) ou fonder (pour d’autres) un vaste ensemble de principes.

 

Avant 1971 en effet, le Conseil constitutionnel avait tendance à s’appuyer sur une argumentation textuelle. Il lui suffisait alors de comparer la norme qui lui était soumise avec la norme constitutionnelle pour conclure à la conformité ou à la censure. Depuis sa mue, le Conseil a plus souvent eu recours à une argumentation constructive. Ainsi, il utilise tant la norme constitutionnelle qu’une collection de principes construits par lui, tirés d’un ou plusieurs énoncés du texte de référence. Ainsi, citons « l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 »[2].

 

Ces normes de références construites par le Conseil sont nombreuses :

  • Les principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps. Fondés sur le préambule de la Constitution de 1946, ils ont tous étés élevés au rang constitutionnel par le Conseil. S’y trouvent par exemple le droit d’obtenir un emploi, le droit de grève, l’égalité entre les sexes, le droit d’asile…
  • Les principes ou exigences à valeur constitutionnelle. Ce sont des principes qui n’ont pas particulièrement de fondement textuel mais qui possèdent tout de même une valeur constitutionnelle (principe à valeur constitutionnelle de continuité du service public, exigence constitutionnelle de limitation des concentrations dans la presse, objectif légitime de lutte contre l’abstentionnisme…).
  • Les objectifs de valeur constitutionnelle. Ce sont des normes qui s’appuient sur le texte constitutionnel (en général, sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen) mais qui, de l’avis général de la doctrine, sont trop diffuses pour être réellement consacrées comme une catégorie de normes. Ils n’ont à ce jour jamais été utilisés pour censurer une disposition législative. Au contraire, il semblerait qu’ils soient plutôt utilisés par le Conseil pour permettre des dérogations à certaines normes constitutionnelles[3].

 

 

Une étude d’ensemble de ces normes est rendue complexe par deux spécificités.

  • Elles ne sont pas hiérarchisables. Le Conseil se refuse en effet à voir dans une liberté donnée ou dans un article particulier, une valeur constitutionnelle plus ou moins élevée. En d’autres termes, la jurisprudence constitutionnelle ne fait pas état d’une quelconque supraconstitutionnalité (ce point étant parfois débattu en doctrine). Le Conseil l’indique d’ailleurs dans sa décision Loi de nationalisation[4] : « aux termes du préambule de la Constitution de 1958, le peuple français proclame solennellement son attachement aux droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ». Ici, les deux textes de 1789 et de 1946 sont bien sur le même plan.
  • Elles ne se livrent pas à une possibilité d’étude rigoureuse. En effet, ces catégories restent relativement floues quant à leurs natures. Le Conseil constitutionnel peut d’ailleurs quelques fois les préciser (nous verrons l’exemple ci-après).

 

La décision Société SOMODIA[5] est la première décision à dégager un principe fondamental reconnu par les lois de la République depuis 2002[6]. Or ce nouveau principe appartient tout à fait à la catégorie classique de ces normes. Il possède toutes les caractéristiques d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (I), et en présente notamment les défauts structurels (II).

 

I.   La découverte d’un nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République

 

En faisant une application classique de sa jurisprudence antérieure (A), le Conseil constitutionnel a dégagé dans la décision 2011-157 le principe du maintien en vigueur du droit transitoire alsacien-mosellan (B).

 

A.   Qu’est ce qu’un principe fondamental reconnu par les lois de la République ?

 

Le 2 juin 1946, après l’échec du premier référendum concernant le projet de Constitution de la IVe République, une nouvelle Assemblée nationale constituante est élue. Le MRP devient le parti majoritaire devant le Parti Communiste et la SFIO. Le nouveau projet doit donc permettre un compromis entre ces trois tendances politiques avant sa soumission au référendum.

 

Or, le MRP souhaite faire inscrire au sein du préambule la liberté d’enseignement consacrée par la IIIe République, ce à quoi s’opposent les communistes. Le MRP décide alors, en filigrane, de faire rédiger une incise dans le préambule évoquant la liberté d’enseignement, et notamment, une formule de la loi du 31 mars 1931. C’est ainsi que la Constitution de 1946 débute par ces quelques mots : « [Le peuple français] réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

 

La formule ne sera plus évoquée, si ce n’est pour son inutilité, jusqu’en 1971[7].

 

L’année 1971 est connue des étudiants studieux de première année pour la décision Liberté d’association, qui permet au Conseil de clore le débat sur l’éventuelle valeur du préambule de 1958 en répondant par l’affirmative. Pourtant, cette décision possède deux autres aspects moins souvent répétés : elle modifie le droit des associations (ce qui ne nous intéressera pas ici), et elle dégage le premier principe fondamental reconnu par les lois de la République. Le Conseil ne s’étend pas outre mesure sur la question : « Considérant qu’au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et solennellement réaffirmés par le préambule de la Constitution il y a lieu de ranger le principe de la liberté d’association ».

 

Un article de Jean Rivéro pose les bonnes questions dès l’année suivante : quels principes, quelles lois, quelles républiques[8] ?

 

Le Conseil constitutionnel ne sera par la suite pas plus loquace, que ce soit lors de la reconnaissance :

  • Du respect des droits de la défense : « ces dispositions, […] ne portent atteinte, sous réserve du respect des droits de la défense, tels qu’ils résultent des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, à aucune disposition de la Constitution ni à aucun autre principe de valeur constitutionnelle applicable en matière pénale »[9].
  • Ou de la liberté individuelle : « Considérant que la liberté individuelle constitue l’un des principes fondamentaux garantis par les lois de la République, et proclamés par le Préambule de la Constitution de 1946, confirmé par le Préambule de la Constitution de 1958 »[10].

 

conseilconstitutionnel

 

Lors de la décision dégageant la liberté de l’enseignement et la liberté de conscience, renouant ainsi avec l’ambition première du MRP, le Conseil citera l’une des lois-sources du principe : « Considérant que [la liberté  de l’enseignement], qui a notamment été rappelé[e] à l’article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931, constitue l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, réaffirmés par le Préambule de la Constitution de 1946 et auxquels la Constitution de 1958 a conféré valeur constitutionnelle »[11].

 

Il conserve cette habitude à propos :

  • De l’indépendance des juridictions administratives : « Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 64 de la Constitution en ce qui concerne l’autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l’indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement »[12].
  • De l’indépendance des professeurs d’université : « Considérant qu’en ce qui concerne les professeurs […] la garantie de l’indépendance résulte en outre d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et notamment par les dispositions relatives à la réglementation des incompatibilités entre le mandat parlementaire et les fonctions publiques ». Il cite indirectement ici l’article LO142 du code électoral[13].
  • De la compétence des juridictions administratives : « Considérant que les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor An III qui ont posé dans sa généralité le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires n’ont pas en elles-mêmes valeur constitutionnelle ; que, néanmoins, conformément à la conception française de la séparation des pouvoirs, figure au nombre des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » celui selon lequel, à l’exception des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire, relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la réformation des décisions prises, dans l’exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle »[14].

 

 

 

En 1987, soit 16 ans après la découverte du premier principe fondamental reconnu par les lois de la République, le Conseil en avait dégagé six. S’il prend la peine de citer quelques fois directement le texte auquel il fait référence pour fonder le principe, c’est finalement chose rare (somme toute, seules les décisions sur la liberté de l’enseignement et la compétence des juridictions administratives possèdent une référence claire à un texte).

 

Il n’y a de plus aucune indication sur le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel. Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République sont toujours découverts de manière lapidaire, en un considérant, de parfois quelques lignes tout au plus. Cette catégorie de normes a été particulièrement critiquée à la fin des années 80, notamment une fois que le Conseil a reconnu l’indépendance des professeurs d’université (à l’époque où le Doyen Vedel est l’un des sages de la rue Montpensier).

 

Répondant aux critiques qui lui ont été faites le Conseil a précisé les critères de reconnaissance de ces normes. Ceux-ci ont été respectés par la décision Société SOMODIA.

 

B.   Le principe du maintien en vigueur du droit transitoire alsacien-mosellan

 

1) Les faits de la décision Société SOMODIA : retour sur le droit transitoire de l’Alsace-Moselle

 

La question prioritaire de constitutionnalité posée par la Société SOMODIA et transmise au Conseil par la Cour de cassation concernait l’article L3134-11 du code du travail. Celui-ci dispose : « Lorsqu’il est interdit, en application des articles  L. 3134-4 à  L. 3134-9, d’employer des salariés dans les exploitations commerciales, il est également interdit durant ces jours de procéder à une exploitation industrielle, commerciale ou artisanale dans les lieux de vente au public. Cette disposition s’applique également aux activités commerciales des coopératives de consommation ou associations ».

 

Or, l’article 3134-1 précise bien que cette disposition n’est applicable que dans trois départements : le Bas-Rhin, le Haut-Rhin, et la Moselle, c’est-à-dire, l’Alsace-Moselle.

 

Le reste du territoire national est sous le régime de l’article 3132-29 dudit code : « Lorsqu’un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs d’une profession et d’une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos. Ces dispositions ne s’appliquent pas aux activités dont les modalités de fonctionnement et de paiement sont automatisées ». La réglementation nationale est donc moins contraignante que la réglementation d’Alsace-Moselle, notamment en ce qui concerne le choix du jour de repos hebdomadaire, qui est laissé libre pour la majorité du territoire.

 

La société requérante considère donc d’une part, que cette différence de réglementation constitue une rupture d’égalité des citoyens devant la loi, et d’autre part, qu’elle constitue une violation du principe constitutionnel la liberté d’entreprendre par son caractère général et absolu[15]. Si le Conseil sera rapide sur la question de la liberté d’entreprendre, le grief étant écarté (considérants 6 à 8), sa motivation concernant le grief tiré de la rupture d’égalité des citoyens devant la loi est des plus intéressantes.

 

C’est au considérant 3 que le premier pan du raisonnement débute. Il s’agit d’analyser la législation du droit local d’Alsace-Moselle. Pour ce faire, le Conseil cite l’article 3 de la loi du 17 octobre 1919 : « Les territoires d’Alsace et de Lorraine continuent, jusqu’à ce qu’il ait été procédé à l’introduction des lois françaises, à être régis par les dispositions législatives et réglementaires qui y sont actuellement en vigueur ».

 

C’est en effet après la Première Guerre Mondiale que le régime juridique transitoire de l’Alsace-Moselle est créé, pour permettre de faciliter le retour de ces territoires dans le giron national. Ces départements avaient été perdus suite à la défaite de 1870 contre la Pusse, et intégrés à l’Empire Allemand par le Traité de Francfort du 10 mai 1871. La législation allemande, plus moderne que celle de la France, s’y est donc développée, notamment en droit civil ou en droit du travail. Quand le Traité de Versailles du 28 juin 1919 restitue les territoires perdus à la France, les habitants concernés refusent que ce retour soit l’occasion d’une régression de leurs droits et libertés. La loi du 17 octobre 1919 proclame donc, d’une part, le maintien des lois en vigueur, et d’autre part, l’obligation pour modifier l’état du droit de textes expresses de la part du Parlement.

 

Le droit en vigueur de l’Alsace-Moselle contient donc en 1919 : certaines lois françaises d’avant 1870, des lois allemandes adoptées entre 1871 et 1918, et une législation adoptée localement par les organes compétents.

 

Vont se rajouter à cet édifice déjà complexe deux séries de dispositions.

  • Des lois françaises spécifiques à ces départements, adoptées depuis 1918. C’est ici l’hypothèse des textes expresses adoptés par le Parlement.
  • Des lois françaises adoptées entre 1870 et 1918, qui ont été rendues applicables à l’Alsace-Moselle par deux lois, du 1er juin 1924.

 

Le Conseil constitutionnel, à la suite de l’article 3 de la loi du 17 octobre 1919, évoque également ces deux derniers textes en ce qu’ils « ont expressément maintenu en vigueur dans ces départements certaines législations antérieures ou édicté des règles particulières pour une durée limitée qui a été prorogée par des lois successives ». Il est vrai que les deux lois de 1924 n’ont pas transposé l’entièreté du régime français à l’Alsace-Moselle. Le droit local transitoire s’y est donc perpétué.

 

Enfin, le Conseil achève cette énumération par l’article 3 de l’ordonnance du 15 septembre 1944 qui maintient une nouvelle fois (provisoirement), à la Libération, le droit local en vigueur tout en y rétablissant la légalité républicaine.

 

Le considérant 4 est alors crucial. Le Conseil peut alors énoncer ce nouveau principe fondamental reconnu par les lois de la République : « la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 a consacré le principe selon lequel, tant qu’elles n’ont pas été remplacées par les dispositions de droit commun ou harmonisées avec elles, des dispositions législatives et réglementaires particulières aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle peuvent demeurer en vigueur ». Il s’agit bien en effet de ce que semblaient déjà répéter les textes cités supra : le droit local (transitoire) alsacien-mosellan reste en vigueur tant qu’une loi expresse ne l’a pas remplacé par des dispositions nouvelles de droit commun.

 

Il est intéressant de noter que le Conseil constitutionnel fait ici une application classique de sa jurisprudence en matière de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

 

alsace-moselle

 

2) Les critères de reconnaissance d’un Principe fondamental reconnu par les lois de la République

 

Nous l’avons vu, les critiques étaient fortes, et justifiées, contre l’attitude du Conseil qui dégageait de nouveaux principes fondamentaux en une ou deux phrases, parfois sans citer de source.

 

C’est dans sa décision Loi portant amnistie[16], que le Conseil constitutionnel précise sa jurisprudence en matière de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

 

« Considérant que la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée pour soutenir qu’un texte législatif qui la contredit serait contraire à la Constitution qu’autant que cette tradition aurait donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République ; Considérant que, si dans leur très grande majorité les textes pris en matière d’amnistie dans la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur du préambule de la Constitution de 1946 ne comportent pas de dispositions concernant, en dehors des incriminations pénales dont ils ont pu être l’occasion, les rapports nés de contrats de travail de droit privé, il n’en demeure pas moins que la loi d’amnistie du 12 juillet 1937 s’est écartée de cette tradition ; que, dès lors, la tradition invoquée par les auteurs de la saisine ne saurait, en tout état de cause, être regardée comme ayant engendré un principe fondamental reconnu par les lois de la République au sens de l’alinéa premier du préambule de la Constitution de 1946 »,

 

Les requérants contestaient devant le Conseil constitutionnel la traditionnelle loi d’amnistie consécutive à l’élection présidentielle (intervenue en l’espèce en 1988). Cette dernière s’appliquait en effet à des rapports contractuels de droit privé. Or, selon les députés et sénateurs requérants, la tradition républicaine s’opposerait à ce qu’une loi d’amnistie ait une incidence sur les rapports de droit privé. Si le Conseil réfute ce moyen, il livre cette fois-ci une argumentation claire sur la découverte ou non d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République :

  • « la tradition républicaine ne saurait être utilement invoquée ». Le Conseil indique ici l’exigence d’un texte législatif pour reconnaître un principe fondamental. La seule tradition républicaine ne saurait suffire si elle ne se concrétise pas dans un texte.
  • « la législation républicaine ». Le Conseil constitutionnel répond à une question jusqu’à lors âprement débattue en doctrine : la formule du préambule de 1946 renvoie-t-elle uniquement aux lois issues de régimes républicains ? Le Conseil répond par l’affirmative. Ainsi, un tel principe ne peut être issu que de lois prises sous la Iere République (1791-1792), la IIe République (1848-1852) ou la IIIe République (1875-1940).
  • « intervenue avant l’entrée en vigueur du préambule de la Constitution de 1946 ». Cette dernière précision est cruciale : la IVe République n’est pas au nombre des régimes au sein desquels peuvent être dégagés les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. La raison est historique: le constituant de 1946 ne pouvait pas viser des principes qu’il n’avait pas encore pu graver dans le marbre. De plus, comme l’indique François Luchaire, le Conseil constitutionnel ne peut pas faire des législateurs de 1946 et de 1958 des constituants[17].

 

Une nouvelle condition est dégagée en 1993, concernant la « fondamentalité » de ces principes : « Considérant que si le législateur a posé en 1851 et réaffirmé à plusieurs reprises en 1874, 1889 et 1927 la règle selon laquelle est français tout individu né en France d’un étranger qui lui-même y est né, il n’a conféré un caractère absolu à cette règle qu’en 1889 pour répondre notamment aux exigences de la conscription ». Pour cette raison, il conclut à l’absence d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la naissance en France ouvrirait un droit automatique à la nationalité française[18]. L’argumentation est plus claire encore dans une autre décision de 1997 : « Considérant que la législation républicaine intervenue avant l’entrée en vigueur du Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé, à partir des années 1930, le devoir de la collectivité de protéger la cellule familiale […] ; que, cependant, cette législation n’a jamais conféré un caractère absolu au principe selon lequel cette aide devrait être universelle et concerner toutes les familles ; […] ; qu’ainsi l’attribution d’allocations familiales à toutes les familles, quelle que soit leur situation, ne peut être regardée comme figurant au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République mentionnés par le Préambule de la Constitution de 1946 »[19].

 

3) Application des critères de reconnaissance au principe fondamental du maintien en vigueur du droit local transitoire alsacien-mosellan

 

On remarque bien dans la décision Société SOMODIA que le Conseil applique ce système de raisonnement.

 

Il procède tout d’abord à un inventaire de la « législation républicaine » concernant le maintien en vigueur des lois antérieures à 1919 dans ces départements. Remarquons que l’ensemble des textes cités ont pour cadre un régime républicain : la IIIe République (1919, 1924) ou le Gouvernement provisoire de la République française (1944). Egalement, l’ensemble de ces textes maintient en globalité les dispositions locales tant qu’elles n’auront pas été remplacées par des dispositions nationales. Il existe donc bien un continuum de règles législatives (l’ordonnance du 15 septembre 1944 a bien valeur législative : il n’y a pas de Parlement, donc pas de législation déléguée, or matériellement, la norme est législative) indiquant une spécificité du droit local alsacien-mosellan, sans que les constituants de 1946 ou 1958 n’aient souhaité remettre en cause cette idée, ni même, le législateur.

 

Ce continuum ne souffre pas donc pas d’interruptions, ce qui permet d’en consacrer le caractère fondamental.

 

Ainsi, le principe fondamental reconnu par les lois de la République dégagé par le Conseil constitutionnel est conforme à sa jurisprudence antérieure à 1988. C’est heureux, car sitôt dégagés les critères de reconnaissances de ces principes, le Conseil constitutionnel n’a pas pris la peine de les appliquer dans une décision reconnaissant le principe fondamental reconnu par les lois de la République de protection par l’autorité judiciaire de la propriété immobilière[20].

 

Cette décision sonne d’ailleurs un certain abandon de ces principes par le Conseil constitutionnel (voir infra). En 2002, il dégage le principe fondamental reconnu par les lois de la République du statut pénal particulier des mineurs. Ce faisant, il se livre enfin à l’application de sa jurisprudence : « Considérant que l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge […] ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle ; que ces principes trouvent notamment leur expression dans la loi du 12 avril 1906 sur la majorité pénale des mineurs, la loi du 22 juillet 1912 sur les tribunaux pour enfants et l’ordonnance du 2 février 1945 sur l’enfance délinquante ; que toutefois, la législation républicaine antérieure à l’entrée en vigueur de la Constitution de 1946 ne consacre pas de règle selon laquelle les mesures contraignantes ou les sanctions devraient toujours être évitées au profit de mesures purement éducatives […] ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice des mineurs »[21].

 

La décision Société SOMODIA est donc seulement la deuxième décision du Conseil constitutionnel présentant un argumentaire précis sur l’élaboration d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Même si cela constitue un progrès, le principe fondamental dégagé n’en comporte pas moins des inconvénients importants.

 

II.   Les inconvénients liés à la découverte du principe fondamental reconnu par les lois de la République de maintien en vigueur du droit local transitoire de l’Alsace-Moselle

 

Ce principe fondamental est porteur de deux séries de défauts. Les premiers sont inhérents à la notion même de principe fondamental reconnu par les lois de la République (A). Les seconds sont circonstanciés à l’espèce de la décision (B).

 

A.   L’imprécision dommageable des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

 

Malgré les évolutions de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, force est de constater que les critères de reconnaissance de ces normes sont particulièrement sujets à débat.

 

Tout d’abord, la question du caractère « fondamental » de ces principes. Si certains principes ne semblent pas (ou peu) souffrir sur ce plan de contestation (la liberté individuelle, les compétences des juridictions, la liberté d’enseignement…), d’autres sont plus difficiles à justifier. C’est le cas de l’indépendance des enseignants chercheurs. Peut-on considérer son essence comme fondamentale ? De même, le statut pénal des mineurs, s’il paraît tout à fait fondé, subit depuis plusieurs années de fortes inflexions par plusieurs lois pénales rapprochant le statut des mineurs de celui des adultes. A ce titre, la protection du droit local alsacien-mosellan a-t-il une telle importance qu’il apparaît au Conseil comme fondamental ? En réalité, il faut bien séparer ici deux discours argumentatifs.

  • Le premier porte sur la question de la pérennité des principes. De manière absolue, la législation républicaine a toujours reconnu le principe d’indépendance des enseignants chercheurs, ou le statut pénal spécifique des mineurs, ainsi que le droit local alsacien-mosellan. Cette acception du terme de « fondamental » se rapproche plutôt d’une idée de continuité.
  • Le second porte sur l’opportunité de ces principes. Est-il fondamental de dégager un principe comme l’indépendance des professeurs d’université, ou la protection du droit local alsacien, tant ils concernent un nombre restreint de personnes ? Cette deuxième acception du terme de « fondamental » se rapproche d’une idée de politique. Ce n’est pas véritablement l’objet du débat juridique, même si le discours sur ce dernier se doit de le prendre en compte.

 

Ensuite, la question des lois républicaines. Si la définition d’une loi républicaine semble aisée (il s’agirait d’une loi adoptée au cours d’un régime républicain), les débats ne sont pas si clairs. Ainsi, nous avons noté en filigrane que le Conseil constitutionnel n’avait pas fait primer dans son raisonnement le critère formel de la loi sur le critère matériel. Les ordonnances du GPRF, dont l’une d’entre elles a été utilisée pour la décision Société SOMODIA (celle du 15 septembre 1944), n’en fait aucun cas. Or, formellement, une ordonnance n’est pas une loi mais un règlement. C’est donc le critère matériel qui prime : le contenu de l’ordonnance est législatif. Nous pouvons ainsi répondre à la question que posait Monsieur Genevois dans son article précité.

 

Plus important, c’est la question des régimes républicains en elle-même qui porte confusion. Il est en effet plus complexe que prévu de délimiter les différents régimes français depuis 1789. En effet, où commence un régime ? Par la date de proclamation de sa Constitution ou par son événement politique fondateur[22] ?. Cela dit, ces questions ne semblent pas s’appliquer ici à la décision Société SOMODIA. Les trois textes utilisés par le Conseil dans son raisonnement ont été adoptés lors de périodes dont le régime ne fait aucun doute (pour mémoire, 1919, 1924, et 1944).

 

Enfin, nous ne nous attarderons pas sur la limite matérielle des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Doivent-ils concerner uniquement des droits et libertés ? Nous renverrons ici aux questionnements de Monsieur Genevois dans son article précité.

 

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B.   L’étrange opportunité du principe fondamental reconnu par les lois de la République de maintien en vigueur du droit local transitoire de l’Alsace-Moselle

 

Comme indiqué supra, il y a une question d’opportunité quand le Conseil constitutionnel dégage un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Cela dit, tout juge, lorsqu’il rend son verdict, peut voir l’argument d’opportunité lui être opposé, surtout quand la décision est constructive, et que l’on assiste à une création de droit. Le cas de ces principes fondamentaux est emblématique, car le Conseil reste le maître absolu de leur découverte.

 

Les critères sont trop flous pour permettre de deviner si un principe quelconque peut aspirer à devenir un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Par exemple, la question de l’exception dans la législation républicaine. Quand une seule loi vient interrompre le continuum de législation en faveur d’un principe, ce dernier ne peut se voir considéré comme fondamental. N’est-ce pas là une restriction pouvant être exagérée dans certains cas ? De même, lors de la décision n°93-321 DC, le Conseil constitutionnel refuse de considérer un principe fondamental reconnu par les lois de la République selon lequel la naissance offrirait un droit automatique à la nationalité française. Il indique alors que le caractère absolu de la règle n’a été voté par le législateur que pour favoriser la conscription, de manière circonstancielle. Pourquoi pas, mais cela devrait-il être de nature à disqualifier totalement un principe aussi important[23] ?.

 

Le déclin de la jurisprudence des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République entre la fin des années 80 et le début des années 2000 ne doit donc rien au hasard. Le Conseil constitutionnel a abandonné une jurisprudence trop aléatoire (il a refusé systématiquement toutes les demandes de reconnaissance d’un principe fondamental jusqu’en 2002). La critique la plus virulente portée contre le palais de Montpensier tenait au caractère très interprétatif de ces principes. Le Conseil fait finalement valoir sa propre conception en faisant sienne la volonté des rédacteurs de la Constitution de 1946, et en créant la fiction selon laquelle, ces derniers souhaitaient élever ces principes au rang constitutionnel. De même, il élève au rang constitutionnel des dispositions législatives qui, lorsqu’elles ont été adoptées, n’étaient pas considérées par le législateur de l’époque comme constitutionnelles.

 

Le principe fondamental reconnu par les lois de la République est donc l’un des bords les plus saillants du « gouvernement des juges » que l’on ne proclame que trop à propos du Conseil constitutionnel.

 

Le mouvement d’abandon de cette jurisprudence a participé d’un autre, plus général, du Conseil constitutionnel : celui de se fonder prioritairement sur des arguments textuels, après avoir connu une période de grand constructivisme. Notons à titre d’exemple, que la liberté individuelle n’est plus fondée sur un principe fondamental reconnu par les lois de la République mais sur des dispositions de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « Considérant que la liberté individuelle est proclamée par les articles 1, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen »[24].

 

La doctrine pouvait donc, durant les années 90, débattre sur le déclin de la catégorie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Mais la décision Koné[25] ravive la notion. Pourtant, une dizaine d’années après le dernier principe dégagé par le Conseil constitutionnel, la Haute Juridiction ne décide pas pour autant de faire apparaître un raisonnement détaillé : « ces stipulations doivent être interprétées conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l’État doit refuser l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique ». On note bien dans les visas la mention de « la loi du 10 mars 1927, relative à l’extradition des étrangers », comme seul indice du raisonnement adopté par le juge administratif. Les débats seront houleux en doctrine sur les questions de savoir si le principe est bien de valeur constitutionnelle, sur les motivations qui ont poussé la juridiction du Palais Royal à dégager ce principe (la sanction d’un accord international), ou si le Conseil d’Etat a le droit de dégager un tel principe. Toujours est-il que cette décision a ravivé la jurisprudence, et a sûrement entrainé la décision de 2002 sur le statut pénal des mineurs, au sein de laquelle le Conseil constitutionnel propose un raisonnement déjà plus complet.

 

Ces questions d’opportunité ne manqueront pas de pouvoir être posées au Conseil constitutionnel après l’adoption de la décision Société SOMODIA. Le but du principe fondamental reconnu par les lois de la République ne fait aucun doute : faire obstacle à l’argument de la rupture d’égalité des citoyens devant la loi. Au lieu de voir ce principe constitutionnel s’imposer à une loi, le Conseil, en dégageant le principe fondamental, peut concilier deux normes constitutionnelles dans le sens qu’il jugera en l’espèce le plus conforme à la Constitution.

 

Pour autant, dégager un tel principe est-il judicieux ? A une époque où le communautarisme semble s’insinuer de plus en plus fréquemment dans le débat public, le Conseil constitutionnel dégage un principe de rang constitutionnel protégeant les particularismes juridiques d’une région. Ne risque-t-on pas de voir d’autres régions, aux volontés d’autonomie plus affirmées, revendiquer une telle protection ? Ce n’est pas notre avis, pour une raison évidente : le Conseil constitutionnel a bien verrouillé la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République de maintien en vigueur du droit local transitoire alsacien-mosellan : « qu’à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et que leur champ d’application n’est pas élargi ; que telle est la portée du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de dispositions particulières applicables dans les trois départements dont il s’agit ; que ce principe doit aussi être concilié avec les autres exigences constitutionnelles »[26].

 

Même s’il ne peut pas se mettre à l’abri d’un raisonnement par analogie, le Conseil insiste sur la limitation géographique du principe : les trois départements de l’Alsace-Moselle. Il ajoute de plus que ce principe n’est pas une protection des règles spécifiques du droit alsacien-mosellan. Ces règles ont bien vocation à être remplacées par des dispositions nationales, selon le régime prévu dès 1919, et peuvent l’être par le Parlement selon l’article 34, ou le gouvernement selon l’article 37, à tout moment. Remarquons ensuite qu’au sein des règles transitoires, le législateur peut vouloir aménager certaines dispositions locales. Il ne peut le faire qu’à minima : on ne peut augmenter les différences de traitement causées par le droit local, ni en étendre le champ d’application. Le corollaire de cette exigence étant que le législateur ne peut adopter de dispositions particulières à ces départements que dans les matières où il existe encore un droit local. Enfin, et classiquement, le principe fondamental reconnu par les lois de la République doit se concilier avec les autres principes et exigences à valeur constitutionnelle.

 

Le Conseil constitutionnel ne créé donc pas ici une matrice à revendications. Le principe est bien borné, résulte d’une situation tout à faire particulière et circonscrite aux départements de l’Alsace-Moselle. Le législateur est non seulement invité à ne pas accroitre les distorsions juridiques causées par le droit local transitoire, mais il est au surplus invité à respecter le substantif de « transitoire », en veillant à mettre en conformité ce régime local avec le droit commun.

 

L’autre question qui se pose concerne plus l’opportunité politique de ce principe. Il est en effet à regretter que le Conseil constitutionnel ne se soit pas prononcé sur la conformité à la Constitution des dispositions de droit du travail contestées en l’espèce.

 

Car si le principe fondamental reconnu par les lois de la République de maintien du droit local transitoire de l’Alsace-Moselle permet de protéger ce dernier dans les conditions fixées par la décision Société SOMODIA, le Conseil constitutionnel ne se prononce pas sur les normes locales elles-mêmes. Il leur donne un statut spécifique de protection, considérant que seul le législateur a la légitimité requise pour modifier le régime local. Cette attitude est louable en première analyse. Après, tout, le Conseil constitutionnel ne cesse-t-il pas de répéter qu’il n’a pas le même pouvoir d’appréciation que le Parlement ?

 

Ceci dit, il eut quand même été préférable que le Conseil se prononce véritablement sur la conformité à la Constitution de ces dispositions locales. Car, outre quelques règles de droit du travail, que contient le droit local transitoire alsacien-mosellan ? Il existe des règles portant sur le droit social (comme la sécurité sociale, l’aide sociale, la législation portant sur les pharmacies…) ou encore la justice (frais de procédure, faillite civile…). Mais c’est surtout la question religieuse qui prédomine. Quand la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat[27] est adoptée, les territoires de l’Alsace-Moselle étaient annexés à l’Empire allemand. Ainsi, lors de leur restitution, le droit local étant maintenu, la législation religieuse antérieure à 1905 a également été maintenue, jusqu’à aujourd’hui. Le droit local alsacien est donc une actualisation du régime concordataire, dont on peut donner quelques exemples de dispositions. Il reconnaît trois cultes : catholique, protestant et israelite. Leurs statuts sont réglés par l’Etat sous un régime de droit public. La religion est enseignée dans les écoles publiques, les ministres du culte sont rémunérés par l’Etat selon une grille de salaire alignée sur la catégorie A. Les évêques sont nommés par le président de la République. Les autres cultes ne sont pas reconnus mais ont la possibilité de s’organiser selon un statut associatif, leur permettant d’obtenir des financements publics.

 

A n’en pas douter, le Conseil constitutionnel a préféré considérer que la globalité du droit local de l’Alsace-Moselle était le domaine réservé du législateur, plutôt que de pouvoir être interrogé sur la conformité à la Constitution du régime concordataire. Le problème oolitique posé est en effet trop important. Pour autant, il apparaît dommage que le Conseil n’ait pas ici pris ses responsabilités juridiques en se prononçant véritablement sur ces questions. Il aurait ainsi pu clarifier l’état du droit de ces trois départements, ou accélérer leur adaptation au droit commun. Au demeurant, il est peut-être préférable que le Conseil constitutionnel ait adopté une certaine prudence dans un type de décision (celles qui proclament les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République) qui est souvent sujet à critiques, tant la norme dégagée peut prêter à débats sur ses fondements, ou sa structure. Il est permis d’envisager sereinement l’avenir des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Ces normes seront rares et construites avec toute la précision rendue possible par leurs critères de reconnaissance.

 

A noter enfin que le principe fondamental reconnu par les lois de la République, et plus particulièrement au sein de la décision Société SOMODIA, cristallise l’un des reproches majeurs que le Conseil devrait examiner : son argumentation. Une cour constitutionnelle de ce nom doit pouvoir proposer des arrêts rédigés sur plus de quelques pages. Sans réclamer des opinions dissidentes, le Conseil doit produire des argumentaires plus poussés. Le cas des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République est symptomatique : en quelques lignes, le Conseil cite les textes de référence et dégage immédiatement un principe, là où la construction d’une nouvelle norme constitutionnelle devrait requérir un examen poussé et attentif des normes législative de référence, de l’étendue du principe, de sa finalité, et de son incorporation dans le corpus des règles constitutionnelles. L’argumentation est l’un des chantiers sur lequel le Conseil constitutionnel doit se pencher avec acuité, de même que sa composition ou son règlement de procédure, notamment a priori.

 

 

Antoine FAYE

 

 

Pour en savoir plus

 

Décision SOMODIA

 

Commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel.

 

Dossier documentaire.

 

Audience vidéo.

 

Textes cités

 

Loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle

 

Loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle

 

Ordonnance du 15 septembre 1944

 

Sur les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République

 

CHASSIN Catherine-Amélie, « L’actualité de l’arrêt Koné et la non-extradition en matière politique, plaidoyer pour une nouvelle acception des principes généraux du droit », AJDA, 2008, p.792.

 

MERLEY Nathalie, « La non-consécration par le Conseil constitutionnel de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », RFDA, 2005, p. 621.

 

FAVOREU Louis et alii, Droit constitutionnel, Dalloz, coll. Précis, 2007, 10e édition, pp. 121-123.

 

ROUSSEAU Dominique, Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, coll. Domat Droit public, 2008, 8e édition, pp. 105-110. 

 

Notes

 

 

[3] Voir l’article de Francois Luchaire, « Brèves remarques sur une création du Conseil constitutionnel : l’objectif de valeur constitutionnelle », RFDC, 2005, n°64, p 675-684.

 

[6] Où le Conseil avait consacré le statut pénal particulier des mineurs : Conseil constitutionnel, Loi d’orientation et de programmation pour la justice, 29 août 2002, n°2002-461 DC.

 

[7] Pour plus de précisions, voir l’article de Bruno Genevois, « Une catégorie de principes de valeur constitutionnelle : les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République », RFDA, 1998, p. 477.

 

[8] Jean Rivéro, « Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République : une nouvelle catégorie constitutionnelle ? », Rec. Dalloz, Chr. 1972, p. 265.

 

 

[15] Considérants 1 et 2.

 

[17] François Luchaire, Le Conseil constitutionnel, Economica, 1980, p. 182.

 

[22] Pour plus de précisions : Michel Verpeaux, « Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ou les principes énoncés dans les lois des républiques ? » Petites affiches, 16 juillet 1993, p. 7-8.

 

[23] Dominique Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien, 2008, 8e édition, p. 108.

 

[26] Considérant 4.

 

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