Surfer sur internet au travail peut entrainer votre licenciement

À l’heure de la dématérialisation de l’information, nous passons chaque année de plus en plus de temps connectés sur notre ordinateur professionnel et la tentation est souvent grande de s’évader quelques minutes sur des sites internet n’ayant pas de lien direct avec notre travail.

En effet, une étude réalisée par Olfeo[1] en 2015 a évalué à 50 minutes le temps passé par jour à surfer sur internet, pendant son temps de travail, et ce pour des raisons non professionnelles. Cela représente pas moins de cinq semaines à l’échelle d’une année et un coût assez élevé pour l’entreprise, estimé à 6.656 euros pas an et par salarié. Cette étude révèle aussi que l’usage à titre personnel d’internet au bureau entraine une chute de productivité de 10,2% et c’est notamment pour ces raisons que les employeurs se sont saisis de la question et que le contentieux relatif à ce sujet ne cesse d’augmenter.

Le 12 janvier 2016[2], la Cour Européenne des Droits de l’Homme est venue rendre un arrêt important dans lequel elle énonce qu’il n’est pas « abusif qu’un employeur souhaite vérifier que ses employés accomplissent leurs tâches professionnelles pendant les heures de travail ».

En l’espèce, il s’agissait d’un salarié roumain travaillant dans une entreprise privée et dont l’employeur avait surveillé les communications. Après s’être rendu compte que son salarié utilisait régulièrement son adresse mail professionnelle pour échanger avec ses proches et après avoir respecté les procédures, l’employeur a mit fin au contrat de travail de ce salarié. En effet, le règlement intérieur de la société interdisait explicitement l’usage des ressources professionnelles à des fins personnelles.

Le salarié a alors contesté son licenciement devant les tribunaux de première instance en invoquant la violation du droit au secret des correspondances prévue par la Constitution de 1958 et le Code pénal. Sa plainte fut rejetée au motif que « l’employeur s’était conformé à la procédure de licenciement prévue par le code du travail et que le requérant avait été dûment informé du RI de la société ».

Le salarié décida alors de faire appel de cette décision en invoquant cette fois, l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui prévoit le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance. Cependant, les juges d’appel ont estimé que la conduite de l’employeur avait été raisonnable et justifiée dans le contexte d’une procédure disciplinaire.

C’est alors que ce dernier décida de saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme en ré-invoquant l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. La Cour a estimé que cet article était applicable mais a refusé de considérer que le cas d’espèce entrainait une violation des dispositions. La Cour a conclu en affirmant que « les juridictions internes ont ménagé un juste équilibre entre le droit du requérant au respect de sa vie privée et de sa correspondance en vertu de l’article 8 et les intérêts de son employeur ».

Cette solution n’est pas très éloignée de la jurisprudence nationale dont les bases sont apparues avec le fameux arrêt Nikon[3] qui a consacré le principe du respect de la vie personnelle du salarié sur le lieu de travail, puis en a précisé les contours.

En effet, à plusieurs reprises, la Cour de cassation a admis des solutions similaires et a encadré cette surveillance. La Haute juridiction estime désormais et de manière constante que « les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence »[4]Il en est de même pour les courriers électroniques[5] ou encore les sms envoyés ou reçus par un salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par son employeur pour les besoins de son travail[6].

L’employeur souhaitant surveiller ses salariés devra en premier lieu faire une déclaration à la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL[7]) puis devra en informer ses salariés par le biais d’un affichage, d’une communication ou bien de son inscription au règlement intérieur. Toutefois, le règlement intérieur peut « contenir des dispositions restreignant le pouvoir de consultation de l’employeur en le soumettant à d’autres conditions » et lui interdire, de façon générale, la consultation des messages électroniques d’un de ses salariés, en dehors de sa présence[8].

Il est donc important de veiller à la rédaction des documents internes puisque ces derniers engagent en définitif, aussi bien l’employeur que les salariés, qui pourront s’en prévaloir en cas de conflit.

Driss MAALLEM-DEBARD

[1] Etude Olfeo 2015 « La réalité de l’utilisation d’internet au bureau ». Disponible sur http://www.olfeo.com/sites/olfeo/files/pdf/etude-olfeo-realite-utilisation-internet-bureau-2015.pdf

[2] Cour. EDH, Affaire « Bărbulescu c. Roumanie », Requête no 61496/08

[3] Cour de cassation, chambre sociale, 2 octobre 2001, arrêt Nikon France c/ Onof n°99-44.942

[4] Cour de cassation, chambre sociale, 19 juin 2013, n°12-12.138

[5] Cour de cassation, chambre sociale, 16 mai 2013, n°12-11.866

[6] Cour de cassation, chambre sociale, 10 février 2015, n°13-14.779

[7]http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/approfondir/dossier/travail/FICHETRAVAIL_INFORMATIQUE.pdf

[8] Cour de cassation, chambre sociale, 26 juin 2012, n°11-15.310

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