Après la tempête, le mauvais temps de la responsabilité

Une volonté prétorienne de responsabiliser pénalement les élus locaux

Le jugement du 12 décembre 2014 du tribunal correctionnel des Sables-d’Olonne condamne l’ancien maire de La Faute-sur-Mer à quatre ans de prison ferme pour homicides involontaires et mise en danger de la vie d’autrui, notamment pour avoir accordé des permis de construire en zone inondable.

Les contours sémantiques de cette affaire semblent teintés d’un certain sarcasme : c’est bien de la faute du maire de La Faute-sur-Mer dont il est question dans ce jugement. Pourtant, l’espèce est particulièrement sérieuse : y a-t-il un responsable des dégâts de la tempête Xynthia ? Cet événement climatique exceptionnel et imprévisible a en partie frappé la côte ouest de la France en février 2010, faisant vingt-neuf morts sur la commune de La Faute-sur-Mer. Le 12 décembre 2014, le tribunal de grande instance des Sables-d’Olonne a donné sa conception de la responsabilité pénale des élus locaux en matière d’événements climatiques exceptionnels.

I. Un jugement motivé

Dans ce jugement – pour le moins complet (pas moins de 316 pages) –, une faute détachable du service commise par le maire est retenue, se fondant sur plusieurs faits. Le juge souligne la connaissance du risque de dégâts et son déni par cet élu qui « a, par son immobilisme durant dix ans, volontairement dédaigné les informations et les avertissements de l’État quant au risque naturel majeur de submersion marine » (p. 139 du jugement). Cette faute se traduit concrètement par la délivrance de permis de construire en zone inondable, notamment au début des années 2000, en méconnaissance assumée des règles d’urbanisme et des avertissements de l’État. Elle est donc bien personnelle et non liée au service, susceptible d’engager la responsabilité civile et pénale de l’agent municipal et non celle du service. Sur ces fondements, le TGI déclare le maire et son adjointe à l’urbanisme coupables des faits de mise en danger d’autrui et d’homicides involontaires par violations manifestement délibérées d’une obligation de sécurité ou de prudence, commises dans la nuit du 27 au 28 février 2010, respectivement à une peine de prison ferme de quatre ans et de deux ans. Cette décision de justice mérite une attention particulière.

II. Un jugement retentissant

La tempête Xynthia semble avoir également emporté sur son passage la conception classique de l’élu local par le juge : pour la première fois, ce dernier retient une peine de prison ferme pour un délit non intentionnel. Le choix d’une peine si lourde témoigne d’une volonté de responsabiliser pénalement les élus locaux, notamment en matière d’urbanisme. Il ne fait pas de doute que le juge a voulu condamner pour l’exemple ce premier édile, afin de dissuader l’autorisation de construction d’habitations dans les zones déclarées à risque, et d’éviter une urbanisation à outrance inconsciente des risques météorologiques de plus en plus menaçants. Le juge fait peser l’ensemble des dégâts causés par Xynthia sur la personne du maire, en tant qu’il semble être le moins irresponsable. Cette responsabilité semble très étendue au regard du caractère particulièrement exceptionnel et imprévisible que représente cette catastrophe naturelle. Le juge aurait pu retenir une responsabilité partagée entre les multiples acteurs, comme le demandeur du permis de construire ou encore l’État qui a failli à son contrôle de légalité, prenant davantage en compte la pression immobilière pesant sur les élus. En effet, le TGI écarte la responsabilité de l’État, pourtant soupçonné compte tenu de son rôle dans l’accompagnement des collectivités dans leur gestion de l’urbanisme. C’est donc l’attitude parfois laxiste des élus locaux dans l’urbanisation illicite qui semble clairement sanctionnée.

Face à cette décision chargée de sens, s’avance-t-on vers une systématisation des condamnations lourdes pour délit non intentionnel ou est-ce un jugement purement contextuel, lié au poids émotionnel de Xynthia et aux importantes fautes du maire ? Les prévenus ont fait appel de ce jugement du TGI. Affaire à suivre…

Alice Girardot

Master 2 Droit constitutionnel

Université Montpellier 1

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