Du droit administratif en matière de pratiques restrictives de concurrence : l’exemple de l’injonction administrative

Pendant le XIXème et la première moitié du XXème siècle, la sanction du droit des pratiques restrictives de concurrence (pratiques du Titre IV du Livre IV du Code de commerce) relevait du droit pénal. Mais depuis quelques années, un changement est opéré par le législateur. Il est alors être constaté une modification de la nature de la sanction du droit pénal vers le droit administratif. Ce choix relèverait d’une volonté de durcir les sanctions en droit des pratiques restrictives de concurrence jugées jusqu’alors insuffisamment efficaces.

Une introduction récente en droit des pratiques restrictives de concurrence 

Parmi les instruments mis à la disposition de l’Administration, l’injonction administrative est l’une des figures de la loi « Hamon »[1]. Ainsi, les agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) bénéficient désormais d’un pouvoir d’injonction en droit des pratiques restrictives de concurrence, dont le non-respect donnera lieu à une amende administrative (3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale).

Insérée dans le Titre IV du Livre IV du Code de commerce intitulé « Transparence, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées », et plus précisément aux articles L.465-1 et L.465-2 du Code de commerce, l’injonction apparaît comme une sanction administrative pouvant être mise en œuvre par les agents également compétents pour procéder aux enquêtes. Ainsi, un pouvoir considérable est consacré à l’Administration qui va pouvoir rechercher le manquement, formuler le(s) grief(s) puis prononcer une sanction.

Un cumul de fonctions contestable ? 

Cette concentration de pouvoirs n’est pas sans poser de problèmes. Il s’agirait selon certains d’un « mouvement classique »[2] consistant à évincer le juge au profit d’autorités administratives.

S’impose donc un cumul des fonctions au profit de l’Administration, soulevant à tout le moins des soupçons au regard de l’impartialité qui devrait être observée par tout organe de sanction [3], cumul cependant confirmé par le Conseil constitutionnel en ce qu’il est assorti de « mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis »[4].

Parce qu’en effet, via cette prérogative d’injonction, les agents pourront enjoindre au professionnel de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite, en lui impartissant, dans un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations.

La procédure est par ailleurs marquée par l’introduction du principe de la contradiction. Ainsi, l’Administration doit informer par écrit le professionnel mis en cause, en lui indiquant qu’elle peut prendre connaissance du dossier, se faire assister d’un conseil et en l’invitant à présenter ses observations écrites dans un délai de 60 jours.

Une forte présence du droit administratif au sein du droit des pratiques restrictives de concurrence est donc notable, et ce d’autant plus que, si un recours doit être exercé, celui-ci devra l’être devant le juge administratif. C’est en effet la procédure administrative qui s’imposera avec ses recours administratifs préalables (gracieux ou hiérarchique) et/ou ses recours contentieux qui devront être introduits dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision. Se dessine alors une potentielle – mais certaine – interprétation des dispositions du Code de commerce par le juge administratif et, avec elle, toutes les questions attachées à la cohérence et la pertinence d’une dualité de la jurisprudence en matière commerciale.

Ainsi, le législateur a entamé une philosophie de dépénalisation avec pour objectif une efficacité accrue du droit des pratiques restrictives de concurrence. Reste à voir si le système mis en place donnera les résultats escomptés !

 

 Dorine MORILLON

 

[1] Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation

[2] « Analyse critique des dispositions relations aux sanctions administratives », J-D. Bretzner et M. Bendavid – AJ Contrats d’affaires Concurrence Distribution – n°1 avril 2014 pp 19-20

[3] Article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789

[4] Conseil Constitutionnel, 13 mars 2014, Décision n°2014-690 DC

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