Les inventions des salariés : quand droit du travail et propriété intellectuelle se rencontrent

Journalistes, dessinateurs, photographes… Tout autant de professions créatives pour lesquelles les salariés font preuve d’inventivité. Mais qu’en est-il du lien entre propriété intellectuelle et droit du travail ? Qui bénéficie de la titularité des droits afférents aux créations de salariés ? Focus sur ce régime particulier.

Les créations des salariés 

Droit du travail et droit de la propriété intellectuelle n’approchent pas la problématique de la même manière. Si le droit du travail lie le salarié à son employeur pour l’exécution de ses missions, le droit de la propriété intellectuelle ne poursuit qu’une finalité : établir la qualité d’auteur et donc de détenteur des droits sur la création. Dans certains cas, le salarié pourra donc conserver la titularité de ses droits lorsque dans d’autres, c’est à l’employeur qu’ils reviendront.

  • Une pluralité de droits

La propriété intellectuelle peut se manifester par l’exercice de différents droits.

Le droit d’auteur. Il protège les créations de formes originales telles que les œuvres littéraires, musicales, artistiques… mais s’applique également aux arts industriels tels que la mode, et depuis peu aux logiciels et bases de données. La protection par le droit d’auteur confère des droits patrimoniaux comme la reproduction de l’œuvre et la communication au public ainsi que des droits moraux (droit à la paternité et droit à l’intégrité).

Le droit de brevet. Il confère un monopole qui empêche toute personne d’utiliser la même invention et ne fait bénéficier que d’un seul droit : le droit de fabrication.

Le droit des marques. Il confère lui aussi un monopole d’exploitation de la marque pour le type de produits ou de services qu’elle représente.

Les droits voisins. On y retrouve le droit des artistes interprètes, les droits donnés aux entreprises (producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes, chaînes de radio et télévision) ainsi que le droit sur les bases de données.

  • Distinction selon les missions

Selon la situation, il est possible de distinguer trois types d’inventions ayant chacune leur régime :

Les inventions de mission

Elles sont créées dans le cadre des missions du salarié ou encore dans le cadre d’études ou de recherches lui ayant été confiées. Dans ce cas, l’employeur est seul titulaire des droits relatifs à l’invention. Le salarié quant à lui pourra être cité comme inventeur si telle est sa volonté. Il bénéficiera d’une rémunération supplémentaire fixée par la convention collective, l’accord d’entreprise ou le contrat de travail.

Les inventions hors mission « attribuables »

Le salarié sort du cadre des missions qui lui sont dévolues mais l’invention présente tout de même un lien avec l’entreprise (elle entre dans le domaine d’activité du salarié ou a été mise en œuvre grâce aux moyens mis à disposition par l’entreprise). Le salarié est ici titulaire des droits sur son invention, toutefois, l’employeur pourra bénéficier d’un droit de jouissance ou d’un droit d’attribution par lequel il s’attribuera la propriété de l’invention. L’employeur se doit ici de payer le salarié à un « juste prix ».

Les inventions hors mission « non attribuables »

Les inventions sont ici réalisées hors du cadre des missions du salarié et ne présentent aucun lien avec l’entreprise. La titularité des droits revient bien entendu au salarié qui ne bénéficiera d’aucune rémunération mais pourra jouir intégralement de son invention et en retirer les bénéfices.

La rédaction du contrat de travail

Par principe, la conclusion d’un contrat de travail avec l’auteur n’altère en rien la titularité des droits par ce dernier sur son œuvre. Toutefois, il est possible de procéder à une cession de droits par le biais du contrat de travail. En cas de revendication des droits par le salarié, l’entreprise pourra ainsi prouver que celui-ci les lui a confiés. Il convient de rappeler que les litiges relatifs à la propriété intellectuelle sont soumis au Tribunal de Grande Instance et ce, même en présence d’un contrat de travail.

  • Clause de cession

La clause de cession se doit d’être rédigée avec le plus grand soin et devra répondre aux exigences du Code de la propriété intellectuelle. Voici quelques rappels importants.

La cession des œuvres futures

Il est fréquent de constater que certains employeurs insèrent des clauses aux termes desquelles le salarié s’engage à céder ses droits sur l’ensemble des œuvres qu’il serait amené à créer tout au long de la relation de travail. Cependant, comme le rappelle la Cour de Cassation(1), en vertu de l’article L 131-1 du Code de la propriété intellectuelle, la cession globale des œuvres futures est nulle. L’employeur risquerait dès lors que le salarié revendique ses droits, demande le paiement d’arriérés et lui interdise d’exploiter l’œuvre dont les droits lui reviennent.

Détails sur les droits cédés

L’article L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit que la transmission des droits d’auteur n’est possible qu’à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue, sa destination, son lieu et sa durée. Le contrat devra donc reprendre chaque droit cédé en le détaillant. En cas de non-respect de ces dispositions, la cession sera nulle.

L’inaliénabilité des droits moraux

La cession ne peut en aucun cas porter sur les droits moraux du salarié qui sont et demeurent inaliénables. Ces droits lui permettent d’interdire la modification de son œuvre et d’exiger la mention de son nom comme auteur.

  • Exceptions

Dans certains cas, la cession de droits de quelle manière que ce soit s’avère impossible, on distinguera notamment :

L’œuvre collective. L’employeur sera titulaire initial des droits attachés aux œuvres créées par ses employés.

Les logiciels. Les droits sont directement confiés à l’employeur.

Les agents publics. Dans le cas d’exploitations non commerciales, les droits appartiennent à l’employeur.

Les journalistes. L’entreprise de presse se voit conférer de nombreux droits.

 

Alicia TERDJEMANE

(1) Cass. Soc. 7 Janvier 2015, n°13-20.224

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