Un dispositif favorisant la solidarité entre salariés

Depuis la loi n°2014-459 du 9 mai 2014, il est désormais possible pour un salarié de faire un don d’un ou plusieurs jours de repos à l’un de ses collègues ayant un enfant gravement malade.

Cette mesure a vu le jour trois ans après le dépôt d’une proposition de loi à l’Assemblée Nationale par le député UMP Paul Salen, touché par l’histoire d’un salarié de l’entreprise Badoit qui a pu accompagner son fils âgé de 11 ans atteint d’un cancer et en fin de vie, grâce à la générosité de ses collègues.


L’insuffisance des dispositifs déjà existants

Avant cette loi, il existait déjà plusieurs dispositifs toujours en vigueur permettant au salarié de s’absenter afin de rester auprès de son enfant malade.

Le congé de présence parentale permet de bénéficier d’une réserve de jours de congés utilisée par le salarié pour s’occuper d’un enfant à charge atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité, rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants. Le congé est attribué pour une période maximale de 310 jours ouvrés par enfant et par maladie, accident ou handicap sur une période maximale de trois ans. Le salarié ne perçoit pas de rémunération, mais il peut bénéficier de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) qui est de 42,87 euros. Cette allocation est versée par la sécurité sociale (et non par l’employeur).

Le congé pour enfant malade est ouvert à tout salarié s’occupant d’un enfant malade ou accidenté de moins de 16 ans dont il assume la charge. La durée légale du congé est fixée à 3 jours par an. Elle peut être portée à 5 jours si l’enfant est âgé de moins de 1 an ou si le salarié assume la charge d’au moins 3 enfants âgés de moins de 16 ans. Ce congé n’est pas rémunéré et ne donne droit à aucune allocation.

Le congé de solidarité familiale permet d’assister un proche dont la pathologie met en jeu le pronostic vital ou qui est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable. Le salarié souhaitant bénéficier du congé de solidarité familiale peut s’occuper d’un ascendant, d’un descendant, d’un frère ou d’une sœur ou d’une personne partageant le même domicile ou l’ayant désigné comme sa personne de confiance. Le congé de solidarité familiale est d’une durée maximale de 3 mois, renouvelable une fois. C’est un congé non rémunéré. Cependant, le bénéficiaire du congé de solidarité familiale peut percevoir une allocation journalière qui est de 55,15 euros, versée par la sécurité sociale (et non pas par l’employeur).

Ces trois congés ne sont pas rémunérés mais donnent seulement droit à des allocations versées par la sécurité sociale et relativement peu élevées. Le dispositif du don de jour de repos répond à une logique totalement différente puisque les jours d’absence du salarié sont rémunérés par l’employeur.


La mise en place d’un cadre légal pour le don de jours de repos

Avec la loi du 9 mai 2014, le législateur entérine une pratique déjà admise par plusieurs sociétés du secteur privé (groupe Casino, groupe PSA) qui ont mis en place le don par le biais d’accords collectifs. En dehors de ces accords collectifs, le don n’était pas possible. La loi instaure désormais un cadre légal à ce dispositif en ajoutant l’article L. 1225-65-1 au Code du travail permettant à tout salarié du secteur privé et du secteur public (un futur décret viendra en fixer les modalités) de faire le don de jours de repos à un parent ayant un enfant souffrant.

Il est à noter que le dispositif législatif ne se substitue pas aux accords déjà passés au sein des entreprises pour permettre le don de jours de repos, sauf dispositions conventionnelles moins favorables.


Le donateur

Le salarié d’une entreprise peut décider de donner volontairement un ou plusieurs jours de repos à un de ses collègues ayant un enfant gravement malade. Cependant, cette volonté du salarié doit se faire  » en accord avec l’employeur« . Le salarié doit donc faire une demande auprès de son employeur. Même si la loi ne l’impose pas, il est recommandé à l’employeur d’exiger une demande écrite.

L’employeur est libre d’accepter ou de refuser la demande. Il n’a pas à motiver sa décision. En principe, on ne voit pas pourquoi un employeur refuserait à un salarié de donner un ou plusieurs jours de repos à un de ses collègues si ce n’est pour préserver un volume de repos suffisant pour le salarié et s’assurer ainsi de sa santé ou encore pour permettre une bonne gestion de l’entreprise. Dans les entreprises ayant expérimenté le don de RTT, un fonds de solidarité permettant la gestion des jours de repos donnés est mis en place.

Ce don est « sans contrepartie« , c’est à dire gratuit et il est fait « anonymement« , ce qui permet de ne pas culpabiliser les salariés qui ne sont pas donateurs. Cependant, cet anonymat est relatif car il dépend de la taille de l’entreprise. De plus, l’anonymat ne joue qu’entre salarié et non vis-à-vis de l’employeur puisque ce dernier donne son accord.

Il importe peu que les jours cédés aient été affectés ou non à un compte épargne temps. En revanche, le salarié peut renoncer à ses congés payés uniquement au-delà du 24ème jour. C’est à dire que seule sa cinquième semaine de congés payés peut faire l’objet d’un don. Les jours de récupération et les jours de RTT peuvent quant à eux être cédés sans limite.


Le bénéficiaire

Le bénéficiaire est nécessairement un salarié de la même entreprise que le donateur. Le don inter-entreprises n’est donc pas possible. La loi ne conditionne pas le bénéfice des jours de repos à l’accord de l’employeur. Le point fort de ce dispositif est que le salarié en charge de son enfant malade voit sa rémunération préservée pendant la période d’absence. Pour la détermination de ses droits liés au calcul de l’ancienneté, la période d’absence est assimilée à une période de travail effectif, si bien que le salarié conserve tous les droits acquis avant le début de l’absence.


L’enfant malade

L’enfant du donateur doit nécessairement être âgé de moins de 20 ans. Afin d’éviter les abus, Le législateur a utilisé une terminologie très précise dans la rédaction de cet article. En effet, le dispositif vise les enfants atteints d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident « d’une particulière gravité rendant indispensable une « présence soutenue » et « des soins contraignants ». Enfin, un « certificat médical détaillé  » doit être établi par le médecin qui suit l’enfant. Ce certificat précise la durée prévisible de traitement de l’enfant.


Un dispositif bienvenu mais insuffisant

L’intérêt financier et psychologique de ce dispositif est indiscutable. En effet, ce soutien aux parents d’enfant malade est précieux et leur permet de faire face à une situation souvent pénible et douloureuse. Ce dispositif présente également un intérêt social. Valoriser l’esprit de volontariat et de don permet de renforcer la cohésion sociale au sein d’une entreprise.

Cependant, plusieurs critiques peuvent être faites à cette loi. D’abord, les jours de repos répondent à un impératif de protection de la santé des salariés. Le don de jours de repos ne doit pas compromettre cet impératif. A noter cependant que seule la cinquième semaine de congés payés ne peut faire l’objet de don.

Par ailleurs, cette solidarité fondée sur les dons individuels est aléatoire et peut créer des injustices et des inégalités entre salariés. Certes, l’avantage de ce dispositif est qu’il n’implique aucune dépense publique mais l’Etat ne doit pas se dédouaner de ses responsabilités et privilégier la solidarité individuelle sur la solidarité nationale. Il aurait donc été souhaitable que parallèlement à ce nouveau dispositif, les congés existants bien trop insuffisants soient améliorés par le législateur. Il aurait également pu être envisageable que soit mis en place un dispositif dans lequel les employeurs feraient preuve de générosité envers leurs salariés dont l’enfant est malade.


Lucie Tourte

Master 2 Droit Social, Université de Rouen.

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