La gouvernance des entreprises publiques

 


 

La crise financière touche aujourd’hui les Etats européens. Le risque de défaut de paiement des membres de la zone Euro suscite inquiétudes et angoisses et des questions se posent quant à la capacité des nations d’assurer leurs fonctions régaliennes et sociales, comme le démontre l’exemple de la Grèce. Mais les Etats agissent aussi comme des investisseurs privés sur les marchés concurrentiels par le biais de entreprises publiques, et les stratégies de gouvernance qu’ils adoptent sont influencés par la situation de l’économie mondiale. Retour sur l’exemple français de la gouvernance des entreprises publiques.

 


 

L’Agence des participations de l’Etat est un service à compétence national créé par le décret du 9 septembre 2004. « L’agence exerce, en veillant aux intérêts patrimoniaux de l’Etat, la mission de l’Etat actionnaire dans les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou indirectement, par l’Etat ». Sa compétence s’étend sur environ 70 entreprises du secteur public, dans tous les secteurs d’activités (par ex. dans les transports avec la SNCF et la RATP, l’énergie avec Areva, les médias avec France télévisions etc.).

 

L’idée de la création d’une agence dédiée, rattachée directement au Ministre de l’Economie vient du rapport Barbier de la Serre [1] qui recommande de distinguer clairement le rôle de l’Etat puissance publique de celui de l’Etat actionnaire. Il est certain que l’interventionnisme économique de l’Etat n’est pas chose nouvelle. L’intérêt d’un contrôle de certaines entreprises dans les secteurs stratégiques pour les besoins et la sécurité de la nation est évident : en tant qu’actionnaire, l’Etat jouit d’une position lui permettant de disposer d’outils spécialisés (par ex. la DCNS pour la construction et l’armement naval) et efficaces. L’Etat à double visage préside donc aux destinés de ces entreprises, sans pour autant perdre de vue l’intérêt national.  

 

Or, il peut arriver qu’intérêt social de l’entreprise et intérêt national ne se recoupent pas. De plus, la poursuite d’objectifs de haute administration peut conduire à se passer du respect de certaines règles du marché. Or, les règles de concurrence et notamment celles régissant les aides d’Etat sont impératives et ne peuvent souffrir d’exceptions que dans un nombre très limité de cas. Enfin, la bonne gestion des deniers publics investis dans une entreprise agissant sur un marché concurrentiel implique effectivement que l’Etat se comporte comme un investisseur privé.

 

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C’est pour ces raisons, notamment, qu’est apparue nécessaire la création d’un service dédié et spécialisé, et ce d’autant plus que le droit communautaire se fait de plus en plus pressant sur l’Etat français. La Commission, et à sa suite la CJUE, traquent consciencieusement les incartades des Etats membres. On remarque ainsi un lien de cause à effet plus qu’hasardeux entre la jurisprudence communautaire et la création de l’Agence des participations de l’Etat. En effet, échappe à la qualification d’aide d’Etat prohibée toute intervention de l’Etat dans l’économie qui s’identifie à celle d’investisseur privé. A l’inverse, est une aide d’Etat toute intervention publique menée en dehors des logiques de marché [2].

 

L’agence des participations exerce sa mission par la coordination entre les différents services ministériels concernés. Elle met en place, après avis de ces services, les stratégies de l’Etat actionnaire. Outre le fait qu’elle peut être consultée sur la nomination par décret des administrateurs représentant l’Etat au sein des entreprises publiques, elle s’assure également de la cohérence des positions de ces représentants au sein des conseil d’administration.

 

En ces temps d’instabilités sur les marchés financiers, l’action de l’agence et la ligne de conduite qu’elle adoptera dans la gouvernance des entreprises publiques devra être suivie avec attention. Plus particulièrement, l’évolution du contrôle qu’elle exerce sur l’établissement public de financement, le fonds stratégique d’investissement, et encore plus sur la société des prises de participations de l’Etat, outil crée en 2008 pour répondre au risque d’une faillite bancaire, fournira de très intéressantes informations sur la politique que l’Etat entend mettre effectivement en place.

 

 

A. Stoltz, P. Jablonski, J. Carre, H. Rassafi

 

 

Notes

 

[1] Rapport, L’Etat actionnaire et le gouvernement des entreprises publiques, 2003

 

[2] G.KARYDIS, Le principe de l’« opérateur économique privé », critère de qualification des mesures étatiques, en tant qu’aides d’Etat, au sens de l’article 87 § 1 du Traité CE, RTD Eur. 2003.389


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