L’Etat : entre souverain protecteur des arts et garant de l'ordre public

CONTRIBUTION À L’AFFAIRE DES SPECTACLES DE DIEUDONNE,

ETUDE DE L’ORDONNACE DU CONSEIL D’ETAT

Par l’ordonnance n°374552 du 11 janvier 2014, le juge des référés du Conseil d’Etat statuant au contentieux a confirmé l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif d’Orléans interdisant une représentation du spectacle « le Mur ».

Le souverain est depuis le XVIIème siècle considéré comme le protecteur des arts et de la culture. Reconnu comme un service public, le théâtre a ainsi été consacré mission de l’Etat par le droit prétorien.

Et si le juge est le garant constitutionnel des droits et libertés fondamentaux, l’ordre public comme notion régalienne et manifestation de l’intérêt général dispose pour son respect  de la notion d’intérêt supérieur.

L’ordonnance du Conseil d’Etat

Une contestation constitutionnelle de la jurisprudence du Palais Royal

Dans son ordonnance du 11 janvier 2014 le juge des référés est prioritairement saisi d’une demande de renvoi en QPC (question prioritaire de constitutionnalité) afin de déférer au Conseil Constitutionnel l’arrêt du 27 octobre 1995 pour établir son rapport à la constitution.

L’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge est une décision fondamentale du juge suprême administratif limitant la liberté d’expression et d’entreprise au motif du respect supérieur de la dignité humaine.

Moyen infructueux car le juge rappelle que seule une disposition législative peut être renvoyée aux sages et non un arrêt du Palais Royal.

Une mesure de police administrative

Dès son 5éme considérant, le juge reprend et réaffirme la nécessité de protéger la liberté d’expression, nécessaire à toute démocratie. Liberté qu’il lie avec la liberté de réunion et pour l’exercice desquelles il prescrit à la police administrative de prendre toute disposition afin d’en garantir la sécurité et l’effectivité.

Donnant la clef jurisprudentielle du litige, le Palais Royal reprend le triptyque nécessaire à la légalité de toute mesure tendant à restreindre les libertés individuelles et collectives : elle doit être nécessaire, adaptée et proportionnée.

En l’espèce ces conditions étaient respectées et même si le spectacle venait à être modifié dans son contenu, comme proposé par le demandeur, le risque resterait néanmoins présent et le juge administratif pose ici une considération fondamentale : les forces de l’ordre sont insuffisantes à prévenir la menace de provocation à la haine et à la discrimination raciale.

Aussi l’encadrement et sa suffisance ne sont ainsi pas mis en cause et ne peuvent l’être car en aucun cas elles ne fonderont à elles seules l’autorisation de maintenir un spectacle présentant un risque, qui sera systématiquement interdit si aucune autre garantie ne peut être apportée.

Une motivation peu équivoque pour une décision potentiellement liberticide ?

Enfin le juge administratif retient une application stricte du code de justice administrative. Le référé donne, au vue de l’urgence de la situation et des délais de prise de la décision juridictionnelle, des dérogations importantes au principe du contradictoire et à l’importance des motifs pris à l’appui du verdict prétorien.

Il est à préciser qu’aucun rapporteur public n’est présent lors de ces procédures d’urgence qui ne constituent en aucune façon un jugement final, mais une mesure temporaire dans l’attente d’un procès en plein contentieux ou en excès de pouvoir.

Ainsi cette carence en motivation, même si elle est en l’espèce démentie par le juge suprême, ne serait pas de nature à être retenue, même pour un référé portant sur une restriction de liberté qui ne bénéficie d’aucun régime dérogatoire, exception faite du référé liberté spécialement organise pour leur défense.

François-Xavier WENGER

Licence 3 Droit, Toulon

 

Fabien SCHAEFFER

Licence 3 Droit, Aix-en-Provence

 

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