Etre une femme en détention : la double peine ?

Au 1er janvier 2016, les femmes représentaient 3,2% de la population carcérale, un faible nombre qui pourrait pourtant garantir plus facilement le respect de leurs droits fondamentaux. Or, l’accès au travail, aux soins ou le maintien des liens familiaux sont autant de droits fondamentaux davantage bafoués chez les femmes détenues.

Pour elles, c’est la «double peine», dénonce Adeline Hazan, Contrôleure Générale des Lieux de Privations de Liberté (CGLPL). Ce constat résulte en grande partie de leur isolement. Isolées de l’extérieur, les femmes le sont également à l’intérieur même des établissements pénitentiaires.

Isolées de l’extérieur

Un rapport du Sénat évoque des femmes confrontées à des « situations souvent plus complexes et plus douloureuses que chez les hommes », plus « désocialisées ». Le maintien de leurs liens sociaux et familiaux se trouve notamment fragilisé par un maillage territorial déséquilibré des établissements pénitentiaires. Les établissements pour femmes sont principalement implantés au nord de la France, au risque de décourager les familles de se rendre au parloir. Ce déséquilibre géographique alimente par ailleurs la surpopulation des établissements du sud. A la maison d’arrêt de Nice pour femmes le taux d’occupation était de 153% en début d’année. Les femmes cohabitent à cinq dans une cellule de 9m2, toilettes comprises.

Dans un courrier adressé à la Section Française de l’Observatoire International des Prisons (SFOIP), une détenue du centre de détention de Rennes signalait que “la moitié des enfermées n’ont pas de parloirs ou alors avec un seul visiteur. Un quart ne savent pas écrire et ne reçoivent pas de lettres”. Cet enclavement présage une réinsertion difficile et fait peser la menace d’une resocialisation dans un milieu criminogène.

Isolées à l’intérieur

En parallèle, l’avis du 18 février 2016 du CGLPL, qui fait suite à la visite de nombreux lieux de privation de liberté, révèle un isolement des femmes à l’intérieur même des établissements. L’article R-57-6-18 du Code de Procédure pénale interdit aux femmes ne serait-ce que de croiser les hommes, une stricte séparation qui contraint leurs déplacements. Ceux-ci doivent en effet s’intercaler entre ceux plus fréquent des hommes car bien plus nombreux. De facto les femmes accèdent plus rarement aux équipements commun l’unité sanitaire, la bibliothèque, le terrain de sport ou le lieux de culte. Une telle discrimination se rencontre également dans leur accès au travail. Dans la majorité des établissements, les femmes n’ont pas la possibilité d’occuper un poste au sein des services centraux tels que la cuisine, le vestiaire, la lingerie ou les zones socio-culturelles. L’avis du CGLPL relève là encore un accès insuffisant aux soins gynécologiques et aux produits d’hygiène. Or, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ainsi que les Règles Pénitentiaires Européennes rappellent la nécessité d’une garantie effective des droits sanitaires.

Le principe constitutionnel de non-discrimination comme les garanties fondamentales de la Convention Européenne des droits de l’homme ont ainsi bien du mal à s’appliquer au-delà des murs.  

 

Juliette Vigouroux

POUR EN SAVOIR +

  • Adeline Hazan, Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté (Autorité administrative indépendante), dans une interview journal Le Monde en date du 18 février 2016
  • Rapport d’information n° 156 du Sénat, déposé le 11 décembre 2009 par la délégation aux droits des femmes
  • Communiqué de l’OIP, « Les femmes détenues : une minorité discriminée dans l’institution carcérale » en date du 8 mars 2016
  • Site de l’association « Carceropolis »: www.carceropolis.fr

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