MODIFICATION DE LA JUSTICE ADMINITRATIVE : LA FIN DE L’APPEL POUR LE CONTENTIEUX DU PERMIS DE CONDUIRE

Par décret du Premier Ministre sur avis du Conseil d’Etat (décret n°2013-730 du 13 Aout 2013) portant modification de code de justice administrative, le contentieux du permis de conduire sera désormais jugé sans appel par les seuls Tribunaux Administratifs.

Les cours administratives d’appel en sont à présent déchargées, le contentieux du permis de conduire ne sera à partir du 1er janvier 2014 plus susceptible d’appel. A présent, seul le Conseil d’Etat pourra dans cette matière réviser le jugement du tribunal administratif.

Contrairement au recours devant la juridiction judiciaire, il ne s’agit pas pour le requérant devant le tribunal administratif de contester l’existence de l’infraction, mais de contester la sanction administrative du retrait de points ou de la suspension du permis de conduire par exemple. Une contestation se basant principalement sur un défaut de procédure et sur l’absence de l’information préalable prévue par l’article L 223-3 du code la route, aboutissant à l’annulation de la sanction.

La décision administrative unilatérale prononcée par le Ministre de l’Intérieur, permettait par le contentieux objectif de réclamer son annulation via le Recours pour Excès de Pouvoir. Une procédure peu couteuse due notamment au caractère facultatif du ministère d’avocat.

Dès lors le Conseil d’Etat a pallié certaines failles du système en établissant notamment une présomption de notification et d’acceptation de la sanction au moment de la signature du Procès-Verbal de l’infraction. Une efficacité prétorienne qui a amené le Palais Royal à expliquer la fermeture de l’appel par « la diminution de moitié de ces contentieux en l’espace de trois ans ».

Une fermeture réglementaire qui suscite cependant de nombreuses interrogations, sur sa possible annulation sur la base de son inconstitutionnalité (I) ou sur son retrait suite à une sanction de la CEDH (II).

I)              Un règlement inconstitutionnel

Il ne semble pas fondé de penser que l’annulation du décret puisse être prononcée sur la base de son inconstitutionnalité. Notamment parce qu’aucune disposition constitutionnelle ne consacre la juridiction administrative. Elle n’évoque le Conseil d’Etat qu’en tant qu’institution consultative et non comme juridiction.

De plus le décret ne modifie que la partie réglementaire du code de justice administrative et non l’espace législatif. Ainsi par parallélisme des compétences l’article 34 de la constitution semble ainsi être totalement respecté.

Même si le Conseil Constitutionnel est favorable à la protection constitutionnelle du juge administratif, les sages n’auront cependant pas à se prononcer. En effet, aucun recours ne permet de porter un décret devant le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’Etat étant seul juge en premier et dernier ressort pour sanctionner la conformité d’un décret à la constitution. Et même si le juge suprême administratif a déjà sanctionné des décrets pris sur son avis, il semble ici qu’aucune inconstitutionnalité ne pourra être relevée.

II)             Les regards tournés vers la CEDH

La convention européenne des droits de l’homme, signée et ratifiée par la France prescrit l’obligation de garantir un appel des décisions de justice pénale. Or la sanction administrative a belle et bien été considérée comme une action pénale au sens de la convention.

De plus, la jurisprudence de Strasbourg tend à consacrer la tendance positive du droit prétorien de la convention en établissant une jurisprudence que le Professeur Emmanuel Decaux analyse comme étant une jurisprudence d’obligation de l’Etat, « des obligations d’action, d’intervention et non d’abstention ».

Une position qui a ainsi poussé la France à créer les cours d’assise d’appel afin d’assurer la possibilité d’appel des décisions de justice pénale, la cassation n’étant pas considérée comme un appel, le recours restant possible au Conseil d’Etat ne pourra être considéré comme tel.

Une position cependant à nuancer étant donnée la théorie de la marge d’appréciation, qui accorde aux Etats, sous couvert de leurs spécificités juridiques ou politiques, une tolérance de la Cour.

Fabien SCHAEFFER

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