La clause de No-Show, une nouvelle clause abusive ?

Avez vous lu l’article 4, alinéa 3, tiret 2, des conditions générales d’achat de votre billet d’avion ? Surement pas et c’est bien là que réside tout le problème.

Une clause souvent méconnue

Une telle clause stipule: « Le tarif appliqué à la date d’émission du Billet n’est valable que pour un Billet utilisé intégralement et dans l’ordre séquentiel des Coupons de Vol, pour le voyage et aux dates indiqués. Toute utilisation non conforme pourra entraîner le paiement d’un complément tarifaire dans les conditions définies ci-dessous » (1) (Clause dite de « no show » de la compagnie Air France.)

Au demeurant, la plupart des compagnies aériennes insèrent dans leurs conditions générales de vente d’un billet comprenant plusieurs vols, (aller retour, plusieurs vols successifs) une clause de no show. Le terme « no show » désigne, de manière générale, l’absence d’une personne à un rendez-vous, sans qu’il n’y ait eu annulation de la part de cette dernière. On retrouve cette clause principalement dans le transport aérien. Un voyageur achète un billet d’avion aller retour, ni échangeable, ni remboursable. Pour des raisons personnelles, celui-ci se trouve dans l’impossibilité de se présenter au départ de son vol, tout en n’ayant pas pris la précaution de prévenir la compagnie. C’est alors que la clause de no show prend son intérêt. Du seul fait de la défaillance du voyageur qui ne se présente pas à l’embarquement de son vol, le contrat entre le voyageur et le prestataire de service est automatiquement rompu, et le billet suivant ou retour est annulé. Ainsi le voyageur qui se présente à son vol retour sans avoir effectué le vol aller ne pourra prendre son vol retour, ni récupérer son billet, ni transférer son billet sur un autre vol et devra en racheter un autre s’il en reste.

Les clauses de no show divergent selon les compagnies aériennes et il est préférable de lire les conditions générales du billet afin d’éviter toute mauvaise surprise. Certaines clauses de no show imposent au voyageur qui ne s’est pas présenté à l’embarquement une pénalité. C’est le cas notamment chez Royal Air Maroc qui précise sur son site « qu’en cas de no show, un supplément de 100 Euros par sens vous sera demandé pour toute modification » (2). Pour le transporteur aérien Aegan air, la non présentation du passager à l’embarquement n’entraîne pas l’annulation du billet mais une pénalité de 50 euros. (3)

Une clause au service de la stratégie de l’entreprise.

Ce sont les politiques commerciales des compagnies aériennes qui expliquent cette pratique, et le contrat n’est que la mise en œuvre d’une telle stratégie. Les compagnies aériennes poussent à l’achat d’un billet aller-retour, en faisant valoir que celui-ci est moins cher qu’un aller et un retour achetés séparément. De surcroît, ce type de billet assure au transporteur un taux élevé de remplissage de ses appareils. Les transporteurs aériens estiment qu’un billet aller retour est indivisible et présument que si un passager ne se présente pas à l’aller, il ne sera pas davantage au retour.

Mais cette supposition est dangereuse et susceptible d’abus. Le passager-consommateur a une conception différente : pour lui, les vols sont divisibles, même s’ils sont compris dans un même billet. A titre de comparaison, si l’on commande un menu au restaurant, ce n’est pas parce que l’on ne prend pas le plat principal qu’on ne goûtera pas au dessert. Ainsi il peut apparaître abusif de déduire de la non-présence du passager à l’aller son absence au vol retour.

Une clause préjudiciable au passager

L’article L 132-1 du code de la consommation dispose que « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. » (4)

On peut donc admettre que la clause de no show permettant au transporteur aérien d’interdire l’accès à l’avion à un passager qui ne s’est pas présenté à l’aller, crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, dans la mesure où le passager a payé pour l’intégralité des vols.

L’application de cette clause entraîne un avantage en faveur du prestataire de service en ce que le billet retour est annulé sans que celui-ci ne doive restituer le prix du billet payé. Seuls sont remboursés les frais d’aéroport. La compagnie pourra alors remettre en vente le billet et percevoir deux fois le même prix pour une seule place offerte. A l’inverse, cette disposition engendre une triple peine pour le voyageur : le billet est annulé, aucune place ne lui est garantie sur un vol retour, et surtout le voyageur devra payer le prix fort (si une place est disponible sur un vol) pour pouvoir rentrer à bon port.

Ainsi la clause de no show présente, semble-t-il, les caractères d’une clause abusive, en ce que l’annulation du billet ne donne lieu à aucune contrepartie en faveur du voyageur. Pour pallier ce déséquilibre, il serait opportun que le professionnel propose certaines prestations pécuniaires à son client en contrepartie des avantages qu’il retire de cette clause (avoir en billet, indemnité, sur-classement).

En l’état du droit positif français, à notre connaissance, aucune jurisprudence ne s’est prononcée sur la question. Une incertitude pèse donc autour de la question de savoir si la clause de no show est ou non véritablement abusive.

Néanmoins, face aux nombreuses protestations des passagers, la réponse viendra peut être de la Commission Européenne, qui a proposé de bannir ces interdictions, lorsqu’elle a présenté, le 13 mars 2013, un ensemble de mesures concernant les droits des passagers. La proposition est de dire « qu’un passager titulaire d’un billet aller-retour ne peut être refusé à l’embarquement du vol retour au motif qu’il ne s’est pas présenté à l’embarquement du vol aller du même billet. » (5) (Site de la commission européenne communiqué de presse).

Jean Delebecque

Source :

(1) http://www.airfrance.fr/FR/fr/common/transverse/footer/edito_cgt1_airfrance.htm
(2)http://www.royalairmaroc.com/content/download/2965/151914/version/17/fil%20e/conditions+tarifaires+11.10+fr.pdf
(3) https://en.aegeanair.com/conditions-notices/bonus-tickets-terms-and-conditions/
(4) Article L 132-1 du code de la consommation.
(5) http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-203_en.html

 

One comment

  1. Bonjour.
    J’ai fait l’expérience d’un cas encore plus abusive. Avec un billet non modifiable et non remboursable, la compagnie a modifié au lieu d’un départ à 20h25, le vol a été retardé à 23h. J’ai eu l’information le matin vers 9h, j’ai indiqué à l’agence mon impossibilité de prendre ce vol. On a dit que je ne peux rien récupérer.
    Quel est votre avis ?

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