La responsabilité civile en matière sportive


Le droit du sport, comme le droit du travail en son temps, est un droit jeune et en développement. L’accroissement des enjeux juridiques a nécessité certaines interprétations issues du droit commun. C’est pourquoi le sportif et l’ensemble des acteurs périphériques ont été confrontés à la recherche de responsabilité lors d’accidents fortuits ou d’événements pouvant entrainer celle-ci.


Au printemps de l’année 2012, une épreuve de rallye automobile génère l’émoi des médias à cause d’un accident survenu dans le Var et provoquant la mort de deux personnes et de nombreux blessés. En dépit de la promotion constante des activités sportives, les risques inhérents à leur pratique souvent violente suggèrent une spécificité juridique en matière de responsabilité civile. Cette spécificité se rattache à une notion peu abordée dans les médias et autres sources d’informations actuelles, la notion d’acceptation des risques.
Le régime juridique du droit de la responsabilité civile en matière sportive est aujourd’hui en évolution, sa spécificité étant remise en question. Si la possibilité de mettre en jeu leur responsabilité concerne différents acteurs, les moyens d’exonération traditionnels de responsabilité en la matière sont contestés.

Le régime de la responsabilité en matière sportive

La responsabilité lors de l’exercice d’un sport est appréciée en fonction de la faute de l’auteur, mais également chez l’organisateur de la pratique qui devient débiteur d’obligations de sécurité au cours de l’évènement.

La notion de faute sportive engageant une responsabilité spécifique

Les fondements de la responsabilité civile en matière sportive sont divers et résultent principalement de la responsabilité civile pour faute (articles 1382 et 1383 du code civil) ou encore de la responsabilité du fait des choses ou du fait d’autrui (articles 1384 alinéa 1er du code civil).

Les fautes en matière sportive sont spécifiques. Cela peut d’abord être une violation des règles du jeu constituant un manquement à une règle du sport. Ce qui signifie que la faute est alors couverte par l’acceptation dite des « risques normaux » (risques pris en application des règlements). Il peut encore être question de faute commise dans le jeu ou contre le jeu. Elle emporte alors une responsabilité de l’auteur dans la mesure où la faute commise est contraire à l’esprit de l’activité sportive. Dans un arrêt du 8 avril 2004 [1], la deuxième chambre civile de la Cour de cassation reconnaît que la responsabilité d’un club de football professionnel peut être engagée sur le fondement de la responsabilité du commettant du fait de son préposé (article 1384 alinéa 5 du code civil), En effet, lorsque celui-ci a commis une faute caractérisée par la violation d’une règle du jeu, il est possible d’engager la responsabilité du club et cela même si la responsabilité du fait d’autrui ne peut être opposée à une association sportive en l’absence de ce type de faute.

L’existence d’une obligation de sécurité reposant sur les organisateurs de compétition

Au-delà de la responsabilité délictuelle des participants à une activité, la responsabilité de l’association organisatrice d’une compétition ou bien d’une pratique sportive, peut être recherchée en se fondant sur la responsabilité contractuelle. C’est pourquoi la Cour de cassation, dans un arrêt du 15 décembre 2011 [2], a recherché et engagé la responsabilité contractuelle au regard du contrat de sécurité unissant le sportif et l’association, lors d’un accident intervenu dans une enceinte permettant la pratique d’escalade. En revanche, l’obligation de sécurité n’est qu’une obligation de moyens puisque le rôle actif du sportif et le risque inhérent à l’activité créent un aléa pour l’association débitrice.
En théorie l’association ne peut voir sa responsabilité engagée que si elle a commis un manquement dans son devoir de diligence. Toutefois, la jurisprudence a étendu cette obligation de sécurité à l’association alors même que l’activité ne nécessitait aucun encadrement de sa part ou encore lorsqu’elle n’a pas déclaré un accident ou n’a pas informé les sportifs, professionnels ou amateurs, sur les possibilités de meilleures garanties d’assurance. Cette spécialité de la responsabilité permettant une exonération plus large que celle du droit commun a récemment été remise ne cause.

Responsabilité civile sport

Le débat de l’acceptation des risques, une théorie exonératoire

La théorie de l’acceptation des risques est une spécificité de la responsabilité civile en matière sportive, elle constitue un moyen d’exonération récemment abandonné par les juges de la Haute Cour.

La théorie classique de l’acceptation des risques, cause d’exonération

Le postulat se cette théorie a pour origine le principe pénaliste. Ce dernier concerne en réalité le consentement de la victime basé sur un contrat tacite qu’elle aurait pu conclure en circonstance. Cette théorie s’est largement développée dans les domaines médical et sportif. Elle consiste à prendre en compte le fait que la victime, sans consentir au dommage lui-même, accepte de courir certains risques. Cette théorie permet donc de faire échec à la responsabilité du fait des choses lorsque l’auteur du dommage n’a commis aucune faute dans la pratique sportive. La jurisprudence a posé plusieurs conditions. En premier lieu la jurisprudence limite l’acceptation des risques aux risques normaux générés par l’activité et par le respect de la règle du jeu et à l’absence de violation d’une règle éthique ou même de prudence. L’acceptation d’un risque anormal exclurait ainsi toute responsabilité. De plus, l’acceptation de la théorie de l’acceptation des risques est assez vague puisque certains arrêts exigent que le risque survienne dans le cadre d’une compétition sportive, tandis que d’autres arrêts utilisent cette condition de manière extensive en débordant sur les phases d’échauffement. Enfin une série d’arrêts écarte totalement cette condition pour aboutir à une exonération systématique.

L’abandon contesté de l’exonération pour acceptation des risques

Une partie de la doctrine a longtemps été dubitative quant à l’exclusion du droit à réparation par la théorie du risque accepté. Elle est à contre courant d’un droit de la responsabilité moderne indemnisant les victimes contre des auteurs le plus souvent assurés. Le doute est amorcé par un revirement de jurisprudence opéré par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 4 novembre 2010 [3]. La juridiction suprême accueille une demande en réparation sur le fondement de la responsabilité du fait des choses et, par la même, abandonne la théorie de l’acceptation des risques. La victime peut dès lors demander réparation sans qu’on puisse lui opposer le contexte sportif. Seule l’acceptation d’un risque anormal pourra toujours exonérer l’auteur car une telle acceptation s’assimilerait à une faute de la victime. Une partie de la doctrine critique largement ce régime. En effet le manque de cohérence et de clarté peuvent entrainer une responsabilité pour risque. Cette même responsabilité qui concernerait les sports à risques (course de rallye par exemple) obligent les organisateurs à souscrire des contrats d’assurances plus importants. De plus, l’article 2 de la loi du 12 mars 2012 [4]  codifié à l’article L321-3-1 du code du sport contredit cette jurisprudence en excluant l’invocation de la responsabilité du fait des choses de l’article 1384 alinéa 1 quelle que soit la manifestation sportive, compétition ou simple entraînement.

La réponse législative est accueillie avec soulagement par les associations sportives qui craignaient de ne plus pouvoir assurer l’encadrement par un engagement systématique des différentes responsabilités [5].

Jean-Baptiste Giniès
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Pour en savoir plus :

[1] Cass, civ.2, 8 avr. 2004, 03-11.653, PB

[2] Cass., civ. 1, 15 déc. 2011, 10-23.528 10-24.545, PB

[3] Cass. Civ.2, 4 nov. 2010, 09-65.947, PB

[4] Art.2 , LOI n° 2012-348 du 12 mars 2012 tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles

[5] J.-M. Marmayou, D. Poracchia, F. Buy, F. Rizzo, Droit du sport, Dalloz, 3e éd, LGDJ Manuel, nov 2012.

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