La Cour Constitutionnelle Italienne

Très différente de la France, l’Italie partage avec elle la présence d’un organe de justice constitutionnelle.

Pourquoi une Cour constitutionnelle ?

Pour comprendre la place de la Cour Constitutionnelle en Italie, il faut prendre du recul.

En 1947, l’expérience du régime fasciste a poussé les constituants à mettre en place un régime parlementaire classique et à inclure, dans la première Constitution du pays, un rempart efficace contre toute tentative de totalitarisme. Ainsi, la Corte Costituzionale n’a pas été crée pour empêcher le Parlement d’empiéter sur le champ d’action du gouvernement et éviter un régime d’assemblée (comme ce fut le cas en France, pour volonté de Charles de Gaulle), mais, au contraire, pour empêcher l’exécutif d’empiéter sur le pouvoir législatif, tout en sauvegardant les droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution.

Composition de la Cour et statut des juges 

Les juges constitutionnels sont au nombre de quinze : cinq d’entre eux sont nommés par le Président de la République, cinq par les parlementaires réunis en congrès, et cinq par les magistratures suprêmes de l’État (soit, trois par la Cour de Cassation, un par le Conseil d’État et un par la Cour des Comptes). Le mandat des juges est de neuf ans non renouvelables. Le président de la Cour est élu par ses pairs, pour trois ans ; il a voix prépondérante en cas de partage. Seuls les magistrats, les professeurs d’université et les avocats avec au moins vingt ans d’expérience peuvent y être nommés.

On constate, donc, de nombreuses différences avec le Conseil français: le nombre des juges est plus important (ce qui permet le respect du quorum en cas d’empêchement de plusieurs membres);                            les autorités nommantes sont diverses et variées quant à leur rôle (ce qui permet une indépendance plus nette et une plus grande légitimité, mais qui provoque des longues impasses dans un Parlement souvent immature); le président de la Cour n’est pas nommé par le chef de l’État ; les anciens présidents de la République n’en font pas partie (ils deviennent sénateurs à vie) ; seulement des personnes ayant une grande expérience dans le domaine juridique peuvent y être nommés (alors qu’en France, ceci n’est pas exigé par les textes).

 

Les fonctions de la Cour 

Tandis qu’en France on ne reconnaît pas le titre de juridiction au Conseil constitutionnel (qui en est une de facto), l’appellation même de Cour fait remarquer la nature originellement juridictionnelle de l’organe italien. En effet, toute procédure suivie devant lui revêt la forme d’un procès administratif normal.

La Corte contrôle la constitutionnalité des lois et des décrets-lois. À cette fin, elle ne peut être saisie que par un juge, ayant un doute sur la constitutionnalité d’une loi applicable à un procès en cours, ou par une partie. Ce contrôle incident est la seule voie de recours devant la Cour (le contrôle a priori étant inexistant), ce qui rend impraticable ou très retardé le contrôle de certaines lois (e.g. la loi électorale de 2005 qui n’a été déclarée inconstitutionnelle qu’en 2013, tout en ayant servi pour trois élections législatives).

Il convient de souligner que, dans le système italien, tout juge peut s’autosaisir d’une telle demande. Même si la QPC est déclenchée par une partie, il n’existe pas de « bouchon » : le juge a quo est maître de la transmission de la requête à la Corte ; la Cour de Cassation et le Conseil d’État n’y jouant aucun rôle. Afin d’éviter une surcharge de travail, toute QPC doit être fondée sur des arguments sérieux : une interprétation constitutionnelle de la loi en objet doit être impossible.

Si la question préjudicielle est déclarée admissible par la Cour (hypothèse peu fréquente, vu le nombre des requêtes), les Quinze déclarent l’inconstitutionnalité de la loi et son abrogation immédiate. Pour limiter les effets du vide législatif, la Cour a souvent opéré des manipulations, en réécrivant la loi ou en la remplaçant avec d’autres dispositions, afin de la conformer à la Constitution.

La Corte décide aussi de l’amissibilité des référendums abrogatifs et juge – comme toute juridiction pénale – le chef de l’État mis en accusation par le Parlement.

 

Antonino CENTO

 

 

Pour en savoir plus :

  • Articles 134 – 137 de la Constitution de la République italienne
  • Loi constitutionnelle n° 1 du 11 mars 1953
  • Alessandro PIZZORUSSO – Cahiers du Conseil constitutionnel n° 6 (Dossier : Italie)

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