Surveillances téléphoniques et Protection des libertés individuelles aux Etats-Unis

    Décrocher son téléphone pour appeler un ami, envoyer un sms, autant de gestes du quotidien qui nous paraissent anodins et qu’il nous est difficile de croire qu’ils pourraient intéresser les services secrets américains. Et pourtant, dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, la NSA (National Security Agency) a pu développer un système de surveillance qui apparaît souvent disproportionné. Récemment, les révélations de l’agent américain Edward Snowden sur une possible mise sur écoute des institutions européennes n’a pas manqué de relancer le débat. Dans ce contexte, la question de la protection des libertés fondamentales et plus spécifiquement celle de la vie privée apparaît comme un besoin inévitable. L’arrêt rendu le 26 février 2013 par la Cour Suprême des Etats-Unis se fait l’illustration d’un recours contre de telles écoutes.

 

     Dans l’espèce, plusieurs associations de droit civiques contestaient les dispositions de la section 702 du Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA) qui permet au Parquet (Attorney general) et au Directeur des renseignements (Director of national intelligence), depuis un amendement de 2008, d’autoriser la collecte d’information sur les non-Américains ; supposés situés en dehors du territoire américain. Les autorités américaines peuvent donc lire les e-mails et écouter les conversations de ces non-Américains sans qu’il soit nécessaire d’obtenir un mandat. De plus, l’écoute de ces personnes, des non-Américains, permettait aussi indirectement l’écoute de citoyens américains et pouvait constituer une violation du droit des citoyens à être garanti dans leur personne et leur domicile en vertu du quatrième amendement de la Constitution américaine. Or, cette procédure devait initialement être approuvée par la Foreign Intelligence Surveillance Court puis recevoir une autorisation juridictionnelle et enfin la supervision du Congrès.

    Dans ces conditions et à l’encontre de ces dispositions, les associations requérantes arguaient d’une violation du quatrième amendement puisqu’elles démontraient que leurs correspondants étaient des cibles vraisemblables des interceptions ou surveillances opérées dans le cadre du dispositif légal. Cette probabilité que les mesures du FISA les touchent suffisait pour elle à démontrer l’existence d’un préjudice.

 

     En leur donnant raison, la juridiction d’appel estimait qu’il était raisonnablement vraisemblable que ces conversations seraient interceptées dans le futur et que les intéressés subissaient un préjudice en raison des mesures que ces associations devaient prendre pour protéger la confidentialité de leurs conversations internationales des dispositions du FISA.

   Au contraire, la Cour suprême n’a pas suivi cette analyse. En effet, elle décide que « la vraisemblance objectivement raisonnable ne remplit pas la condition du préjudice qui doit constituer au moins une véritable menace. Les spéculations sur un enchaînement de possibilités ne suffisent pas. La Cour suprême affirme, qu’on ne peut prétendre savoir, de façon divinatoire, comment les décideurs feront leur choix ». En d’autres termes, la Haute juridiction rappelle que l’existence d’un préjudice est conséquente d’une réelle menace et qu’une simple probabilité que des données recueillies, lors d’écoutes téléphoniques, soient utilisées par la suite ne suffit pas.

    Cette décision a fait l’objet de nombreuses critiques car elle donne l’impression d’une très grande liberté d’action pour l’administration en matière d’écoutes téléphoniques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. L’absence de mandat lui permet une grande souplesse et surtout une absence de contrôle pouvant porter préjudice à la protection des droits et libertés fondamentaux. Enfin, il convient de s’interroger sur le rôle réel de la Cour Suprême. A-t-elle compétence pour prévenir une atteinte potentielle aux droits et libertés des individus ? Lui appartient-il de faire bouclier aux éventuels abus de l’administration publique pour pallier l’absence d’un préjudice réel et certain ? Tant d’incertitudes qui laissent planer la menace d’une insécurité constante sur les citoyens alors même que les plus hautes autorités comme celles européennes se trouvent elles aussi touchées par le phénomène.

 

Rubrique de Droit comparé

Pour en savoir plus :

 

Joseph Jehl « Surveillance téléphonique et autres : les limites des pouvoirs de l’Etat américain ». La semaine juridique édition générale n°11. 11 mars 2013. 315

 

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/06/30/la-nsa-espionnait-aussi-l-union-europeenne_3439160_651865.html

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