Programme institutionnel de François Fillon : Moi président, je rendrai plus transparent le recrutement des collaborateurs parlementaires !

   Contrairement à la plupart des autres candidats à la présidentielle, le programme de François Fillon comporte peu de mesures induisant une révision de la Constitution du 4 octobre 1958.

F. Fillon souhaite en effet s’inscrire pleinement dans la tradition constitutionnelle de la Vème République, sans voir l’intérêt d’une VIème République à l’instar de J-L. Mélenchon, ou une révision du titre XV « De l’Union européenne » comme le propose M. Le Pen.

Son programme se focalise sur le fonctionnement du Parlement, avec pour mesure phare, la réduction du nombre de parlementaires, ou encore le renforcement des garanties déontologiques au sein des assemblées, et ce eu égard aux affaires qui ont éclaboussé la campagne présidentielle.

 

Proposition 1 : Soumettre aux Français par référendum la réduction du nombre de parlementaires

 

  • Concernant la réduction du nombre de parlementaires

Proposition du candidat : F. Fillon souhaite réduire le nombre de parlementaires dans les deux assemblées. C’est ainsi que le nombre de députés passerait à 400, et le nombre de sénateurs à 200, au lieu respectivement de 570 et 348 actuellement.

Explication : L’objectif de F. Fillon est de réduire le nombre de parlementaires afin que ces derniers aient davantage de moyens pour exercer leur fonction. La diminution du coût de fonctionnement des assemblées n’est donc que secondaire si l’on en croit le programme du candidat.

Tout d’abord, contrairement à ce que l’on pourrait penser de prime abord, ce n’est pas la Constitution qui fixe le nombre de parlementaires. En effet, l’article 24 de la Constitution se contente de fixer un maximum, puisqu’il dispose seulement que le nombre de députés à l’Assemblée nationale « ne peut excéder cinq cent soixante-dix-sept », et que le nombre de sénateurs « ne peut excéder trois cent quarante-huit ». Ces seuils inscrits dans la Constitution lors de la révision du 23 juillet 2008 ont permis d’éviter l’augmentation du nombre de parlementaires.

L’article 25 de la Constitution renvoie donc à une « loi organique » qui « fixe la durée des pouvoirs de chaque assemblée, le nombre de ses membres […] ». Ainsi, le nombre de députés est actuellement fixé par l’article LO. 119 du code électoral qui dispose que « [le] nombre de des députés est de cinq cent soixante-dix-sept ». Quant au nombre de sénateurs, il a été porté à 348 par la loi organique 2007-223 du 21 février 2007, nombre atteint seulement après les élections de 2011.

  • Concernant l’organisation d’un référendum

Proposition du candidat : F. Fillon souhaite que la réduction du nombre de parlementaires soit adoptée par référendum, c’est-à-dire par le peuple, et constitue alors l’une des premières mesures phares de son quinquennat.

Explication : Tout d’abord, F. Fillon n’aura pas nécessairement à organiser un référendum constitutionnel pour modifier le nombre de parlementaires (voir supra). Néanmoins, à terme, si leur nombre a vocation à rester en deçà des seuils actuellement inscrits dans la Constitution, il faudra envisager, lors d’une révision constitutionnelle plus globale, de modifier l’article 24 de la Constitution.

Le référendum organisé par F. Fillon ne sera donc pas fondé sur l’article 89 de la Constitution a priori, mais bien sur l’article 11 qui peut porter depuis 1958 sur « l’organisation des pouvoirs publics ». Ce dernier dispose que le « Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale, environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent […] ».

Néanmoins, le nombre de parlementaires relevant du législateur organique, un tel référendum est-il possible ? La question est pertinente dans la mesure où l’article 11 de la Constitution précise que le référendum peut porter sur « tout projet de loi ». Or, on entend traditionnellement par « projet de loi », seulement les lois ordinaires et non les lois organiques ou constitutionnelles.

Selon Gérard Conac et Jacques Le Gall, « il y a un accord pour […] apporter une réponse positive » à cette question, et ce dans la mesure où « [si] l’on rejetait cette possibilité, le domaine du référendum n’aurait qu’une signification extrêmement limitée, ce qui ne ressort pas de la généralité de la formule employée, ni des intentions connues des constituants »[1].

Il est vrai que « l’organisation des pouvoirs publics » relève très partiellement des lois ordinaires. Par ailleurs, si l’utilisation de l’article 11 par le général de Gaulle, pour réviser la Constitution en 1962, a été critiquée compte tenu de l’existence d’une procédure de révision spécifique à l’article 89 de la Constitution, il n’existe pas de telles dispositions spécifiques pour les lois organiques.

Proposition 2 : Rendre le fonctionnement des assemblées parlementaires plus transparent

 

  • Le renforcement des règles de déontologie dans le fonctionnement des assemblées parlementaires


Proposition
 
: F. Fillon veut renforcer les règles de déontologie dans le fonctionnement des assemblées parlementaires notamment par la modification de leur règlement respectif.

Explication : Si le candidat veut renforcer la déontologie dans les assemblées, il faut dire que ces dernières ont déjà largement, dans le cadre de leur règlement respectif [2], contribué à son renforcement.

Dès 2009, un comité de déontologie a en effet été créé par le Bureau du Sénat[3], présidé par Robert Badinter jusqu’en 2011, et composé de 11 sénateurs à la proportionnelle des groupes. De même, en 2011, l’Assemblée nationale a créé la fonction de « déontologue », personnalité nommée par le Bureau de l’Assemblée, à la suite du rapport remis par la Commission Sauvé qui a posé, pour la première fois une définition du conflit d’intérêts (Rapport 2011, « Pour une nouvelle déontologie de la vie publique »).

Par ailleurs, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a permis la création de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). La loi prévoit notamment que le bureau de chaque assemblée, après consultation de l’organe chargé de la déontologie parlementaire, définit les règles relatives aux conflits d’intérêts.

Fillon a indiqué, dans une lettre envoyée à l’organisation Transparency International France, vouloir confier « à une commission présidée par le vice-président du Conseil d’État, le procureur général près la Cour de cassation et le premier président de la Cour des comptes, le soin de faire des propositions sur la transparence et la moralisation de la vie publique, et notamment sur la prévention des conflits d’intérêts et les règles en matière de transparence ».

Néanmoins, comme l’a rappelé l’ONG, les rapports et les propositions ne manquent pas en la matière puisque le vice-président du Conseil d’État avait rendu dès 2011 un rapport très riche relatif aux conflits d’intérêts (voir supra). De même, L. Jospin avait également présidé une commission de « rénovation et de déontologie de la vie publique » dont les travaux avaient débouché sur la publication du rapport « Pour un renouveau démocratique ».

Perspectives : Quelles avancées peut-on donc encore attendre en matière déontologique ?

Jean-Louis Nadal, président de la HATVP, a estimé en ce mois d’avril que « beaucoup reste à faire »[4] notamment concernant :

La publicité des déclarations de patrimoine qui devrait être étendue pour les parlementaires. En effet, les déclarations de patrimoine ne sont rendues publiques directement sur internet que pour les membres du Gouvernement. S’agissant des déclarations de patrimoine des députés et sénateurs, la HATVP les a rendues publiques exclusivement en préfecture depuis 2015.

La transparence dans l’utilisation de l’indemnité de frais de mandat par les parlementaires (IRFM). Cette indemnité, versée directement par chaque assemblée, vise à couvrir une partie des frais liés au mandat parlementaire. Elle reste très critiquée compte tenu de son opacité, si bien que plusieurs propositions de réforme ont déjà été avancées comme en 2009, Charles de Courson ayant notamment proposé que la Cour des comptes puisse contrôler l’usage de l’IRFM.

  • L’encadrement de l’embauche des collaborateurs parlementaires

Proposition du candidat : À la suite de l’affaire dite « Fillon », le candidat a annoncé vouloir encadrer la possibilité pour les parlementaires d’embaucher des collaborateurs en instaurant une « transparence totale par la publication obligatoire des liens de parenté entre les parlementaires et les collaborateurs (y compris en cas de recrutement croisé) ».

Explication : L’Assemblée nationale, comme le Sénat, offrent la possibilité aux députés de recruter des collaborateurs parlementaires dans le but de les assister dans l’exercice de leur mandat. Ainsi, par exemple, chaque député dispose d’un crédit mensuel de 9618 euros qui lui permet de recruter jusqu’à cinq collaborateurs.

Mais ce recrutement n’est pour l’heure que très peu encadré, puisque le collaborateur est le salarié du parlementaire, et non celui de l’assemblée à laquelle il appartient. Le parlementaire recrute donc librement ses collaborateurs, peut les licencier, fixer leurs conditions de travail et leur salaire tout en respectant les dispositions du code du travail.

Néanmoins, à la suite de l’affaire « Fillon », l’Assemblée nationale a franchi un premier pas le 21 février 2017 en publiant sur son site la liste des collaborateurs parlementaires par député. F. Fillon propose donc de rendre systématique cette publication qui devra préciser systématiquement les liens de parenté entre les parlementaires et leurs collaborateurs.

Laure MENA

 

 

[1] La Constitution de la République française, sous la direction de F. Luchaire, G. Conac et X. Prétot, Economica, 2009.

[2] Obligatoirement contrôlés par le Conseil constitutionnel sur le fondement 61 alinéa 1 de la Constitution.

[3] Arrêté N° 2009-286, 25 novembre 2009.

[4] « Transparence de la vie publique : « beaucoup reste à faire » pour la Haute autorité », Le Parisien, 11 avril 2017.

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