Projet de loi 2013 relatif à la consommation : quelles incidences pour le droit de la concurrence ?


Le gouvernement a présenté début mai un projet de loi relatif à la consommation à l’Assemblée Nationale. Celui-ci, adopté en première lecture par le Sénat le 13 septembre dernier, a pour objet la mise en place de nouveaux outils de régulation économique pour rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels.


Le projet de loi

Fort de ses six chapitres, le projet de loi propose principalement neuf mesures parmi lesquelles figurent notamment l’introduction en droit français de l’action de groupe, l’amélioration de l’information et le renforcement des droits contractuels des consommateurs, la création de l’indication de la provenance géographique pour les produits manufacturés ou encore le renforcement et la modernisation des moyens de contrôle et de sanction de l’autorité chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Ce projet est accompagné d’une déclaration d’urgence et prévoit l’entrée en vigueur de certaines dispositions dès janvier 2014.

La convention annuelle et la notion de contrepartie

Le projet contient une proposition de modification de l’article L.441-7 du Code de commerce. Si le principe de la convention écrite annuelle conclue entre un fournisseur et un distributeur est maintenu, le cadre des négociations commerciales est renforcé. Ainsi, il est souligné que les conditions générales de vente constituent le point de départ des négociations commerciales. Par ailleurs, sont également prévues des « réductions de prix correspondantes » obtenues en contrepartie de la négociation commerciale.

Les débats permettront de savoir si la notion de contrepartie est celle contenue dans la loi de modernisation de l’économie de 2008 (faible distinction des différents avantages financiers) ou au contraire d’une restauration de la notion.

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Vers une clause obligatoire de renégociation pour prendre en compte les fluctuations des prix ?

En ce qui concerne les matières premières agricoles et les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits, un article L.441-8 C.com. devrait voir le jour. Il serait alors question de porter atteinte au principe d’intangibilité des conventions annuelles et d’introduire (obligatoirement !) une clause de hardship, sous peine de sanction administrative. C’est le caractère volatile du prix des matières premières qui a conduit les juridictions puis le législateur à se pencher sur les difficultés rencontrées par les fournisseurs, notamment dans la grande distribution.

Pour chaque contrat d’une durée d’exécution de plus de trois mois, les conventions annuelles conclues avec des grandes surfaces (spécialisées comme agricoles) ou des négociants grossistes devront prévoir une clause relative aux modalités de renégociation des prix permettant de prendre en compte les fluctuations des prix de production, qu’ils soient en baisse comme en hausse. Cette obligation de renégociation devra alors être appliquée de bonne foi, dans un délai maximal de deux mois.

Un projet de loi marqué par le renforcement des sanctions administratives

Le projet de loi innove au regard des sanctions encourues en créant des amendes administratives comme alternatives aux sanctions pénales et civiles en matière de relations commerciales. Au-delà de la prolifération des sanctions administratives et de l’augmentation généralisée du montant des amendes, les manquements visés pourront être prouvés plus facilement de même que les modalités de prononcé des amendes seront moins contraignantes.

En matière de renégociation contractuelle, tout manquement sera sanctionné d’une amende de 75 000 € pour une personne physique, et de 375 000 € pour une personne morale. En cas de récidive, la sanction pourra être doublée. En cas de commande à un prix différent de celui fixé à l’issue des négociations commerciales, l’acheteur engagera sa responsabilité civile délictuelle selon un nouvel alinéa à l’article L.442-6 C.com.

Ce projet de loi, s’il est adopté, permettra de mettre un terme aux débats doctrinaux sur la théorie de l’imprévision. Il laisse en revanche ouverte la question de la pertinence et de l’éventuelle disproportion économique des sanctions administratives qu’il crée.


Ytto El Adel et Morgan Hardy

 

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