Libertés fondamentales: L’accès à la justice environnementale dans l’Union Européenne : la Cour de Justice à la traîne

Arrêt après arrêt, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) maintient une interprétation stricte de la recevabilité des actions des particuliers à l’encontre des actes des institutions de l’Union. Elle restreint ainsi le droit à un recours effectif, pourtant garanti en matière environnementale par la Convention d’Aarhus, qui organise l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière environnementale, et dont l’Union fait partie depuis 2005[1]. L’article 9§3 de cette convention prévoit en effet que le public doit pouvoir contester les actes ou omissions allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement. Cette interprétation s’avère problématique dans la mesure où, selon les termes du Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Århus, elle « avantage clairement la protection des intérêts économiques privés par rapport aux intérêts publics »[2].

 

La recevabilité des actions au cœur du problème

L’article 263 al. 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne subordonne la recevabilité des actions dirigées contre les actes émanant de l’Union a une condition d’individualité. Celle-ci suppose, selon l’interprétation qu’en fait la Cour[3], que le requérant soit le destinataire de l’acte attaqué ou du moins qu’il soit directement visé par lui. Or, cette interprétation exclut les individus subissant les conséquences d’un acte sans en être pour autant directement destinataire. C’est le cas des associations qui, si elles défendent un intérêt pouvant être atteint par un acte européen, ne peuvent agir dès lors qu’elles ne sont pas directement visées par celui-ci[4].

De plus, la CJUE exige que l’intérêt pour agir dont se prévaut le requérant trouve sa cause directe dans l’acte de l’Union et non dans un acte national d’application.[5] La Cour a ainsi considéré que l’on ne pouvait attaquer l’acte de la Commission acceptant la répartition des quotas d’émission de carbone dans un État membre au motif qu’un acte d’application nationale de cette décision pouvait toujours être pris dès lors que ledit État disposait d’une certaine marge d’appréciation[6].

 

Un problème toujours non résolu

L’élargissement du champ du contrôle juridictionnel opéré par le traité de Lisbonne à l’alinéa 4 de l’article 263, qui prévoit la possibilité d’introduire un recours contre les actes règlementaires concernant directement le requérant et ne comportant pas de mesure d’exécution n’a pas, malgré les attentes, ouvert les possibilité de recours. En effet, l’interprétation de la notion d’acte règlementaire est encore en débat devant la CJUE[7], excluant de nombreux actes du champ de cet article.

De plus, la voie nouvelle ouverte par le Tribunal de l’Union dans ses arrêts Vereninging et Stichting Natuur en Milieu[8], qui interprétait que la révision interne des actes prévue par le règlement Aarhus[9] ne saurait se limiter aux actes individuels, contournant ainsi la recevabilité réduite des recours, a été refermée par la CJUE dans un arrêt Vereninging Milieudefensie[10]. Celle-ci a indiqué que cette procédure ne pouvait viser que les actes individuels.

On reste loin d’une garantie effective des droits.

Raphaël Gubler

 

Pour en savoir plus :

 

-Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Århus, 14 juin 2005, Communication ACCC/C/2005/11, de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies

-SADELEER, N. et PONCELET, C. – La contestation des actes des institutions de l’Union Européenne à l’épreuve de la convention d’Aarhus, RTDE janvier-mars 2013, p33.

[1] Décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

[2] Comité d’examen du respect des dispositions de la Convention d’Århus, 14 juin 2005, Communication ACCC/C/2005/11, de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies

[3] CJCE 15 juillet 1963 Plaumann/Commission

[4] CJCE 2 avril 1998 Greenpeace / Commission

[5] CJCE 5 mai 1998 Société Louis Dreyfus / Commission

[6] CJCE 19 juin 2008 US Steel / Commission

[7] TUE 6 septembre 2011 Inuit Tapiriit Kanatami, TUE 25 octobre 2011 Microban International Ltd et TUE 4 juin 2012 Eurofer / Commission

[8] TUE 14 juin 2012 Vereniging Milieudefensle c. Commission et TUE 14 juin 2012 Stichting Natuur en Milieu c. Commission

[9] Règlement (CE) n°1367/2006 du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement

[10] CJUE 13 janvier 2015, C-401/12P à C-403/12P, Conseil de l’Union européenne et autres contre Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht

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