Loi ALUR : vers une consolidation du droit des sites et sols pollués

Récemment, par une note du 19 avril 2017, le ministère de l’Environnement est venu remettre au goût du jour la thématique des sites et sols pollués en effectuant une actualisation de la méthodologie nationale de gestion de sites et sols pollués issue de la circulaire du 8 février 2007.

Si cette mise à jour ne vient pas remettre en cause la circulaire de 2007 sur le fond et les principes des sites et sols pollués, elle amène une mise à jour bienvenue de la méthodologie afin de prendre en compte les évolutions législatives et réglementaires intervenues depuis dix ans sur le sujet (comme par exemple concernant les évaluations des risques sanitaires), et surtout elle permet une intégration des dispositions de la loi ALUR concernées dans ladite méthodologie.

Depuis quelques années, et notamment par la transposition de directives européennes en droit français, le droit de l’environnement fait l’objet d’une considération juridique de plus en plus poussée, aboutie et créative, pour essayer de concilier activités économiques et utilisation durable des espaces, mais aussi protection de la santé. En effet, les sites et sols pollués représentent une importante préoccupation de santé publique, à tel point que l’expression de « santé environnementale » a vu le jour, afin de rendre compte de l’impact des polluants sur la santé, ainsi que des politiques et pratiques en matière de gestion, résorption, contrôle et prévention des facteurs environnementaux..

Au sein du droit de l’environnement, la thématique des sites et sols pollués connaît une prise en compte juridique telle que certains n’hésitent pas à parler de l’émergence d’un droit autonome des sites et sols pollués.

Pour rappel, un site pollué est un site qui, du fait d’anciens dépôts de déchets ou d’infiltration de substances polluantes, présente une pollution susceptible de provoquer une nuisance ou un risque pérenne pour les personnes ou l’environnement.

Ces situations sont souvent dues à d’anciennes pratiques sommaires d’élimination des déchets, mais aussi à des fuites ou à des épandages de produits chimiques, accidentels ou non, ou encore des contaminations dues à des retombées de rejets atmosphériques accumulés.

Cette question de la dépollution des sites et sols pollués est une question complexe à aborder. En effet, parler de dépollution serait une gageure lors du traitement d’un site pollué. C’est d’ailleurs pourquoi, les professionnels de l’environnement et de l’immobilier se gardent bien de parler, pour expliquer leur intervention sur un site pollué, d’une dépollution pure et simple du terrain, mais bien du traitement du site en considération de son usage futur.

Dans la continuité de cette construction d’un droit autonome des sites et sols pollués, la loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite « loi ALUR » est venue, par son article 173, renforcer le cadre juridique de la politique nationale de gestion des sites et sols pollués initiée en 1989.

Ce cadre juridique s’articule autour de trois grands principes :

  1. Prévenir les pollutions futures
  2. Traiter les sites pollués
  3. Mémoriser les sites et sols pollués

Ces principes s’incarnent notamment en trois mesures phares dans la loi ALUR que nous allons successivement présenter :

  • le renforcement de l’information sur la pollution des sols par la création des secteurs d’information sur les sols (SIS).
  • la possibilité de transfert des obligations administratives de réhabilitation
  • la hiérarchisation entre les responsables de la gestion des pollutions du site

Conserver la mémoire d’un site pollué : la création des Secteurs d’Information sur les Sols (SIS)

La loi ALUR est venue renforcer l’information concernant la pollution des sols par la création de secteurs d’information sur les sols. L’ancien article L. 125-6 du code de l’environnement qui disposait précédemment que : « L’Etat rend publiques les informations dont il dispose sur les risques de pollution des sols. Ces informations sont prises en compte dans les documents d’urbanisme lors de leur élaboration et de leur révision » a été précisé.

Désormais, cet article dispose que : « L’Etat élabore, au regard des informations dont il dispose, des secteurs d’information sur les sols qui comprennent les terrains où la connaissance de la pollution des sols justifie, notamment en cas de changement d’usage, la réalisation d’études de sols et de mesures de gestion de la pollution pour préserver la sécurité, la santé ou la salubrité publiques et l’environnement. »

Cette création d’un SIS est réalisée par le préfet en collaboration étroite avec les acteurs locaux : le maire de la commune concernée, l’intercommunalité, ainsi que le propriétaire du site.

Afin de diffuser ces informations, les sites et sols pollués sont répertoriés dans une base de données tenue par le Ministère de l’Environnement identifiée sous l’acronyme BASOL, qui prévoit un outil de recherche via une cartographie.

Une fois créés, ces SIS doivent figurer dans les documents d’urbanisme, sur les documents graphiques annexés au plan local d’urbanisme (PLU), au PLUi, ou à défaut, à la carte communale. En outre, l’article L. 125-7 du Code de l’environnement ajoute une obligation pour le vendeur ou le bailleur d’informer par écrit l’acquéreur ou le locataire de la présence d’un SIS, ainsi que de lui communiquer toutes les informations rendues publiques par l’Etat sur ce secteur.

A défaut, le manque d’informations par l’acquéreur ou le bailleur est sanctionnable dans un délai de deux ans à compter de la découverte de la pollution. Sur ce point, la loi ALUR a aussi modifié le régime de sanctions. Désormais, le défaut d’information est susceptible d’être sanctionné si la pollution a pour conséquence de rendre impropre le terrain à la destination prévue dans le contrat, et uniquement dans ce cas.

Si la pollution rend impropre le terrain à sa destination contractuelle, l’acquéreur pourra demander, au choix la résolution de la vente, la restitution d’une partie du prix, demander une diminution du loyer (pour le locataire), ou bien la réhabilitation du terrain aux frais du vendeur quand le coût n’est pas disproportionné au prix de vente

La possibilité de transférer les obligations administratives de réhabilitation

Sur ce point, la loi ALUR est venue créer l’article L. 512-21 du Code de l’environnement qui permet à un tiers intéressé de prendre à sa charge l’obligation administrative de réhabilitation d’un site qui incombe à l’exploitant lors de la mise à l’arrêt d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) afin rendre le terrain adapté à l’usage projeté. En effet, jusqu’alors, la responsabilité administrative de la remise en état des ICPE relevait exclusivement du dernier exploitant des activités à l’origine de la pollution, sans possibilité de transférer cette responsabilité par voie contractuelle.

Désormais, une substitution est possible, à plusieurs conditions. Le tiers intéressé doit attester des capacités techniques suffisantes pour effectuer cette réhabilitation, il doit fournir des garanties financières à première demande, et enfin il doit obtenir l’accord du dernier exploitant, du maire (le cas échéant de l’intercommunalité), et l’accord du propriétaire du terrain si celui-ci n’est pas l’exploitant.

Ce transfert peut être réalisé pour tout ou partie des obligations administratives de réhabilitation, librement décidé par les parties.

Cette mesure représente une attractivité à la fois économique et environnementale, dans la mesure où cela permet tant au propriétaire de se séparer d’un terrain sans supporter le coût d’un traitement de pollution potentiellement dissuasif, que pour un tiers intéressé de démarrer une activité économique nouvelle sur le terrain tout en prenant en charge un traitement du terrain au regard de l’usage qu’il envisage d’en faire.

 

La hiérarchisation des responsables de la gestion de la pollution des sites

Enfin, la loi ALUR est venue clarifier la hiérarchie entre les responsables de la gestion de la pollution du site à l’article L. 556-3 du Code de l’environnement :

  1. Pour les ICPE et installations nucléaires  la responsabilité première incombe au dernier exploitant ou son équivalent selon une désignation différente (par exemple si un tiers intéressé s’est substitué à l’exploitant, dans le cadre de l’article L. 512-21 du Code de l’environnement précité).

Pour les sols pollués par une autre origine la responsabilité première incombe au producteur des déchets à l’origine de la pollution des sols, ou bien, en second lieu, au détenteur des déchets dont la faute y a contribué.

  1. Si aucun responsable susvisé n’est indentifiable, la responsabilité à titre subsidiaire du propriétaire de l’assiette foncière peut être engagée, à la condition qu’il ait fait preuve de négligence, ou ne soit pas étranger à la pollution.

Cette hiérarchisation insérée dans le Code de l’environnement permet de mettre en exergue la diversité d’intervenants concernant un site pollué, et donc une responsabilisation de ces acteurs qui peuvent être poursuivis en cas de négligence concernant la pollution qu’ils sont susceptibles d’engendrer sur un site.

La loi ALUR apporte ainsi de nouveaux outils juridiques du droit des sites et sols pollués. Pour autant, ces nouvelles mesures se révèlent-elles efficaces, c’est-à-dire facilitant une reconversion des terrains et une information du public plus accessible ?

Indéniablement, la loi ALUR nous apporte une information accrue de l’état des sites et sols pollués grâce à sa base de données BASOL et l’obligation d’informations des SIS sur les documents de planification d’urbanisme.

Quant à savoir si ces nouvelles mesures, notamment via le système du tiers intéressé, facilitent une reconversion du terrain, il convient de noter qu’un an et demi après l’entrée en vigueur du décret d’application de cette mesure en août 2015, seuls trois arrêtés préfectoraux ont acté une substitution, et une quinzaine sont en cours. Le démarrage semble donc frileux.

Fanny ETIENNE

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