La voiture autonome, cette chariote du diable, il n’y a point de volant pour la conduire !

La voiture autonome suscite des réactions assez contrastées variant entre enthousiasme et scepticisme. Les avis sont partagés entre, d’une part, une adhésion inconditionnelle, et d’autre part, une certaine appréhension à cette innovation.

Préalablement à toute commercialisation des voitures autonomes à grande échelle, la législation routière devra être adaptée. Notre législation actuelle repose sur trois textes fondamentaux, à savoir : la convention de Vienne qui prévoit que tout véhicule en mouvement doit avoir un conducteur et que ce dernier doit avoir, en permanence, le contrôle de son véhicule[1] ; le code de la route[2] ; la loi « Badinter »[3] fixant les conditions d’indemnisation des victimes d’accidents de la route.

Allié à la création prétorienne, le caractère conceptuel de notre droit a permis d’absorber les évolutions sociétales mais force est aujourd’hui de constater que l’exercice atteint ses limites. Avant d’envisager les aspects juridiques propres aux accidents de la circulation, il faut s’intéresser à tout l’environnement de la voiture autonome.

Autrefois, dans les rues on installait des bornes en pierre sur les deux côtés de la voie. Ces bornes permettaient d’éviter que portails, murs et piétons ne soient abimés par les roues cerclées de fer des calèches. Or, ces bornes en pierre n’existent plus car la voiture hippomobile a été remplacée par la voiture à moteur. L’urbanisme change en fonction de l’évolution des moyens de locomotion. C’est ainsi que la voiture autonome fera à la voiture à moteur avec conducteur ce que cette dernière a fait à la voiture hippomobile.

Les essais de la voiture autonome sur la voie publique ont déjà commencé et le socle législatif pour encadrer ce nouveau phénomène a été posé par l’article 37 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. L’avènement de la voiture autonome exclurait-il le conducteur de l’habitacle ? Dans l’affirmative, quelles seraient les conséquences pour l’assurance automobile ?

[Publicité] En attendant, le Crédit Agricole Normandie a lancé une offre spéciale de deux mois offerts pour toute assurance en ligne, notamment une protection corporelle du conducteur, sans franchise, valable du 15/08 au 31/12 sur toute la France, pour les particuliers.

L’exclusion du conducteur de l’habitacle

Avant, dans une voiture hippomobile, on comptait au moins deux êtres vivants, un animal attelé à la voiture pour la tracter et un conducteur pour diriger l’animal. De nos jours, il ne reste plus que le conducteur, la révolution industrielle ayant permis de remplacer l’animal par un moteur.[4] Dans un futur proche, la révolution numérique évincera à son tour le conducteur de l’habitacle.

En effet, l’exclusion du facteur humain, avec ce qu’il comporte comme part d’aléa, de l’équation de la sécurité routière serait la garantie d’une route plus sûre. Une voiture autonome ne réussira jamais à s’auto-convaincre qu’un dernier verre, pour la route, n’altèrera pas sa faculté de conduire. Si cela peut paraître fantaisiste,  il suffit pourtant de penser à des inventions comme la machine à écrire, le minitel, ou les cabines téléphoniques, tant d’objets qu’on croyait indispensables, frappés d’obsolescence et remplacés par d’autres objets toujours plus performants.

Pour ceux qui pensent qu’il s’agit d’une hypothèse farfelue, ils n’ont qu’à essayer de s’aventurer sur une autoroute avec un moyen de locomotion d’antan. Imaginons Gaalad[5], brave chevalier de la Table Ronde, tentant de prendre l’autoroute avec son cheval, le moins que l’on puisse dire est que son aventure sera plus que périlleuse, sa vie sera mise en danger, il sera verbalisé et son cheval sera confisqué par les premiers gendarmes qui croiseront son chemin[6].

Ainsi, l’impact de la voiture autonome comme celui de la voiture à moteur sera systémique et affectera plusieurs aspects de notre vie quotidienne : route intelligente avec signalisation adaptée au trafic, circulation fluidifiée et gestion automatisée des  places de parking.

La voiture autonome est la suite logique de la voiture connectée à laquelle la majorité des acteurs concernés sont favorables. Prenons l’exemple de la publicité ciblée, la voiture autonome sera traçable et révélera les centres d’intérêts de son utilisateur. Cela représente une aubaine pour les publicitaires qui ne tarderont pas à développer des algorithmes pour la faire parler. Ainsi, pour une voiture qui s’arrête quotidiennement devant une crèche et juste après devant une école primaire, il est probable qu’elle appartienne à un foyer avec des enfants en bas âge. Il serait donc pertinent de proposer à cette famille des produits adaptés à ses besoins. Cet exemple illustre bien le constant effritement entre le monde réel et le monde virtuel, qui s’estompera avec l’avènement de la voiture autonome.

Les assureurs face au déplacement du risque automobile

La voiture autonome aura  nécessairement un impact sur les polices d’assurances des véhicules terrestres. En effet, comme chaque progrès, les nouveaux risques n’apparaissent qu’a posteriori. Il est évident que la voiture autonome sera connectée à un réseau, pour transmettre sa position et interagir avec ses semblables. Or à partir du moment où elle est connectée, elle sera exposée aux cyber-attaques.

La perception des risques liés à l’automobile changera. Face à la baisse des risques traditionnels, de nouvelles menaces apparaitront tels que le piratage de véhicule et on peut légitimement s’attendre à des scénarios de sinistre proche du film « CHRISITINE »[7] avec des voitures possédées non pas par des esprits malsains mais par des Hackers.

Concrètement, on peut imaginer une prise de contrôle à distance visant des voitures bien déterminées, la cible pourrait être un convoi pénitentiaire, un transfert de fonds, voire même des personnes déterminées à l’avance. Il peut s’agir aussi d’un acte de sabotage visant une route entière à travers la diffusion d’un programme malveillant infectant plusieurs véhicules en même temps. Ces scénarios illustrent bien l’inter-corrélation propre aux cyber-risques, on pourrait légitimement s’attendre à des sinistres sériels dont l’ampleur serait sans précédent.

Bousculés par le numérique, nous assistons au développement d’algorithmes jusqu’à en perdre le contrôle. Notre intelligence biologique a créé l’intelligence artificielle. Or cette dernière est des milliards de fois plus puissante. C’est ainsi qu’on a créé une intelligence artificielle intermédiaire qui nous assistera dans l’assimilation de la première. On a atteint le Coffin Corner, plus on automatise, plus on en devient dépendant.

La révolution numérique soulève un nombre considérable d’interrogations. A la différence de la révolution industrielle, la première se déploie beaucoup plus rapidement. Il suffit de voir comment notre mode de vie a changé : communiquer, travailler, consommer, se déplacer et même se divertir, tant d’actes anodins bouleversés par l’ère digitale. Ni technophile, ni technophobe, le droit ne peut qu’accompagner le progrès.

Alaeddine BEN HAMIDA
Doctorant –
Juriste en Assurances

[1]  Art. 8 «Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur. »

Convention sur la circulation routière. Signée à Vienne le 8 novembre 1968

[2] L’article R412-6 dispose que la présence d’un conducteur est obligatoire.

[3] Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation

[4] Dont la puissance d’ailleurs est évaluée par référence aux « chevaux fiscaux ».

[5] Légende arthurienne : Galaad fut le plus jeune chevalier de la Table Ronde.

[6] Article 421-2 du Code de la route

[7] Le film raconte l’histoire d’une automobile surnaturelle et malveillante qui prend petit à petit le contrôle de l’adolescent qui l’a achetée et qui tue ceux qui essaient de les séparer.

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