Le Royaume-Uni face à l’Union européenne: Brexit or not Brexit ?

« Les temps sont sombres et l’heure est funeste pour l’Union européenne (UE) »1. En effet, après quarante ans d’appartenance à l’UE2,  le Royaume-Uni (RU) reste la seule nation dont l’identité européenne est régulièrement remise en cause. Ainsi, il semblerait que les discours prophétiques de Winston Churchill sur le choix de l’Angleterre entre l’Europe et le « grand large » trouvent actuellement une éventuelle concrétisation3, qui peut s’expliquer par la résurgence d’un désaccord initial fondamental (I). Néanmoins, une sortie du RU de l’UE serait-elle dénuée de toutes conséquences ? (II).

La résurgence constante d’un désaccord initial fondamental

Certes, il ne faut pas occulter le fait que le RU a participé à la construction européenne. Seulement, ceci s’est réalisé tardivement, à savoir seize ans après le Traité de Rome et cela pour des raisons tenant tant au RU qu’à la France.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le Royaume-Uni n’était guère dans la même situation de dévastation que ses voisins continentaux. Par conséquent, il ne lui était pas indispensable d’entrer dans une coopération étroite avec ces derniers pour assurer son redressement. De plus, les priorités britanniques se trouvaient ailleurs, notamment dans le maintien de liens économiques et commerciaux avec les anciennes colonies devenues indépendantes et regroupées dans le Commonwealth.

Quant à la France, cette dernière a rejeté à deux reprises la candidature britannique4. En effet, le général De Gaulle considérait que les anglais avaient une fibre plus « atlantique qu’européenne ». Il faudra alors attendre l’élection du président Pompidou pour que le veto français soit levé5.

Ainsi, il est loisible de penser que la participation du Royaume-Uni à l’UE a peut-être été plus ambivalente que celle des membres fondateurs. Assurément, il n’a jamais été véritablement intégré à l’Europe et ce, essentiellement pour deux raisons.

Effectivement, dans un premier temps, le Royaume-Uni n’a  jamais su s’émanciper d’une vision rétrograde de la supranationalité. En second lieu, il ne faut pas oublier qu’il a toujours refusé de se considérer comme un Etat membre parmi d’autres. D’ailleurs à ce propos, l’utilisation des clauses d’opting-out6 sont la preuve des réticences constantes du Royaume-Uni. Cette pratique n’est pas devenue obsolète pour le RU étant donné que, dernièrement encore, les britanniques ont délibérément choisi de se retirer des négociations relatives à la signature du Pacte de Stabilité Budgétaire lors du Conseil européen de décembre 2011.

De plus, l’actualité ne facilite pas la problématique. En effet, la victoire de Jean Claude Juncker7 à la présidence de la Commission européenne accroît le risque du Brexit. La seule possibilité afin d’éviter un tel phénomène serait que David Cameron parvienne à obtenir des réformes de l’Union notamment concernant le marché unique où l’UE n’interviendrait plus que là où il y aurait une valeur ajoutée de sa part8.

European Flags

Une éventuelle sortie de l’UE dénuée de conséquences ?

Il est désormais certain qu’il est impossible de réaliser, avec le Royaume-Uni, l’Europe sociale telle que prônée par Jacques Delors. Ainsi, de prime abord, nous pourrions penser que si cet objectif était encore prioritaire, il vaudrait mieux s’en séparer.

Dans le même sens, les journaux britanniques essaient de nous convaincre que, sur un plan strictement budgétaire, le RU aurait un intérêt évident à quitter l’UE. Effectivement, le Royaume-Uni constitue l’un des plus gros contributeurs net au budget communautaire. Par conséquent, sortir de l’UE lui permettrait de financer de nouvelles dépenses ou encore de renflouer les caisses.

A partir de ce postulat, il est légitime de se demander pourquoi le RU ne franchit pas le cap tout de suite. C’est très certainement dû au fait qu’il s’agirait en pratique d’une sortie coûteuse9 tant pour le Royaume-Uni que pour l’UE.

S’agissant du Royaume-Uni, sans le soutien de l’UE, il lui serait plus laborieux de négocier des contrats avec les pays émergents, lui faisant perdre de nombreux avantages commerciaux. De plus, le Royaume-Uni serait dans l’obligation de renégocier des accords de libre-échange avec chacun des partenaires de l’Union. Or, ceci pourrait notamment nuire aux activités commerciales de la Chine. D’autre part, le Royaume-Uni perdrait le bénéfice d’une position diplomatique privilégiée en n’ayant, par exemple, plus aucune influence sur le quartet qui réunit autour de la question du Moyen Orient,  les Etats-Unis, la Russie, les Nations-Unies et l’UE.

Concernant l’UE, une telle sortie aurait des retentissements tant sur un plan géopolitique qu’économique. Effectivement, nous pourrions y voir une fermeture des frontières au Nord10. En outre, d’un point de vue économique, l’UE perdrait l’une de ses économies les plus puissantes d’autant que le RU dispose de la meilleure capacité d’innovation en Europe11. De cette façon, ceci ne serait pas bienvenu pour l’UE qui dispose là d’une porte d’entrée sur l’Asie et les Etats-Unis.

De surcroît, l’UE perdrait l’une de ses meilleures forces armées, se traduisant par la détérioration de la capacité des européens à faire usage de la force militaire lors de crises politiques et sécuritaires12.

Enfin de manière générale, il est certain que la sortie d’un Etat membre aurait un impact considérable et néfaste ne serait-ce que sur un plan symbolique car elle signerait, dans un sens, l’échec du projet européen. Dans la même logique, un plus grand risque serait de créer un précédent pour les autres pays membres de l’UE conduisant à « une érosion des acquis de l’intégration européenne ».

Le RU se trouve à la croisée des chemins et va devoir faire des choix stratégiques sur la nature de son engagement en Europe et ce, même si David Cameron sait pertinemment que les intérêts de son pays ne vont pas dans le sens d’un Brexit. Dans cette perspective, deux scénarios semblent envisageables.

Le plus positif serait de voir David Cameron adopter une position plus conciliante à l’égard de l’UE.  Un tel synopsis permettrait aux 27 autres Etats membres de réintroduire le Royaume-Uni dans les discussions relatives à la gouvernance économique de l’euro. Cette situation aurait au moins le mérite d’être cohérente et pragmatique tout en empêchant une marginalisation grandissante de la diplomatie britannique, ce qui générerait un véritable partenariat privilégié entre intérêts bien établis.

A l’inverse, un avenir plus pessimiste consisterait à voir dans l’incident de décembre 2011 une première étape vers une rupture progressive entre le RU et l’UE. Dans cette perspective, David Cameron serait amené à se tourner vers son électorat en 2017 en vue de lui demander de décider s’il souhaite rester dans une Union européenne, qui refuse de tenir compte des intérêts nationaux britanniques.

Dans cette situation, et étant donné que nous sommes actuellement dans un cas de figure défavorable à l’UE, le référendum pourrait être plutôt favorable à une sortie du Royaume-Uni de l’UE. Dans tous les cas un élément est certain : l’idée de voir un Etat membre quitter le navire, surtout en ces temps de crise, en fait frémir plus d’un.

Aurélie Touquet                                                                                                                                                        M2 « Affaires européennes et internationales »                                                                                          Faculté de Bayonne (UPPA)

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1. «Devons nous craindre le retrait d’un Etat de l’Union européenne ?», Le Taurillon, magazine eurocitoyen, publié le 5 février 2013 par Matthias Touillon.

2. Hormis le cas du Groenland en 1985 qui est aujourd’hui, le seul Etat à être sorti de l’UE.

3. Consisterait en la première utilisation de la possibilité accordée par le Traité de Lisbonne : article 50 TUE relatif au droit de retrait.

4. Premier refus en 1963 et second rejet en 1967.

5. Entrée du Royaume-Uni en 1973.

6. Clauses utilisées tant pour la Politique Agricole Commune, l’espace Schengen ou encore l’euro.

7. Personnalité perçue comme trop fédéraliste pour le Royaume-Uni

8. Exemple des questions relatives au commerce international.

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