La loi Macron étend le régime fiscal favorable des impatriés

Au cours des dernières décennies, la mondialisation s’est accrue et, avec elle, les mouvements de travailleurs. Dans ce contexte, de nombreuses lois sont votées partout dans le monde pour faciliter ces déplacements. Récemment, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron, a étendu le régime des impatriés pour encourager l’arrivée de hauts cadres en France.

 

Par définition, la notion d’impatriés est susceptible de désigner deux catégories de contribuables. En effet, sont visés les contribuables étrangers qui viennent temporairement exercer une activité professionnelle en France, mais également les contribuables français de retour après une période d’expatriation. Dans chacune de ces hypothèses, l’intéressé deviendra résident fiscal français au sens de l’article 4B du Code général des impôts (CGI).

 

La mise en place d’un régime spécifique pour les impatriés

La loi de finances rectificative pour 2003 a instauré un premier régime fiscal pour les impatriés. Toutefois, il a été peu plébiscité car il présentait des conditions trop strictes. Une loi de finances rectificative pour 2005 a modifié superficiellement ce régime, puis la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a refondu totalement le régime fiscal des impatriés afin d’attirer en France des cadres supérieurs et des dirigeants d’envergure internationale, mais également d’encourager les expatriés français à revenir en France.

 

La spécificité du régime fiscal des impatriés

La loi du 4 août 2008 a prévu une exonération partielle et temporaire d’impôt sur les revenus des impatriés choisissant d’établir leur domicile fiscal en France. À noter que l’installation du foyer en France peut être différée de quelques mois.

Pour bénéficier de ce régime fiscal, l’impatrié ne doit pas avoir été fiscalement domicilié en France au sens de l’article 4B du CGI ou résident de France, au sens des conventions fiscales internationales, et ce, de façon ininterrompue au cours des cinq années civiles précédant celle de la prise de fonctions en France. De plus, le bénéfice dudit dispositif impose que l’impatrié fixe en France son domicile fiscal ou sa résidence au sens des conventions internationales.

Précisons que l’administration refuse l’application du régime de l’article 155 B du CGI aux contribuables venant exercer un emploi en France de leur propre initiative.

Une distinction est à établir entre les impatriés salariés (ou dirigeants de sociétés de capitaux soumis au régime fiscal des salariés) et les impatriés non salariés.

  • L’impatrié salarié est une personne envoyée par son employeur en France.
  • L’impatrié non salarié est un entrepreneur étranger désireux de venir travailler en France : il peut accéder au régime des impatriés sur agrément délivré par le ministre du Budget. Pour cela, il devra remplir l’une des conditions suivantes : apporter une contribution économique exceptionnelle qui justifie l’octroi d’une carte de résident français, exercer à titre principal une activité de recherche et de développement expérimentale ou investir durablement dans le capital d’une petite ou moyenne entreprise.

 

Concernant les impatriés salariés

Ils peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu jusqu’à 50 % (qu’il s’agisse de la prime d’impatriation, des revenus d’activité réalisés à l’étranger ou de revenus issus de dividendes ou de plus-values réalisées à l’étranger).

 

Concernant les impatriés non salariés

Leur régime diffère de celui des impatriés salariés mais reste aménagé de façon à leur procurer de nombreux avantages. En effet, ils bénéficient d’un régime d’abattement forfaitaire de 30 % de leur rémunération et d’une exonération de 50 % de leurs revenus passifs (tels que les plus-values et les dividendes) en provenance de l’étranger. Cette exonération concerne les sommes qui constituent une majoration de rémunération en raison de l’expatriation.

 

Concernant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), les impatriés bénéficient d’un aménagement : les biens possédés hors de France ne sont pas soumis à l’ISF (article 885 A du CGI).

 

Si l’on octroie de nombreuses exonérations aux impatriés, ces derniers n’en restent pas moins soumis à un grand nombre d’impositions telles que les charges sociales ou la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (concernant surtout les hauts dirigeants impatriés). De fait, il convient de rappeler qu’il s’agit d’un régime permettant d’attirer des cadres importants en France, ce qui ne pourrait être réalisé par des impôts élevés.

De plus, afin de limiter un écart de rémunération trop important entre impatriés et salariés locaux, il a été établi que la rémunération soumise à l’impôt sur le revenu devra être équivalente à celle qu’un salarié local percevrait au titre de fonctions semblables au sein de la même entreprise que celle où l’impatrié exerce ses fonctions. En effet, la rémunération de l’impatrié ne doit pas être constituée seulement de la prime d’impatriation. À défaut de l’existence d’un tel point de comparaison, il s’agira d’avoir une rémunération semblable à celle d’un salarié exerçant au sein d’une entreprise similaire établie en France. Ainsi, si la rémunération de l’impatrié est inférieure à celle habituellement pratiquée au sein de la filière, la différence entre la rémunération dite « de référence » et la rémunération nette de la prime d’impatriation constituera un supplément à la rémunération imposable de l’impatrié, et donc la part exonérée des revenus liés à l’expatriation sera proportionnellement réintégrée à la rémunération taxable.

Cette restriction concernant la structure de la rémunération, de l’impatrié, elle permet de couper court à toute optimisation qui consisterait à majorer, autant que possible, la quote-part exonérée.

Qu’il s’agisse d’impatriés salariés ou d’impatriés non salariés, la durée de ce régime est de cinq ans : la période concernée est celle qui court jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la prise de fonctions. À noter que, pour les impatriés non salariés, la prise de fonctions correspond à la date d’exécution du contrat ou au début effectif de l’activité.

Chaque année, les impatriés choisissent entre deux mécanismes de plafonnement de l’exonération d’impôt sur le revenu :

  • Le plafonnement global consiste en une exonération de la prime d’impatriation et de la part de rémunération relative à l’activité exercée à l’étranger. Cette exonération est inférieure ou égale à 50 % de la rémunération totale.
  • Le plafonnement de l’exonération de la rémunération relative à l’activité exercée à l’étranger limite cette exonération à 20 % de la rémunération imposable de l’impatrié, laquelle correspond à une rémunération nette de la prime d’impatriation dans la limite de la rémunération perçue au titre de fonctions similaires.

 

Concernant la prime d’impatriation

En principe, la prime d’impatriation est prévue dans le contrat de travail de l’impatrié, préalablement à sa prise de fonction en France. Il s’agit de l’ensemble des avantages consentis à l’impatrié, qu’ils soient en espèces ou en nature, en retour de l’exercice temporaire de leur activité professionnelle en France.

Lorsqu’un impatrié est recruté à l’étranger par une entreprise située en France, il bénéficie de la possibilité d’opter pour une évaluation forfaitaire de ses primes d’impatriation, qu’elle soit ou non prévue dans le contrat. La prime exonérée correspondra alors à 30 % de la rémunération nette totale. La rémunération nette s’entend de la rémunération minorée des cotisations sociales et de la part déductible à la contribution sociale généralisée (CSG) mais avant que soit appliquée la déduction forfaitaire pour frais professionnels.

Cette évaluation forfaitaire est soumise à la condition d’un premier recrutement, un impatrié s’installant en France dans le cadre d’une mobilité intra-groupe ne pourra en bénéficier. En revanche, il bénéficie toujours d’une exonération complète d’impôt de la prime d’impatriation fixée préalablement dans le contrat de travail.

 

Quelques chiffres

En 2007, le coût d’un tel régime pour l’Administration était de 40 millions d’euros. Depuis, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 51 %, et le gain moyen par bénéficiaire de 124 %. En 2013, les impatriés en France étaient 11 070 et il est possible d’estimer le gain moyen par bénéficiaire de ce régime à 12 195 euros. En revanche, le coût pour les finances publiques était dernièrement estimé à 135 millions d’euros.

 

L’évolution récente de ce dispositif

La France possède l’un des régimes les plus avantageux pour les impatriés en Europe. En effet, à titre d’exemples, l’Allemagne n’accorde aucun régime favorable à ses impatriés et le Luxembourg n’exonère que les dépenses découlant de l’impatriation telles que les frais de déménagement ou les frais scolaires.

Toutefois, la loi du 6 août 2015 (dite loi Macron) a permis d’étendre ce régime pour permettre à un plus grand nombre d’impatriés d’en bénéficier. Auparavant, seule la mobilité au sein d’une même entreprise permettait de bénéficier du statut fiscal d’impatrié. Mais il est désormais possible pour un impatrié de conserver ses avantages en cas de changement d’employeur ou d’entreprise, si toutefois ce changement se fait au sein du même groupe.

En revanche, une reconversion professionnelle ou l’acceptation d’un poste au sein d’un groupe concurrent constitue une perte d’avantages fiscaux au regard de l’article 155B du CGI.

L’article 263 de la loi Macron du 6 août 2015 modifie l’article 155B du CGI en y insérant l’alinéa suivant : « Le bénéfice du régime d’exonération est conservé en cas de changement de fonctions, pendant la durée définie au sixième alinéa du présent 1, au sein de l’entreprise établie en France mentionnée au premier alinéa ou au sein d’une autre entreprise en France appartenant au même groupe. Pour l’application de ces dispositions, le groupe s’entend de l’ensemble formé par une entreprise établie en France ou hors de France et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L.233-3 du code de commerce ».

L’élargissement de l’application du régime des impatriés permet d’attirer plus de personnalités compétentes venues de l’étranger, d’accroître les recettes fiscales liées aux hauts revenus qui demeurent importantes malgré les exonérations, mais également de créer de nombreux emplois. Si la France devance de nombreux partenaires européens dans ce domaine, il reste à savoir si elle continuera d’innover pour conserver le régime fiscal le plus avantageux pour les impatriés en Europe.

 

 

Charlotte Poilliot

 

Pour en savoir plus :

Article 4 B du Code général des impôts

Article 155B du CGI

Article 885 A du CGI

BOI-RSA-GEO-40-10-10 n°240 et n°80

Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron)

Amendement n° 2311 présenté pour la suppression de ces dispositions de la loi n°2015-990

Article « Régime des impatriés et loi Macron : revue des nouveautés » : revue en ligne LEXplicite, publication de CMS

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