L’ "émergence" de la responsabilité internationale des entreprises transnationales en matière de crimes internationaux

Le jeudi 21 mars 2013, le Conseil National des Barreaux en collaboration avec l’American Bar Association a organisé un colloque international sur le thème de « la responsabilité internationale des entreprises en zones de conflit ». Ce colloque témoigne d’une nécessaire prise de conscience de l’ensemble de la communauté internationale et de la volonté croissante et quasi-unanime d’engager la responsabilité pénale internationale des entreprises transnationales qui prospèrent dans des activités entachées de criminalité. A l’instar de la société Tesch et Stabenow (Testa) (Cour militaire britannique de hambourg, 8 mars 1946, affaire du zyklon B), de la Radiotélévision Libre des Mille Collines (RTLM) au Rwanda (Procès des médias de la haine, TPIR), de la société militaire privée Blackwater en Irak (Chambre des représentants des États-Unis, Additional Information about Blackwater USA ,‎ 1er octobre 2007) et de TOTAL accusé de complicité dans la controverse sur le travail forcé et le soutien à la junte militaire en Birmanie (Plainte déposée en 2002 devant le tribunal de Nanterre).


 

En effet, la montée en puissance des sociétés transnationales, du fait de la mondialisation et de la libéralisation des marchés, laisse transparaître leur influence sur les structures économiques et sociales des pays fragiles où elles opèrent. Cela est d’autant plus vrai que les multinationales peuvent apporter leur soutien logistique ou financier à des régimes politiques ou groupes militaires qui violent les droits internationalement protégés. Au point que le contentieux à l’encontre de celles qui se seraient ainsi rendu complices de crimes internationaux a pris de l’ampleur.

Simplement, le droit international pénal est une branche du droit international public s’occupant des rapports entre les Etats. Le « délit » pénal relevant du droit public influencé par la souveraineté étatique, il se pose le problème de la détermination des justiciables de cet ordre juridique international. Or en droit international public ce sont les Etats qui sont, en principe, les sujets de droit, et minoritairement certaines Organisations Internationales. Avec la particularité qu’en droit pénal international, les individus sont les seuls sujets de droit. Ce qui exclut les personnes morales de droit privé et aboutit à une impunité des multinationales.

 

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L’idée est de réprimerpénalement, dans l’ordre juridique international, par les textes de droit international classique des personnes morales. Ce qui exclut de cette analyse les voies de droit interne, ou les instruments juridiques comme l’Alien Tort Claims Act de 1798 des Etats-Unis ou l’article 121-2 du code pénal français. Or, le droit pénal international visant que les individus, il n’y a pas de responsabilité pénale directe de la société, en tant que telle, dans les statuts des juridictions internationales, principaux fondements des crimes internationaux.

Toutefois, bien que cette responsabilité internationale soit encore au stade embryonnaire, des règles internationales ont déjà indirectement des effets coercitifs à l’égard des entreprises transnationales : la répression des dirigeants sociaux par les statuts des Tribunaux ad hoc et de la Cour pénale internationale, sur le fondement de la complicité (Article 7 du Statut TPIY ; Article 6 du statut TPIR ; Article 25 du Statut de la CPI) ou de la responsabilité du supérieur hiérarchique (article 28 du statut de la CPI).

Par ailleurs, les normes des Nations Unies sur la responsabilité des sociétés transnationales en matière de droits de l’homme, des soft laws au départ, largement reconnues comme reflétant le droit international, tendent de plus en plus à devenir des règles directement contraignantes. D’autant que ces problématiques s’étant imposées à l’ordre du jour des politiques internationales, les Nations Unies ont décidé d’étendre aux entreprises la même série d’obligations qui ressort du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » de la résolution 8/7 des Nations Unies du 18 juin 2008. On imagine bien une démarche à petits pas des instances internationales, de la responsabilité morale ou sociale vers une responsabilité pénale directe émergente, en termes d’effectivité du droit.

 

Jean-Marie Mehi

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