Code pénal des mineurs : une (r)évolution[1] en cours

« Les codes de peuples se font avec le temps ; à proprement parler, on ne les fait pas. »

Portalis

 

La nécessité de la codification du droit pénal des mineurs a déjà pu être citée en exemple par la Commission supérieure de codification.[2] C’est désormais en cours de réalisation : le futur code pénal des mineurs sera présenté le 2 février 2015, [3] à l’occasion du 70ème anniversaire de l’ordonnance de 1945.[4]

En effet, l’ordonnance de 1945 est devenue illisible : « l’absence de réécriture globale rend la consultation de l’ordonnance de 1945 périlleuse sur le plan méthodologique ».[5] Après 35 réformes, seuls 7 articles sont d’origine.[6]

Il était donc nécessaire de codifier ce droit afin de lui donner de la cohérence, mais aussi afin de le rendre plus accessible et plus intelligible.[7]

Déjà, en 2008, le rapport Varinard préconisait la création d’un code pénal des mineurs.[8] Sur un plan symbolique, la création d’un tel code vient consacrer l’autonomie et la spécificité de ce droit, dont les éléments essentiels ont reçu valeur constitutionnelle en 2002.[9]

La ministre indique, dans l’exposé des motifs, que la réforme n’a pas vocation à révolutionner les acquis en la matière. Néanmoins, des évolutions notables peuvent être rapportées.

Tout d’abord, la disparition du Tribunal correctionnel des mineurs est acquise.

En effet, la loi du 10 août 2011, qualifiée de sécuritaire par la doctrine,[10] avait mis en place un Tribunal correctionnel spécial pour les mineurs récidivistes en rapprochant la procédure de celle du droit pénal des majeurs. Force est de constater que le résultat attendu, i.e. plus de sévérité, n’a pas été rencontré puisque le durcissement des mesures prises n’est pas constaté par les statistiques.[11]

Cette mort annoncée d’une juridiction exceptionnelle qui faisait perdre sa spécificité à un droit… spécifique ne peut donc qu’être bien accueillie !

Ensuite, la généralisation du principe de la césure.

La césure correspond à la séparation dans le temps du procès en trois parties distinctes : mise en examen, décision sur la culpabilité, prononcé de la peine. Ce jalonnement des étapes de la procédure doit permettre au magistrat de connaître le mineur condamné le mieux possible afin de prononcer les mesures les plus adéquates. La réforme propose, dans un souci de célérité, de fixer à 6 mois prorogeable une fois le délai qui sépare la décision de culpabilité et le prononcé de la peine.

De même, cette évolution s’inscrit parfaitement dans la philosophie de ce droit et elle doit donc également être reçue avec faveur.

Enfin, la questions des âges qui comporte deux aspects : l’âge de la responsabilité et l’âge de la majorité.

L’âge de la responsabilité pénale correspond à l’âge auquel un individu doit être considéré comme conscient de ses actes. Le législateur n’a jamais fixé de seuil. La jurisprudence considère que l’enfant devient responsable autour de 7 ans.

La Commission Varinard proposait de fixer l’âge de la responsabilité à 13 ans mais cette idée n’est pas reprise par le texte : statu quo, donc.

L’âge de la majorité pénale, quant à elle, correspond au moment où un individu n’est plus soumis au droit pénal des mineurs. Aujourd’hui, cet âge est calé sur celui de la majorité civile, 18 ans. Robert Badinter parmi d’autres proposent d’élever ce seuil à 21 ans, afin d’assurer le suivi des mineurs qui en ont besoin.

Néanmoins, de la même manière, cette proposition n’est pas inscrite au projet de réforme.

 

Antonin Péchard

 

[1] Bonfils Ph., « L’autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et affaiblissement », AJ Pénal, 2012. 6. 312.

[2] « Le critère pertinent, pour déterminer s’il y a lieu d’entreprendre un code (est) celui de la dispersion de la matière (…). Tel est par exemple le cas du code pénal des mineurs actuellement en cours de projet : ce code regrouperait des dispositions de procédure pénale, des dispositions pénales et des dispositions relatives à l’organisation judiciaire qui, pour l’essentiel, ne sont pas actuellement codifiées », Vingtième rapport annuel (2009), Commission supérieure de codification, p. 11.

[3] Boëton M., « Comment le gouvernement entend réformer la justice des mineurs », La Croix en ligne, 30 déc. 2012.

[4] Pour une approche plus historique du sujet : V. Péchard A., « La justice pénale des mineurs : déconstruire pour mieux reconstruire », Le petit juriste en ligne, 21 juill. 2014.

[5] Touret de Coucy F., « Enfance délinquante », Rép. dr. pén., Dalloz, 2005, n° 44, p. 13 cité in Bonfils Ph., « Présentation des préconisations de la Commission Varinard », AJ Pénal, 2019. 1. 9.

[6] Rosenczveig J.-P., « Un code pénal pour les enfants et les adolescents pour quoi faire ? », Droit des enfants, Blog hébergé par Le monde, 21 déc. 2014 : http://jprosen.blog.lemonde.fr.

[7] L’accessibilité et l’intelligibilité de la loi sont des objectifs à valeur constitutionnelle (Cons. constit. 16 déc. 1999, n° 99-421 DC).

[8] Varinard A., Entre modifications raisonnables et innovations fondamentales : 70 propositions pour adapter la justice pénale des mineurs (1ère proposition), ministère de la Justice, déc. 2008.

[9] « L’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon procédure appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République » (Cons. constit. 29 août 2002, n° 2002-461 DC).

[10] Bonfils Ph., « L’autonomie du droit pénal des mineurs, entre consécration et affaiblissement », AJ Pénal, 2012. 6. 312.

[11] Rosenczveig J.-P., « Délinquance juvénile : vers une nécessaire réforme des textes ? », Droit des enfants, Blog hébergé par Le monde, 1er déc. 2014 : http://jprosen.blog.lemonde.fr.

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