Cours d’assises : le Conseil constitutionnel impose la motivation de la peine

Par une décision[1] rendue le 2 mars dernier, le Conseil constitutionnel a censuré le deuxième alinéa de l’article 365-1 du Code de procédure pénale qui imposait uniquement aux cours d’assises de motiver les principaux éléments à charge reprochés à l’accusé, et qui l’ont convaincu d’entrer à son encontre en voie de condamnation. Jusqu’à présent, la peine prononcée ne devait pas être motivée, la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant d’ailleurs eu l’occasion de rappeler ce principe dans trois arrêts rendus le 8 février 2017[2].

En l’espèce, trois requérants ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité, estimant que l’article 365-1 du Code de procédure pénale en ce qu’il n’imposait pas la motivation de la peine des arrêts d’assises portait atteinte aux principes de nécessité et légalité de la peine ainsi qu’au principe d’individualisation de la peine. La chambre criminelle, estimant la question suffisamment sérieuse, a renvoyé par un arrêt[3] du 13 décembre 2017 ladite question devant les Sages.

Ces derniers, pour censurer la disposition attaquée, retiennent que l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 « implique qu’une sanction pénale ne puisse être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce ». Depuis 2011[4], le Conseil constitutionnel affirme que la motivation est un élément essentiel garantissant l’absence d’arbitraire dans le jugement des personnes poursuivies et le prononcé de leur peine. Par ailleurs, il est important de noter que le Conseil constitutionnel a modifié sa jurisprudence antérieure et considère désormais, que les exigences constitutionnelles « imposent la motivation des jugements et des arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine. » Par conséquent, les cours d’assises devront désormais, outre la motivation de culpabilité, motiver la peine prononcée.

Pour éviter les « conséquences manifestement excessives » qu’entrainerait une abrogation immédiate, le Conseil constitutionnel a décidé de reporter les effets de l’inconstitutionnalité au 1er mars 2019. Une abrogation immédiate du deuxième alinéa de l’article 365-1 du Code de procédure pénale aurait eu pour conséquence de ne plus imposer aux cours d’assises de motiver les principaux éléments à charge qui l’ont convaincu de la culpabilité de l’accusé.

Néanmoins, pour permettre de faire cesser l’inconstitutionnalité de la disposition censurée, les Sages ont jugé que tous les arrêts d’assises qui seront rendus lors d’un procès ouvert après le 2 mars 2018, le deuxième alinéa de l’article 365-1 du Code de procédure pénale devrait être interprété comme imposant la motivation de la culpabilité mais également de la peine. Enfin, pour une raison de sécurité juridique et éviter l’émergence d’un important contentieux, les Sages ont également précisé qu’aucun arrêt de cour d’assises déjà rendu ou qui sera rendu à l’occasion d’une instance déjà ouverte au 2 mars 2018 ne pourra être contesté par application de la présente déclaration d’inconstitutionnalité.

Quentin COPEZ

[1] Décision n°2017-694 QPC du 2 mars 2018.
[2] Pourvois n°15-86.914, n°16-80.389 ; n°16.80.391.
[3] Cass. Crim., 13 décembre 2017, n°17-82.086, n°17-82.237 ; n°17-82.858.
[4] Décision n°2011-635 DC du 4 août 2011.

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