Réforme de la justice pénale : la fin des jurés populaires ?

L’article 40 du projet de loi de programmation pour la justice présenté par Nicole Belloubet le 9 mars 2018 s’attache à repenser un pan essentiel de notre justice pénale tant il témoigne de l’histoire de la France et de ses évolutions : les jurés populaires au sein des cours d’assises.

Une pratique ancrée

Le recours au peuple dans les cours d’assises est apparu aux suites de la Révolution française. Beccaria, particulièrement favorable à ces jurys, écrivait dans Des délits et des peines que « L’ignorance qui juge par sentiment est moins sujette à l’erreur que l’homme instruit qui décide d’après l’incertaine opinion ».
Leur rôle, leur nombre et leurs caractéristiques vont évoluer au fil des années. Depuis la loi du 10 août 2011, le jury de la Cour d’assises est composé de 6 jurés en première instance et 9 en appel, tous devant être de nationalité française, jouir des droits civils, politiques et familiaux et maîtriser la lecture et l’écriture du français. Il existe cependant des Cours d’assises spéciales composées uniquement de magistrats professionnels en matière trafic de stupéfiants en bande organisée et, depuis 1986, de terrorisme. Cette création, faisant suite à des menaces exercées par des accusés sur des jurés d’assises lors d’un procès pour terrorisme, procédait d’une logique différente de celle justifiant la création des tribunaux criminels.

Une justice criminelle malmenée

Depuis plusieurs années déjà, force est de constater que la justice criminelle souffre de différents maux.
Dans un premier temps, le manque de moyens rend inenvisageable un traitement rapide des affaires. Ces allongements des durées de jugement entraînent de toute évidence une augmentation significative du nombre de prévenus placés en détention provisoire, et la saturation des maisons d’arrêt. Pour y remédier, fut envisagée la correctionnalisation des crimes prévue, depuis la loi du 9 mars 2004, par l’article 469 du Code de procédure pénale. Elle est devenue très fréquente, notamment s’agissant de la requalification de viol en agression sexuelle.

L’expérimentation d’un « tribunal criminel »

Le gouvernement, en vue d’améliorer la justice pénale rendue dans les cours d’assises, propose de créer un tribunal criminel départemental composé uniquement de magistrats professionnels. Tout d’abord, le délai d’audiencement devant cette instance serait d’un an seulement. Sa compétence serait limitée au jugement de certains crimes, la cour d’assises retrouvant tout son pouvoir pour les crimes punis de trente ans de réclusion ou encore de la réclusion criminelle à perpétuité.

Ainsi, ne relèveraient de ce tribunal criminel que les crimes punis de quinze à vingt ans de réclusion criminelle comme le viol, ou encore les vols aggravés, commis en dehors de toute récidive légale et uniquement par des personnes majeures. Il serait aussi en mesure, tout comme les cours d’assises, de connaitre du jugement des délits connexes au crime.

Le législateur opèrerait donc une hiérarchisation des crimes, les « moins graves » relevant d’une juridiction différente de ceux considérés comme particulièrement graves. La question se pose alors de la compétence de chacun en cas de requalification – à la hausse où à la baisse – des faits : le tribunal criminel aurait l’obligation de renvoyer devant la cour d’assises l’auteur d’un crime ne relevant pas de sa compétence et inversement.

Conclusion
Sur ce point, le projet de réforme divise les magistrats, Céline Parisot, secrétaire générale de l’Union Syndicale des Magistrats témoigne de la satisfaction du syndicat en déclarant à l’Agence France Presse « On pourra juger des crimes comme des crimes ».

Pour autant, une grande partie de la justice criminelle française sera rendue sans jurés, et cela semble remettre en cause la démocratie dont étaient imprégnées les assises. Jean-Pierre Getti, Président de cour d’assises disait en effet « Je pense que la délibération à la cour d’assises est le lieu le plus démocratique qui soit dans notre vie de citoyen ». Il s’agit maintenant d’attendre les débats devant le Parlement afin d’apprécier la suite qui sera donnée à ce projet de loi.

Céline CHEVALLIER

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