Infection nosocomiale : responsabilité des établissements de santé et des praticiens

La Cour de cassation, par sa décision du 14 avril 2016[1] a de nouveau précisé sa position dans la cadre de la réparation des dommages résultant d’infections nosocomiales. Dans un premier temps, elle rappelle que les établissements de santé sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère (I). Dans un second temps, elle précise que lorsque le médecin participe par sa faute à la réalisation du dommage, ce dernier doit contribuer à la charge finale de la dette (II).

I- L’existence d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité

L’article L. 1142-1, I, du Code de la santé publique (CSP) précise que « les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère ».

La cause étrangère peut résulter soit de la faute de la victime, soit du fait du tiers (voire sa faute) ainsi que de la force majeure (événement extérieur, imprévisible et irrésistible).

La jurisprudence adopte, depuis quelques années, une conception stricte de la notion de cause étrangère. Elle considère que l’absence de faute de la part de l’établissement ou du praticien (Civ. 1e, 11 décembre 2008, n°08-10.105), le caractère endogène de l’infection, (CE, 10 octobre 2011, n°328500, Centre hospitalier universitaire d’Angers, Lebon), ainsi que l’état de vulnérabilité du patient (CE, 17 février 2016, n°322366, Mme Mau, Lebon) ne constituent pas une cause étrangère.

Dans le même esprit, les juges rappellent dans cette décision commentée que « les établissements de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère », mais rajoutent que seule l’irrésistibilité d’un événement ne suffit pas à caractériser la cause étrangère. En l’espèce,  « même si l’infection avait pu être provoquée par la pathologie de la patiente, liée à un aléa thérapeutique, cette infection demeurait consécutive aux soins dispensés au sein de la clinique et ne procédait pas d’une circonstance extérieure à l’activité de cet établissement, la cour d’appel a écarté, à bon droit, l’existence d’une cause étrangère exonératoire de responsabilité ». La responsabilité de la clinique est alors retenue.

La réunion des trois critères de la force majeure est bien un impératif. « Si la seule pathologie de la patiente, liée à un aléa thérapeutique, suffisait à exonérer la clinique, sa responsabilité supposerait la preuve d’une faute, ce que refuse justement l’article L.1142-1 I alinéa 2  du CSP »[2]. En effet, les infections nosocomiales contractées postérieurement au 5 septembre 2001[3] sont soumises à un régime de responsabilité sans faute[4].

II- Les conséquences sur la responsabilité de plein droit de la clinique du manquement d’un médecin

Le second moyen invoquait le fait que « dans les rapports entre l’établissement de soins, déclaré responsable de plein droit de l’infection nosocomiale contractée par une patiente, et le médecin, qui a engagé sa responsabilité pour faute envers cette dernière, la charge définitive de la dette de réparation pèse intégralement sur le médecin fautif en l’absence de faute établie à l’encontre de l’établissement de soins ».

Dans notre espèce, les juges précisent alors que les juges du fond ont justement « [déduit] que dans les rapports entre la clinique et le praticien, la garantie de celui-ci serait limitée à 50 % ». En effet, « la clinique avait bien à répondre des conséquences de l’infection nosocomiale contractée par Mme Y… et les négligences imputables à M. X…, à l’origine d’un retard préjudiciable dans le traitement, avaient seulement pour partie aggravé les séquelles de l’intéressée ». Ainsi, le dommage ayant été aggravé par la faute du praticien, la charge finale de la dette doit être répartie. Ici, 50% de la charge définitive de sa réparation lui revenant.

Le contentieux des infections nosocomiales est un contentieux très particulier et très complexe. On déplore qu’il n’existe toujours pas, à ce jour, de définition stricte de la notion de cause étrangère. L’intervention du législateur en ce sens serait la bienvenue. Elle reste impossible à établir, qu’elle soit réduite au critère d’extériorité ou qu’elle soit comprise comme devant réunir les critères de la force majeure[5].

« Ainsi et en dehors de l’hypothèse de l’introduction malveillante d’un germe à l’hôpital par un tiers – hypothèse dont il est difficile de penser que le législateur la visait en prévoyant l’exonération des hôpitaux pour « cause étrangère » – il ne peut donc être question de cause étrangère, exception pour le moins théorique »[6].

Elodie GUILBAUD

 

 

[1] Civ. 1e, 14 avril 2016, n°14-23.909

[2] KILGUS (N), « Responsabilité d’une clinique en présence d’une infection nosocomiale », en ligne le 22 avril 2016, dalloz-actualite.fr

[3] Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (J.O. du 5 mars 2002)

[4] Au sens de l’article L. 1142-1, I, alinéa 2, CSP

[5] Lantero (C.), « Le juge administratif et les infections nosocomiales », Intervention au sein du Café des juristes du 10 mars 2016 sur les Infections Nosocomiales, judisconseil.com

[6] En ce sens H. Belrhali-Bernard, Responsabilité hospitalière, AJDA 2012. 1665.

 

POUR EN SAVOIR PLUS

Uzel (A), « Infections nosocomiales : quand la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel rappellent les règles », en ligne le 5 mai 2016, village-justice.com

Lantero (C.), « Le juge administratif et les infections nosocomiales », Intervention au sein du Café des juristes du 10 mars 2016 sur les Infections Nosocomiales, judisconseil.com

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