L’insémination artificielle post mortem : un épineux débat ouvert avec l’affaire Fabienne Justel

 


 

Pour avoir un enfant, Fabienne Justel souhaite récupérer le sperme de son mari décédé auprès du centre d’études et de conservation des œufs et du sperme (CECOS) qui s‘y oppose. Sa requête a été examinée en référé le 23 septembre dernier au sein du Tribunal de Grande Instance de Rennes, sans succès. En effet le ministère public a rejeté la demande de restitution des paillettes congelées de sperme du défunt. Le verdict définitif sera prononcé le 15 octobre.



 

 

Cette affaire réactualise le débat épineux sur l’insémination artificielle post mortem en posant deux questions essentielles. Celle, d’ordre strictement juridique, mettant en valeur le fait que l’enfant à naître ne pourra être reconnu par son père mort (art 312 du code civil) et celle d’origine éthique soulignant l’aspect fondamental de la procréation médicalement assistée qui serait alors nié : remédier à la stérilité d’un couple.

 

En réalité, la raison principale liée au refus de restituer le sperme de l’époux décédé réside dans la condamnation d’un enfant à vivre sans père. Ainsi, faut-il se résigner aux limites de la mort ou la transgresser puisque la technique le permet ? La France a fait le premier choix. L’enjeu éthique est ici flagrant. Pourquoi ne pas considérer nécessaire l’avortement d’une femme enceinte dont le mari viendrait à décéder avant la naissance de l’enfant ?Pour lui la situation reste inchangée. Les médecins proposent une modification législative précisant que l’homme et la femme doivent être vivants lors de la fécondation car actuellement l’article L 152-2 de la loi du 29 juillet 1994 concernant l’assistance médicale à la procréation et figurant au code de la santé publique dispose seulement que « l’homme et la femme formant le couple doivent êtres vivants(…) et consentants préalablement au transfert des embryons ou à l’insémination ».

 

 

 

 

Il semblerait que les juges aient considéré, que le consentement libre et éclairé du défunt faisait défaut. Le droit français est attaché au libre consentement et au rôle de la volonté humaine. Comment être sûr du vœu irréfragable de paternité de M. Justel ? Le dépôt de sperme par le malade, parfois plusieurs années avant le décès, est la preuve du désir de conserver ses possibilités de procréation. Il est indépendant et inassimilable au désir de procréer.

 

La vice-procureure Cécile Vivien a expliqué que « M. Justel était le seul signataire de la demande d’autoconservation et a accepté les conditions de la loi du 6 août 2004 » autrement dit celle relative à la protection des personnes physiques à l’égard de traitement de données à caractère personnel.

 

Il paraît important de rappeler la révision programmée de cette loi (et des autres lois sur la bioéthique) l’année prochaine. Les députés seraient globalement favorables à un assouplissement de la législation française à cet égard, preuve de l’impact significatif de cette affaire. Les juges et les avocats s’interrogent également sur l’enfant à naître, est-il voulu pour lui-même ou pour l’accomplissement d’un projet parental que l’épouse désire faire prospérer au-delà du décès de son mari ? On voit apparaître en filigrane la distinction entre « droit de l’enfant » et « droit à l’enfant »

 

Une décision de ce type nécessite un délai de réflexion inhérent à la difficulté de la solution à apporter. Sommes-nous à la veille d’une nouvelle jurisprudence en la matière qui viendrait faire évoluer le droit? Dans les années 90, déjà, avec l’affaire Maria Pires ces questions avaient été évoquées, sans révolution néanmoins…Est-ce désormais le bon moment? Rendez-vous le 15 octobre pour le savoir.

 

 

Karolina Siejka

 


 

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