En l’absence d’accord collectif, l’employeur peut unilatéralement répartir la durée de travail des salariés

A l’heure actuelle, le droit du travail est en pleine évolution. Il est perçu par certains comme très protecteur des salariés toutefois cette idée est à nuancer.

Le 11 mai 2016, la chambre sociale de la Cour de Cassation a estimé que «  En l’absence d’accord collectif, l’employeur peut imposer unilatéralement la répartition du travail sur une période n’excédant pas quatre semaines. La mise en œuvre de cette décision unilatérale n’est pas subordonnée à l’accord individuel préalable des salariés ».

En l’espèce, l’employeur a mis en place une répartition du temps de travail sur une période supérieure à 1 semaine.
Le syndicat CGT assigne la société Aerobag devant le Tribunal de grande instance de Meaux. Le demandeur requiert que l’employeur cesse d’utiliser cette méthode de décompte si celui-ci ne bénéficie pas de l’accord exprès de chacun des salariés. 
En effet, la CGT considère alors que les heures supplémentaires ne seront plus comptabilisées à partir de la 36ème heure ce qui est désavantageux pour le salarié.
Le syndicat considère que l’on touche au domaine contractuel, domaine qui en cas de modification requiert l’accord exprès de la part du salarié. Si le salarié ne le donne pas expressément  alors il ne peut pas se voir imposer la modification.

Un appel est interjeté, les juges de la Cour d’appel de Paris accueillent la demande du syndicat. Les juges affirment que l’organisation pluri-hebdomadaire conduit certes à un décompte moins favorable pour les salariés, les heures supplémentaires n’étant plus décomptées à partir de la 36ème heure.
Donc, les juges retiennent qu’à défaut d’accord collectif, la mise en place d’une répartition du temps de travail supérieure à 1 semaine constitue une modification du contrat de travail et donc requiert l’accord exprès du salarié.

L’employeur forme alors un pourvoi en cassation, la Cour de Cassation casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel et énonce  qu’en l’absence d’accord collectif prévu à l’article L3122-2 du code du travail, l’article D3122-7-1 du même code permet à l’employeur d’organiser la durée de travail et d’imposer unilatéralement cette répartition sur une période maximale de 4 semaines uniquement dans l’hypothèse où il n’y a pas d’accord collectif,

Cette règle a alors pour conséquence d’imposer aux salariés cette répartition pluri-hebdomadaire sans que ceux-ci ne puissent invoquer une quelconque modification de leur contrat de travail ; l’employeur utilisant son pouvoir de direction pour organiser le temps de travail des salariés.

Des antécédents ?                

Le 28 septembre 2010, la chambre sociale avait énoncé le principe suivant : « l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié » ce qui entraine pour le salarié une modification du mode de détermination des heures supplémentaires.
Toutefois le législateur a intégré un nouvel article L 3122-6 du code du travail estimant que dans l’hypothèse de la présence d’un accord collectif, il n’y avait pas de modification du contrat de travail et donc qu’il n’y avait pas besoin d’obtenir l’accord du salarié.
           
On peut alors déduire que dans ces deux situations (présence d’un accord  collectif ou décision unilatérale de l’employeur) la modification s’impose aux salariés.

Un droit du travail réellement protecteur pour le salarié ?

La relation entre l’employeur et salarié est inégale, le salarié étant le subordonné de l’employeur.   Afin d’éviter tout abus de la part de l’employeur, le domaine contractuel bénéficie d’une certaine protection. En effet, l’employeur qui souhaite modifier un élément du contrat de travail devra recevoir l’accord exprès du salarié. 
En l’espèce, on peut alors se questionner sur la réelle importance accordée au contrat de travail  comme moyen de protection du salarié car on permet à l’employeur d’y déroger et de porter atteinte aux droits du salarié sous certaines conditions (en l’occurrence l’absence d’accord collectif).

Quelle évolution envisagée par le projet de loi El Khomri ?

Le projet de loi envisage d’étendre à 9 semaines la période où l’employeur pourrait mettre en place une répartition de la durée du travail différente. Cette règle s’appliquerait dans l’hypothèse où l’entreprise à moins de 50 salariés et en cas d’absence d’accord collectif concernant la répartition du travail.

Julia Truchot

Sources :

  • L3122-2 du code du travail
  • 3122-6 code du travail 
  • 3122-7-1 et D. 3122-7-2 du code du travail 
  • Arrêt chambre sociale 28/09/2010 08-43.161
  • Article : Contrat de travail et décision unilatérale d’aménagement du temps de travail de Magalie Roussel publié au sein de Dalloz Actualité le 24 mai 2016
  • Commentaire de Michel Morand au sein de La semaine Juridique social n°24, 21 juin 2016,1219 «  La répartition de la durée légale s’impose au salarié ».

 

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