Le salarié protégé

La France a fait le choix d’un double canal de représentation: d’une part les représentants du personnel (délégués du personnel, comité d’entreprise…), et d’autre part les représentants des syndicats (délégués syndicaux).

Les représentants sont là pour défendre les intérêts et les revendications des salariés. Outre l’interdiction d’établir des discriminations entre les salariés syndiqués et ceux qui ne le sont pas, ainsi que l’interdiction d’entraver la mise en place et/ou le fonctionnement des institutions, ils bénéficient d’un statut protecteur en cas de licenciement. Statut qui « peut être défini comme l’ensemble des règles de droit ayant pour objet d’assurer au salarié, investi d’une fonction de représentation de la communauté de travail, l’indépendance nécessaire à l’exercice de son mandat vis­ à­ vis de son employeur. Les règles exorbitantes, qui subordonnent la cessation des relations contractuelles entre le salarié dit « protégé » et l’employeur à l’autorisation de l’inspecteur du travail, sont au cœur de ce statut. » (1)

Le code du travail donne la liste des représentants qui bénéficient de ce statut. Il y a, entre autres, les délégués syndicaux et ceux du personnel, les membres du comité d’entreprise, les représentants du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail etc.(2) Protection également étendue aux institutions mises en place par convention ou accord collectif. (3) Par conséquent, l’employeur qui souhaite licencier un représentant est soumis à une procédure spécifique qui implique l’autorisation de l’inspecteur du travail. Ce dernier doit rendre une décision motivée dans un délai de 15 jours sur le licenciement du salarié en question et dans un délai de 8 jours en cas de mise à pied. (4)

Cette protection contre le licenciement est accordée selon le cas : dès l’organisation des élections, pendant la publication des résultats et bien sûr tout au long du mandat ; cependant elle est étendue à fin du mandat soit 6 ou 12 mois après l’expiration de celui­ ci. Par conséquent, une fois que la période de protection est terminée l’employeur retrouve son droit de licencier le salarié. Pourtant, la Cour de cassation par une jurisprudence constante estime que « le licenciement, prononcé à l’expiration de la période légale de protection, ne peut légalement être motivé par les faits invoqués devant l’autorité administrative et qui ont donné lieu à une décision de refus d’autorisation du licenciement. » (5)

Mais la Cour de cassation est venue ajouter une précision dans son arrêt du 6 janvier 2016. En l’espèce, un salarié membre élu et secrétaire du CHSCT, dont le mandat a expiré le 13 février 2009, s’est vu licencier pour faute grave le 24 septembre 2009, alors qu’une décision de l’inspecteur du travail du 10 septembre 2009 refusait le licenciement.

La Cour d’appel de Paris, dans sa décision du 11 décembre 2013 considère que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; reprenant la jurisprudence antérieure de la cour de cassation « si à l’expiration de la période de protection, l’employeur peut licencier un ancien salarié protégé sans avoir à demander l’autorisation de l’inspecteur du travail, c’est à condition que le licenciement ne soit pas prononcé pour des faits antérieurs ayant déjà fait l’objet d’un refus d’autorisation de l’inspecteur du travail . »

La Cour de cassation décide de rejeter cette solution, au visa des articles L. 2411­13 et L. 2421­3 du code du travail, considérant que la Cour d’appel « avait constaté que la période de protection légale avait pris fin le 13 août 2009, avant que l’inspecteur du travail ne rende sa décision, de sorte que l’employeur avait retrouvé le droit de licencier le salarié sans autorisation de l’autorité administrative, qui n’était plus compétente pour autoriser ou refuser cette mesure. »

L’employeur retrouve donc sa liberté de licencier un salarié, en l’absence de décision de l’inspecteur du travail, à la fin de la période de protection même si les faits ont été commis pendant cette protection. Ainsi comme le soulève Mr Wolfgang Fraisse « le raisonnement n’est pas critiquable. En effet, puisque la période de protection légale avait pris fin avant que l’inspecteur du travail ne rende sa décision, l’employeur devait retrouver son droit de licencier un salarié sans se soumettre à l’autorisation administrative. La décision de refus de l’inspection du travail en date du 10 septembre ne pouvait dès lors être prise en compte dans la mesure où le salarié ne bénéficiait déjà plus de protection. » (6)

On peut noter toutefois que « cet arrêt confirme une jurisprudence établie, tant par la Cour de cassation (Cass. soc., 13 mai 2008, n° 06­42806) que par le Conseil d’État (CE, 13 mai 1992, n° 110184 : à la date d’intervention de la décision de l’inspecteur du travail, la salariée n’avait plus la qualité de salariée protégée depuis plus de six mois ; dès lors, l’inspecteur du travail n’était pas compétent pour statuer sur la demande d’autorisation de licenciement). »(7)

Élodie Thiébaud

1. Répertoire de droit du travail / Représentants du personnel (Statut protecteur) — Laurence PÉCAUT­RIVOLIER — Hubert ROSE — Yves STRUILLOU — juin 2013 (actualisation : octobre 2015)

2. Article L2411­1 du code du travail.

3. Article L2411­2 du code du travail.

4. Article L2421­3 et Article R2421­10 et suivants du code du travail.

5. Soc.26janv.1994, n°92­41.978,Bull.civ.V,n°27,Dr.soc.1994.389,obs.P.Waquet;1 5janv.2013, n°11­18.800;23 sept. 2015, n ° 14­10.648, Dr. soc. 2015. 1031, obs. J. Mouly ).

6. Licenciement des salariés protégés : inspection du travail et fin de la période de protection Dalloz actualité / Wolfgang Fraisse — 25 janvier 2016 7. Cahierssociaux,A utorisationdelicenciementd’unsalariéprotégérendueaprèslafindelapériodedeprotection ––Cass.

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