La réorganisation portée à la connaissance de la salariée en congé maternité ne constitue pas une mesure préparatoire au licenciement

Par un arrêt du 10 février 2016[1], la Cour de Cassation revient sur la notion de mesure préparatoire au licenciement concernant les salariées en congé maternité. Retour sur le statut des femmes enceintes et sur l’origine de ces mesures.

Le statut protecteur de la femme enceinte

Impossible de traiter des mesures préparatoires au licenciement sans revenir sur le statut protecteur de la femme enceinte en droit interne et communautaire.

En effet, l’article 10 de la directive 92/85 du 12 octobre 1992 précise que les Etats membres de l’Union Européenne doivent prendre les mesures nécessaires pour interdire le licenciement du début de la grossesse jusqu’au terme du congé maternité.

Au terme de ce congé, en application de l’article 15 de la directive 2006/54 du Parlement Européen et du Conseil du 5 juillet 2006, les salariées ont le droit de retrouver leur emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne leur soient pas moins favorables.

Pour ce qui est du droit interne, l’article L 1225-4 du Code du Travail rappelle que cette protection vaut tant pendant la grossesse que durant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent le congé maternité.

Toutefois, l’employeur conserve la possibilité de rompre le contrat de travail dans deux cas bien précis :

  • La faute grave
  • L’impossibilité de maintenir le contrat (sous réserve que cette impossibilité résulte d’une cause étrangère à la grossesse de la salariée).

Il s’avère donc difficile pour l’employeur de rompre le contrat d’une femme enceinte sans encourir la nullité. De plus, le statut protecteur se voit élargi aux mesures dites « préparatoires » au licenciement par le biais desquelles l’employeur organiserait le licenciement durant la période de protection.

Les mesures préparatoires au licenciement nées d’un revirement de jurisprudence

En 2007, La Cour de Justice de l’Union Européenne déclarait qu’il était interdit de prendre des mesures préparatoires à un licenciement « telles que la recherche et la prévision d’un remplacement définitif de l’employée concernée » avant l’échéance de la période de protection[2].

En droit interne, c’est depuis une décision du 15 septembre 2010[3] que l’employeur a non seulement interdiction de licencier la femme enceinte mais également de préparer son licenciement. La Haute Juridiction précise dès lors que le licenciement préparé durant le congé maternité encourt la nullité.

Si la Cour adopte désormais une telle position, il n’en était pas de même il y a quelques années. En effet, dans un arrêt du 29 mai 1990[4], la possibilité d’engager une procédure de licenciement pendant le congé maternité était admise sous réserve que ce licenciement ne soit pas notifié ou ne prenne pas effet pendant la période de suspension du contrat.

Cette solution avait été confirmée quelques années plus tard, lorsque la Cour de Cassation précisait que l’entretien préalable pouvait être mené pendant le congé maternité[5].

Dans l’arrêt d’espèce, la salariée invoque une  mesure préparatoire à son licenciement et demande donc sa nullité. Dans les faits, l’employeur projetait une réorganisation de la société ainsi que le remplacement définitif de la salariée en question. Toutefois, l’existence d’une mesure préparatoire est ici écartée par la Cour qui retient que la réorganisation et le remplacement définitif avaient été portés à la connaissance de la requérante avant son départ en congé maternité. Par ailleurs, son licenciement était intervenu plusieurs mois après son retour de congé maternité et était justifié par son refus de plusieurs propositions de poste.

Il convient de rappeler que le critère permettant de reconnaître l’existence d’une mesure préparatoire au licenciement est l’intention manifestée de l’employeur. La rupture ne sera donc entachée de nullité que dans le cas où elle serait directement liée à la maternité de la salariée.

 

Alicia TERDJEMANE

[1] Cour de Cassation, chambre sociale, 10 février 2016, n°14-17.576

[2] CJCE, 11 octobre 2007, affaire 460/06

[3] Cour de Cassation, chambre sociale, 15 septembre 2010, n°08-43.229

[4] Cour de Cassation, chambre sociale, 29 mai 1990, n°88-45.500

[5] Cour de Cassation, chambre sociale, 11 mai 1993, n° 89-45.857

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