Travailler aux Etats-unis ou au Royaume-uni, un parcours du combattant?

La génération Y[1] a la bougeotte et les juristes n’échappent pas à cette tendance. Ils sont des milliers à exercer en tant que juristes hors de France, que ce soit en entreprise ou en cabinet.

En tant que juriste, exercer à l’étranger n’est toutefois pas toujours aisé. Le statut de juriste d’entreprise, tel que nous le connaissons en France, n’est pas toujours reconnu sinon compris à l’étranger. En effet, dans beaucoup de pays il faut être inscrit au Barreau pour exercer le droit, sous quelque capacité que ce soit. Cette exigence permet alors aux autorités d’encadrer et d’éventuellement sanctionner un exercice du droit illégal ou en violation des règles déontologiques. Le fait qu’en France, un juriste d’entreprise ne soit pas inscrit à un Ordre professionnel – soit qu’ancien avocat inscrit il ait dû demander à se faire omettre ou qu’il ne soit tout simplement jamais passé par le statut d’avocat – crée des difficultés de positionnement dans les pays, et notamment les juridictions de « common law », où les juristes d’entreprise sont eux-mêmes inscrits à un Ordre professionnel de juristes.

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A moi le rêve américain ?

Le cas du in-House counsel

Pour exercer le droit aux Etats-Unis, il faut une licence locale. Afin de favoriser la mobilité des juristes d’entreprise sur le territoire américain la plupart des Etats ont adopté un statut de juriste d’entreprise indépendant de celui d’avocat, lequel permet à un avocat inscrit dans un Etat américain donné d’exercer en entreprise dans un autre Etat que celui dans lequel il détient une licence d’exercice. Pour ceci, il s’engage à exercer exclusivement pour le compte de son entreprise dans son nouvel Etat afin d’obtenir une licence de « in-house lawyer » dans son Etat d’exercice. Jusqu’à février 2013, cette licence de juriste d’entreprise n’était pas accessible aux juristes étrangers non membres d’un barreau américain. Heureusement, en février 2013 l’American Bar Association a modifié sa Rule 5.5 afin de permettre à tout juriste étranger d’obtenir une licence de juriste d’entreprise étranger (« foreign in-house Lawyer« ) sans condition d’être membre d’un barreau américain ni même d’être titulaire d’une formation locale en droit américain du type L.L.M. Toutefois, afin de bénéficier de ce statut, le juriste étranger doit fournir, en soutien de sa demande de licence, un certificat de good standing attestant de son admission en tant que tel dans sa juridiction d’origine. Le juriste étranger doit également prouver qu’il est soumis à une « effective regulation ».

Une interprétation stricte de cette définition exclura donc le juriste français non membre d’un barreau, soit la totalité des juristes français exerçant ou souhaitant exercer en entreprise. En effet, vu du côté américain, dès lors que le juriste cesse d’être membre d’un barreau en tant que tel, il cesse d’être soumis à une réglementation (« effective regulation« ) et ne pourra faire l’objet, dans son exercice, de sanctions disciplinaires par un organe professionnel représentatif de la profession.

Il est à noter que d’importants travaux réalisés par l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) et notamment Stéphane Grynwajc, qui représente l’association à l’international, et plus particulièrement aux Etats-Unis et au Canada, sont en passe de faire évoluer cette définition. L’idée étant de permettre à un juriste étranger non membre d’un barreau étranger mais autorisé à exercer la profession de juriste en entreprise dans son pays d’origine de bénéficier de ce statut sur la foi de sa formation en droit, voire de son expérience en tant que juriste. Cette validation des acquis universitaires et professionnels pourrait prendre la forme d’une attestation de l’AFJE en lieu et place de celle du barreau, laquelle attestation viendrait certifier l’aptitude de ses membres d’exercer la profession de juriste d’entreprise en France.

Le cas des avocats français

Pour pouvoir plaider devant les tribunaux américains il est indispensable de détenir un LLM et d’avoir réussi l’examen du barreau de l’Etat dans lequel on souhaite exercer.

Pour les avocats inscrits dans un barreau français et qui souhaitent exercer le droit français, voire le droit américain sous certaines conditions, en tant qu’avocats sur le territoire américain, il est impératif d’obtenir une licence de « foreign legal consultant ». Pour obtenir ce sésame il faut attester de minimum 3 ans d’exercice effectif en tant qu’avocat français inscrit durant les 5 années précédant la demande.

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Un avocat dans La City

La grande majorité des français qui pensent à l’expatriation, visent en premier choix l’Angleterre. Sa proximité et le climat prospère des affaires de La City attirent chaque année de plus en plus de jeunes juristes.

Le Royaume-Unis étant un pays de Common law, les modalités d’exercice de la profession sont très similaires à celles des Etats-Unis. Les avocats français inscrits au barreau, voire omis, peuvent demander à bénéficier de la passerelle accélérée du QLTS (« Qualified Lawyers Transfer Scheme ») dans le but d’être admis à exercer en tant que solicitor. A l’inverse, le juriste français non avocat devra reprendre des études de droit en Angleterre d’une durée de 2 ans (GDL, soit « Graduate Diploma in Law » suivi du LPC, ou « Legal Practice Course ») puis effectuer les 2 ans de stage (« Training Contract ») avant de pouvoir accéder à la profession.

Autre alternative pour les avocats inscrits (non omis), la passerelle plus longue mais sans examen de l’avocat communautaire (« Registered European Lawyer« ) qui, à la suite d’une période d’exercice de 3 ans en tant que tel en Angleterre ou au Pays de Galles, permet à l’avocat d’être inscrit sur le Roll of Solicitors, le tableau des avocats.

Comme pour les Etats-Unis, Stéphane Grynwajc travaille au quotidien afin de permettre à l’AFJE de délivrer à ses membres des certificats d’aptitude à la profession de juriste d’entreprise en lieu et place de celle du barreau pour les besoins du QLTS.

Laura Lizé

Bibliographie :

 

[1] La génération Y regroupe les « jeunes » nés entre 1979 et 1999

[2] Rapport HI – Enquête auprès d’étudiants de grandes écoles (Institut Montaigne) – étude de 2013

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