Qu’est-il possible de déposer comme marque?

Le droit des marques confère à une entreprise, une association ou un particulier le monopole d’exploitation du signe pour les produits et services visés.

La marque constitue un signe distinctif permettant au consommateur de distinguer le produit ou le service d’une entreprise de ceux proposés par les concurrents. Elle peut être matérialisée, comme nous le verrons, de différentes manières. La marque constitue donc un repère pour le consommateur et éventuellement une « garantie » de la qualité du produit ou service pour lequel il optera en se basant dessus. Selon les pays, ce droit peut naître du simple usage du signe dans la vie des affaires (marque non déposée ou ™), ou du dépôt du signe à titre de marque auprès d’un organisme spécialisé (marque déposée ou ®). Chaque occidental est confronté en 2013 à 3 000 marques par jour[1].

 

Les caractères permettant de déterminer la validité ou non d’une marque s’apprécient lors du dépôt de celle-ci mais également (et surtout en pratique) dans le cadre d’une potentielle procédure judiciaire, la première vérification évoquée étant relativement sommaire[2].

Une marque déposée peut ainsi être contestée et annulée par un tribunal. Cette situation se rencontrera principalement dans le cadre d’un procès en contrefaçon : une société titulaire d’une marque déposée attaque en contrefaçon une autre société, qui se défend en arguant de la nullité de la marque opposée. En effet, si la marque est nulle, elle ne peut être contrefaite.

A titre d’exemple, la marque « N.G.V. » (Navire à grande vitesse), déposée en 1996 par une société de Ferries avait été utilisée par une société concurrente. Cette dernière avait nié la contrefaçon en invoquant la banalité du nom « N.G.V. » Elle plaida la nullité de la marque et l’absence de contrefaçon et obtint gain de cause. A l’inverse, lorsque France Telecom, propriétaire de la marque « Les pages jaunes » attaqua la marque « Les pages soleils » pour contrefaçon et que cette dernière se défendit en invoquant la banalité des termes, elle gagna et conserva sa marque.

La nullité de la marque est aujourd’hui devenue un argument de défense classique voire de contre-attaque et surprend les titulaires de marque qui pensent souvent qu’une marque déposée est incontestable. Tel n’est pas le cas en droit français.

Pour cela, il est devenu primordial pour tout entrepreneur, toute société, de bien connaitre les règlementations concernant la validité d’une marque afin de ne pas se retrouver en situation inconfortable une fois l’activité lancée ou au moment de faire valoir ses droit sur ce qui peut parfois représenter une grande partie de la valeur de la société.

Deux questions doivent se poser en ce qui concerne le choix de la marque : quels sont les signes susceptibles de constituer une marque d’une part, et les conditions de validité de cette marque d’autre part. Ce sont ces deux étapes qui guideront notre démonstration qui, espérons-le, vous permettra de mieux appréhender les  contraintes juridiques liées au choix de la marque.

Nous nous placerons ici sur le terrain du droit français : concernant la marque européenne, se référer à la section « Pour aller plus loin« .

Les explications seront accompagnées d’exemples concrets, s’appuyant sur des marques auxquelles nous avons à faire au quotidien, d’autres, plus exotiques.

 

I) Les signes susceptibles de constituer une marque

Le droit français est assez libéral concernant les signes susceptibles de constituer une marque. Ainsi, tout signe distinctif et disponible, dès lors qu’il est susceptible de représentation graphique pourra être déposé comme marque.

Toutefois, le projet de réforme du droit des marques ou « Paquet Marques » a été définitivement adopté par le Parlement Européen le 15 décembre dernier en session plénière.

Ce « Paquet Marques » a pour objectif d’harmoniser et de moderniser le droit des marques au sein de l’Union Européenne, et comporte à ce titre la refonte de la Directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 visant à rapprocher les législations des États membres en matière de marque ainsi que la révision du Règlement (CE) No 40/94 du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire. La France devra donc s’adapter à cette règlementation européenne qui prévoit notamment la suppression de l’exigence de “représentation graphique”. Cela permettra ainsi d’enregistrer des signes qui ne peuvent pas être vus (tels que les odeurs, les sons etc.), dans la mesure où ceux-ci peuvent être représentés de manière claire et précise[3].

L’article  L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale ».

 

Il en donne également une énumération non limitative, exposant trois catégories que nous étudierons plus spécifiquement :

 

–       les dénominations sous toutes les formes telles que les mots, assemblages de mots, noms patronymiques et géographiques, pseudonymes, lettres, chiffres, sigles ;

–       les signes sonores tels que les sons, les phrases musicales ;

–       les signes figuratifs tels que les dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; et les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs ».

 

A) Les dénominations 

Tous les mots peuvent constituer une marque.

Il peut tout d’abord s’agir de mots préexistants, à condition toutefois qu’ils ne soient ni nécessaires, ni usuels, ni descriptifs du produit ou service désigné. Ainsi, « Petit Bateau » est accepté pour des sous-vêtements, tout comme « Elle » pour des journaux.

Il peut également s’agir de néologismes : par exemple « Restauroute » ou encore « Speedo ». Il peut enfin s’agir de termes fantaisistes, comme « Kookaï » ou « Bonux ».

De très nombreuses règlementations particulières viennent s’appliquer ensuite en fonction du caractère spécifique de la dénomination. Afin de ne pas être redondant, nous n’envisagerons ici que deux exemples : pour les autres cas spécifiques, nous vous invitons à vous référer à la section « pour aller plus loin ».

Le premier exemple est celui du nom célèbre. Une personne peut céder ou concéder à une autre le droit d’utiliser son nom dans le domaine commercial. Ces accords, qui interviennent le plus souvent entre des vedettes du spectacle ou du sport et des entreprises qui souhaitent utiliser ce nom comme signe distinctif, sont licites. Ainsi un champion de ski peut autoriser le dépôt de son nom comme marque de skis, de fixations ou de chaussures de ski, tout comme un champion de tennis pour des marques de raquettes ou de balles, etc.

Nous pouvons citer comme exemple la « Jordan Brand » (la marque Jordan) créée en 1988, en partenariat avec Nike. Le Swoosh (célèbre virgule), qui est le logo de la firme, n’apparait plus sur les produits de la marque Jordan à partir de la Air Jordan VII (1992), seul le Jumpman y figure. Cette marque constitue le prolongement de la très fructueuse association entre les deux partenaires depuis 1984.

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Autre exemple de cas particulier de dénomination utilisée comme marque : un slogan publicitaire, s’il est distinctif, peut constituer une marque. Ainsi, la marque « Allez les bleus » a pu être déposée[4].

 

B) Les marques sonores 

L’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que  «  les signes sonores tels que des sons ou des phrases musicales (comme un indicatif d’émission de radio) peuvent constituer des marques », ce qui a été confirmé par la Cour de justice des Communautés européennes[5] .Il existe toutefois une réserve : qu’ils soient susceptibles de représentation graphique (par exemple, par des notes sur une portée musicale), nécessité toutefois tempérée depuis l’entrée en vigueur de la réforme du « paquet marque »[6].

Exemple de représentation graphique de la marque du « Cri de Tarzan » ayant permis son dépôt :

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C)  Les marques figuratives 

Divers signes figuratifs peuvent être déposés comme marque : dessins, formes, couleurs, de même que des hologrammes ou encore des images de synthèse[7]. Nous étudierons des exemples pour les trois premières  possibilités, les plus rencontrées au quotidien afin de se rendre compte de la pratique qui en est faite.

 

  1. Les dessins 

De simples dessins constituent de nombreuses marques. La simple représentation de ceux-ci, même sans le nom de la marque évoque immédiatement la marque pour le consommateur.

Les 3 bandes d’Adidas :

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Le crocodile de Lacoste :

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Les deux « C » entrecroisés de Chanel :

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  1. Les formes

La forme de son produit ou de son conditionnement, tout comme une forme caractérisant un service, peut être admise comme marque, à condition toutefois que cette forme ne soit pas imposée par la nature ou la fonction du produit ou service. Ces marques sont appelées marques tridimensionnelles. Ainsi, la forme de la bouteille de Coca Cola est déposée en tant que marque :

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Ces formes ne constituent cependant une marque valable qu’à la condition de présenter un caractère distinctif.

Ce n’est pas le cas de la forme de l’écusson symbole du FC Barcelone, que le club souhaitait faire enregistrer auprès de l’OHMI en tant que marque communautaire. La chambre des recours de l’OHMI puis le tribunal de l’Union européenne, ont considéré que cette forme ne revêtait aucun caractère distinctif, même acquis par l’usage[8]. Ceci peut donc expliquer la ressemblance entre l’écusson du FC Barcelone et celui du club de Marseille-Consolat :

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  1. Les couleurs

Une couleur primaire ne peut pas en tant que telle être déposée à titre de marque. Toutefois, l’article  L. 711-1 c) du code de la propriété intellectuelle dispose in fine, qu’est valable le dépôt de « dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs » (ex. le jaune de « Kodak », le rectangle rouge et bleu de « Cinzano »)[9].  

Le jaune de Kodak est ainsi une marque déposée :

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La nuance doit toutefois être clairement identifiée. Ainsi, « si une nuance de couleur peut constituer une marque, c’est à la condition que le dépôt renseigne la teinte précise et particulière de la couleur de façon à la distinguer d’autres nuances proches » (refus d’une marque « bleu pâle »)[10].

D’un point de vue pratique, l’identification de la nuance se fait à l’aide d’une spectographie permettant de mesurer la longueur d’onde de la nuance ou d’un code d’identification internationalement reconnu, par exemple le code Pantone. Il a ainsi pu être admis que le « bleu Décathlon » est une marque valable[11].

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Une couleur, sans précision particulière sur la nuance, peut toutefois être choisie dès lors qu’elle est associée à d’autres éléments dans une marque complexe[12].

 

II) Les conditions de validité d’une marque

Dans la continuité de la méthode adoptée depuis le début de l’article, nous étudierons les conditions de validité d’une marque toujours avec, comme fil conducteur, des exemples concrets.

 

A) La condition centrale de distinctivité

Il s’agit là de la condition centrale en ce qu’elle tire son essence de la fonction même de la marque, à savoir la possibilité d’être perçue par le public en tant que telle.

Dans une affaire, les juges avaient relevé que « le signe en cause ne sera pas perçu d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits et ne permettra pas au consommateur de l’associer à des produits particuliers, de sorte que le signe n’est pas à même de remplir la fonction essentielle de la marque »[13].  Il en ressort que la fonction de la marque est de permettre au consommateur d’associer les produits et services au signe afin de s’en servir comme repère au moment du choix de ceux-ci au millieur de l’offre qui se présente à lui.

Ainsi, pour qu’une marque puisse remplir sa fonction, il faut que le signe puisse être perçu par le public visé comme jouant le rôle d’une marque. L’INPI et l’OHMI ont d’ailleurs fait savoir qu’ils refuseraient toutes demandes d’enregistrement de marques incorporant le slogan « Je suis Charlie »[14], faute de distinctivité. Les deux offices ont ainsi voulu signifier que ce slogan évoquera, immanquablement et durablement pour l’ensemble de la population, la défense de la liberté d’expression et qu’il est de ce fait devenu inapte à remplir une fonction d’indication de l’origine des produits ou des services, et ce quel que soit le public visé par la marque demandée.

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L’appréciation de cette distinctivité relève du pouvoir souverain des juges du fonds. Malgré une subjectivité inhérente à ce type de raisonnement, certains principes semblent rester constants.

Afin de mieux apprécier ce critère, le Code de la propriété intellectuelle (art. L.711-2) énumère trois sortes de signes qui, du fait de leur nature, doivent être considérés comme dépourvus de caractère distinctif :

« Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service.

Ainsi, ne peut constituer une marque la simple dénomination reprenant la désignation d’un art martial, le « Kempo Kai« [15].

Les signes ou dénominations pouvant servir à designer une caractéristique du produit ou service, notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation du service. La Cour de cassation a ainsi pu casser un arrêt d’appel qui avait reconnu la validité de la marque « Silhouette » pour des produits diététiques[16]; retenant que les produits visés étaient des substances liées à l’amaigrissement, ce dont il se déduisait que le signe pouvait servir à désigner une caractéristique de ces produits, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit conférant à ce dernier sa valeur substantielle ». De ce fait, a été annulée pour défaut de caractère distinctif la marque « Ticket-Restaurant » pour des titres de restauration[17] ou encore « Marathon » pour des articles de sport[18].

Précisions, à destination de ceux qui voudraient utiliser un terme étranger comme marque : les mots en langue étrangère ne peuvent être considérés comme distinctifs que si leur signification n’est pas comprise par une grande partie du public. Par exemple, a été jugée non distinctive l’expression « Paris Sport Motor Show », compréhensible pour le public français[19], concernant un spectacle de voitures.

L’alinéa premier de l’article L. 711-2 énonce que le caractère distinctif (…) s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés lors de la demande d’enregistrement. Le caractère sera apprécié, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent : ce public pertinent est composé de consommateurs (dont l’attention est moyenne) ou de professionnels (dont l’attention est plus soutenue). C’est le type de produits ou de services visé dans l’acte d’enregistrement (ou la demande d’enregistrement) qui permettra de déterminer à quel public la marque s’adresse et donc quel sera le public de référence.

Pour finir sur cette condition, évoquons le cas particulier de la distinctivité acquise par l’usage. Le dernier alinéa de l’article L. 711-2 prévoit que le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au point c) relatif à la forme, être acquis par l’usage. Cette disposition découle de l’article 6 quinquies C1 de la Convention d’Union de Paris et invite le juge à tenir compte, afin d’apprécier la validité de la marque, d’éléments de fait concernant la forme et la durée de l’usage. Le juge peut ainsi valider une marque qui certes, au jour du dépôt, était insuffisamment distinctive, dès lors qu’elle a fait l’objet d’un usage continu à titre de marque. Nous nous contenterons ici d’un exemple connu de tous : le cas de la marque « La maison du café« [20].

 

B) Le caractère licite

L’article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que ne peuvent être adoptées comme marques ni même comme éléments de marque les signes jugés contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, certains signes illicites ainsi que les marques trompeuses.

 

  1. La marque contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs 

L’ordre public et les bonnes mœurs sont des notions très larges : elles englobent les règles de vie en société qui s’imposent aux individus avec une force particulière[21]. A ainsi pu être considérée comme contraire à cet ordre public et annulée la marque semi-figurative « Puta Madre »[22].

 

  1. La marque interdite

Une série de textes spéciaux vient interdire, pour des raisons diverses, l’usage de certains signes à titre de marques. Ainsi, l’article 6ter de la Convention d’union de Paris exclut l’emploi d’armoiries, drapeaux et autres emblèmes d’États ainsi que des signes et poinçons officiels. Il a toutefois été jugé que le fait de reprendre les couleurs du drapeau français est licite ainsi, la Cour d’appel de Paris a pu considérer qu’un drapeau tricolore frappé d’étoiles pouvait être utilisé comme  marque complexe par le Yacht-club de France[23].

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  1. La marque trompeuse 

Sont prohibés les signes déceptifs, à savoir les signes « de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service ».

Les tribunaux sanctionnent donc les marques qui seraient de nature à faire croire à une origine officielle du produit ou du service. Par exemple, si l’emploi du mot « France » n’est pas prohibé de façon absolue, il l’est lorsque la marque en question est susceptible de laisser croire au public qu’elle émane d’un service officiel ou d’un service contrôlé ou habilité par les autorités publiques ou administratives compte tenu de l’ensemble nominal ou figuratif auquel s’intègre le mot « France » et des produits ou des services désignés par la marque[24].

Par opposé, la marque « ESF » (Ecole du Ski Français) doit être perçue comme une méthode d’enseignement du ski propre à la France, développée dans les années 30 en opposition à la méthode autrichienne, et non pas comme impliquant que l’enseignement est rendu par l’État et sous son contrôle.

 

C) La disponibilité de la marque

À travers la condition de disponibilité, il est exigé que la marque ne porte pas atteinte à des droits antérieurs.

Deux principes doivent être appliqués afin d’opérer la recherche d’antériorité en matière de marque: le principe de territorialité et le principe de spécialité.

Seules les marques antérieures produisant leurs effets sur le même territoire que la marque que l’on souhaite d’enregistrer devront être prises en compte en vertu du principe de territorialité. Ainsi, une entreprise souhaitant obtenir une marque française n’aura à se préoccuper que des marques antérieures françaises et des marques antérieures communautaires (celles-ci produisant leurs effets sur le territoire de l’Union européenne dont le territoire français[25]). A l’inverse nul besoin, dans cette hypothèse, de s’intéresser aux marques allemandes, américaines… Si l’entreprise est plus ambitieuse et entend obtenir une marque communautaire, il lui faudra toutefois vérifier que, ni une marque communautaire, ni une marque nationale d’un État membre de l’Union européenne ne s’y oppose[26].

Une fois le territoire délimité, il faudra identifier les marques antérieures pertinentes. Ainsi un signe ne sera considéré comme indisponible que s’il est déjà réservé dans le secteur économique que l’on souhaite investir avec la nouvelle marque. A l’inverse, réservé uniquement pour d’autres activités, il reste disponible : il s’agit du principe de spécialité. Aucun risque de confusion ne peut en effet exister, dans l’esprit des consommateurs, entre des produits de nature tout à fait différente, même si une exception existe concernant les marques notoires et de renommée que nous évoquerons plus bas.

Illustrons cela par un exemple : la marque « Mont-Blanc » pour les stylos peut tout à fait exister et être valide alors même qu’existe à ses côtés une marque « Mont-Blanc » destinée à des crèmes glacées.

 

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La disponibilité de la marque s’apprécie au regard des signes mais aussi des produits et services auxquels ils vont s’appliquer. Rien ne s’oppose ainsi à ce que deux marques identiques coexistent, à partir du moment où elles portent sur des objets différents pour lesquels il n’y a pas de risque de confusion : c’est ce que l’on appelle la « règle de la spécialité ».

Attention : il existe toutefois une exception à ce principe de spécialité : il s’agit de la marque notoire qui pourra constituer une antériorité susceptible d’invalider une marque et ce même si les produits et services concernés sont différents.

Les concepts de marque « notoire » ou « renommée » font référence à des marques qui, suite à l’usage intensif et parfois ancien qui en est effectué par leurs titulaires, jouissent d’un degré de connaissance élevé auprès du public et, partant, bénéficient d’une protection élargie. En droit des marques, ces deux notions font l’objet d’un régime spécifique.

Ainsi, la marque « notoire », telle que définie à l’article 6 bis de la Convention de Paris, s’entend d’une marque qui peut jouir d’une protection quand bien même elle ne fait pas l’objet d’un enregistrement, et ce par dérogation au principe général selon lequel le droit de marque s’acquière par un dépôt.

Par ailleurs, la marque « renommée », telle que définie par exemple dans le Règlement sur la marque communautaire, s’entend d’une marque dont le champ de protection s’étend au-delà du principe de spécialité (selon lequel une marque n’est protégée que pour des produits et services identiques ou similaires), dans l’hypothèse d’une atteinte telle que le dénigrement ou la dilution de son caractère distinctif.

 

  • Le cas particulier des droits de la personnalité

L’article L. 711-4, g) du code de la propriété intellectuelle précise qu’un signe portant atteinte au droit de la personnalité d’un tiers (nom patronymique, pseudonyme, droit à l’image) ne peut être adopté. L’utilisation comme marque d’un terme qui se trouve être, par ailleurs, le nom patronymique ou le pseudonyme d’une personne (qu’il s’agisse du nom du déposant ou celui d’un tiers) est, en principe, possible. L’atteinte qui rend la reprise illicite doit donc être établie positivement.

Il ressort toutefois de la jurisprudence que l’atteinte ne peut être retenue que si le nom est rare ou célèbre et que la marque le reproduit à l’identique, ce qui tend à établir un risque de confusion. Un exemple illustre ce principe, il s’agit de l’affaire Ducasse. Selon cet arrêt, l’usage du nom par le tiers est limité à ce qui a été expressément autorisé par le titulaire du nom, à savoir un usage à titre de dénomination sociale, et qu’il ne peut s’étendre à d’autres utilisations commerciales telles que le dépôt du nom comme marque[27].

 

  • Attention aux droits des créateurs !

Les créateurs, titulaires de droits d’auteur (e) comme ceux titulaires de droits sur un dessin ou un modèle (f), peuvent s’opposer à la constitution et à l’exploitation d’une marque reproduisant leur création.

Les droits d’auteur sont reconnus aux créateurs d’une œuvre originale : en pratique, il s’agira des dessins utilisés comme logo, mais également les titres des romans, des films, des chansons qui alimentent le contentieux sur le sujet. L’article L.112-4 du code de la propriété intellectuelle précise que le titre d’une œuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’œuvre elle-même.

De ce fait, le titre d’une chanson composée par Charles Aznavour, « Retiens la nuit », n’a pu être adopté comme marque de parfum[28].

Les droits accordés en application des L.511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle concernant les dessins et modèles permettent également aux titulaires de s’opposer à une reprise de leur création afin de constituer une marque.

Voici donc dans les grandes lignes les critères prendre en compte avant le dépôt de notre marque : évidemment, il existe des conditions plus spécifiques à mesure que le signe faisant objet du dépôt est particulier, et des spécificités apparaissant également en manière de marque européenne. La question de la procédure de dépôt a également été évitée ici afin de ne pas alourdir l’article.

Toutefois, vous retrouverez toutes les informations concernant ces sujets en vous référant à la section « Pour aller plus loin »

 

Roman Kaczynski

 

Pour aller plus loin:

Concernant la marque européenne : Réforme du droit des marques : quels changements avec le « Paquet marque »? – Marie Auger – Le Petit Juriste Nr 34

Concernant la procédure de dépôt d’une marque : https://www.inpi.fr/fr/proteger-vos-creations/proteger-votre-marque/les-etapes-cles-du-depot-de-marque

Droit de la propriété industrielle : Tome 1, Marques et autres signes distinctifs, Dessins et modèlesJérôme Passa

 

 

[1] (David Dauba, émission À vos marques sur BFM Business Radio, 8 décembre 2013, 26 min 5 s)

[2] l’INPI en France ne contrôle que la licéité du signe choisi, controle qui n’est en outre pas systématique

[3] Sieckmann contre DPMA, Case C-273/00, 12 décembre 2002

[4] http://www.sofoot.com/allez-les-bleus-slogan-de-la-discorde-205432.html

[5]  CJCE, 27 nov. 2003, aff. C-283/01,  Shield Mark

[6] Voir l’article concernant la réforme en question

[7] Art. L.711-1 du code de la propriété intellectuelle

[8]  TUE, 10 déc. 2015, aff. T-615/14,  Fútbol Club Barcelona c/ OHMI (Représentation du contour d’un écusson)) (v. n°  98).

[9] CJCE, 6 mai 2003, aff. C-104/01,  Libertel

[10] CA Paris, 4 févr. 1988 : PIBD 1988, n° 432, III, 190

[11] Cass. com., 10 mai 2006, n° 05-16.745

[12] Cass. com., 22 févr. 2000, n° 98-11.152

[13] TPICE, 30 septembre 2008

[14] INPI, Communiqué de presse, 13 janv. 2015 ; OHMI, Communiqué de presse, 16 janv. 2015

[15] CA Pau, 21 octobre 2010, no 09/00030

[16] Cass. com., 12 juillet 2005, n° 04-12146 : S. Durrande, D. 2006, p. 2319

[17] CA Paris, 14 juin 1970

[18] TGI Paris, 3e ch., 24 janvier 1986

[19] CA Paris, 16 mais 1977

[20] Cass. com., 15 décembre 1998, n° 96-20653

[21] G. Cornu (sous la dir. de), Vocabulaire juridique

[22] Cass.com., 29 mars 2011

[23] CA Paris, 4e ch., sect A, 11 février 1998, n° 9610443)

[24] CA Paris, 4e ch., sect. A, 15 mars 1988, n° 87-015661

[25] Article premier du Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire).

[26] (art. 8 du Règlt n° 207/2009).

[27] Cass.com, 6 mai 2003, n°00-18192

[28] TGI Paris, 22 février 1990 : PIBD 1990, n° 484, III, 525

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