La place des fédérations dans le mouvement sportif

Les fédérations sportives sont constituées, conformément à l’article L. 131-2 du Code du sport, sous forme d’associations. Elles ont pour objet l’organisation de la pratique d’une ou plusieurs disciplines sportives[1] et regroupent les associations sportives par la procédure d’affiliation ; ce sont donc des associations d’associations.

Logiquement, c’est le droit privé et plus précisément le régime juridique de la loi 1901 qui devrait, seul, s’appliquer aux fédérations sportives. Mais le système sportif français est particulier car il s’amorce avec l’initiative privée et réceptionné par la suite par l’État dans la mesure où la libre appréciation reconnue aux fédérations sportives se fait sous réserve de respecter l’ordre public étatique. Cela se manifeste par l’intervention systématique de l’État en matière sportive et crée ainsi un droit spécial du sport dont la manifestation tangible est le Code du sport. Ce système à double conformité (il faut se conformer aux règles sportives et au droit spécial du sport) se justifie par l’histoire. Le régime juridique des fédérations est par conséquent plus complet que celui des associations ordinaires, l’État vérifie à titre d’exemple le fonctionnement des fédérations sportives.

La genèse de l’intervention de l’État dans le domaine sportif

La « charte des sports », édictée le 20 décembre 1940 par le gouvernement de Vichy, a amorcé l’intervention de l’État dans le domaine sportif. En effet, elle avait instauré « un régime de liberté contrôlée » pour la constitution de tout groupement sportif ; en effet, toute association sportive devait obtenir obligatoirement l’agrément administratif préalable délivré par la Direction des Sports du CGEGS (Commissariat général à l’éducation générale et sportive)[2]. Ce système fut abrogé par l’ordonnance du 2 octobre 1943 pris à Alger, portant statut provisoire des Groupements Sportifs, qui rétablit le régime de liberté de constitution des groupements sportifs. Néanmoins, la même ordonnance subordonne, dans son article 6, l’octroi des aides publiques à la nécessité d’un agrément ministériel préalable[3]. La loi « Mazeaud »[4] va abroger les ordonnances de 1943 et 1945 mais maintient tout de même la distinction[5] entre fédérations multisports ou affinitaires, simplement agréées[6] et fédérations unisports qui étaient délégataires. C’est la loi du 16 juillet 1984  dite « loi AVICE »[7] qui va abroger la loi Mazeaud. Cette loi, toujours en vigueur aujourd’hui, pose une distinction claire[8] entre les fédérations sportives.

Les deux catégories de fédérations sportives[9]

Les fédérations sportives internationales ne reconnaissent qu’une seule fédération nationale au sein d’un même pays ; par exemple, la FIFA ne reconnaît que la fédération française de football en France. Cette précision est importante car nous verrons par la suite qu’elle explique en partie la distinction faite entre fédérations agréées et délégataires.

 Les fédérations sportives agréées

Les fédérations sportives agréées sont celles qui sont titulaires d’une agrément administratif. Nous verrons alors l’acception de l’agrément administratif, l’autorité compétent pour délivrer un tel acte et les conditions pour l’obtenir. L’agrément administrative peut se définir comme le consentement donné par une autorité publique à une personne privée afin d’accomplir sous surveillance certaines activités. L’alinéa premier de l’article L131-8 du Code du sport énonce « qu’un agrément peut être délivré par le ministre chargé des sports aux fédérations qui, en vue de participer à l’exécution d’une mission de service public, ont adopté des statuts comportant certaines dispositions obligatoires et un règlement disciplinaire conforme à un règlement type ». L’agrément permet donc de participer à l’exécution d’une mission de service public. C’est à dire promouvoir, développer et assurer la promotion de l’éducation par les activités physiques et sportives. Le même article, dans son deuxième alinéa, nous donne les conditions requises pour obtenir l’agrément, il faut adopter les « dispositions obligatoires des statuts et le règlement disciplinaire type définis par décret en Conseil d’État pris après avis du Comité national olympique et sportif français ». Par dispositions obligatoires, il faut comprendre un fonctionnement démocratique et une certaine transparence de la fédération. Il faut en l’espèce adopter un règlement disciplinaire particulier en matière de lutte contre le dopage et l’association doit exister depuis au moins trois ans.

Pour rappel, l’agrément relève d’une compétence discrétionnaire du ministre chargé des sports qui n’est d’ailleurs pas tenu d’accorder l’agrément même si les conditions sont remplies. Mais dès lors qu’il décide de l’accorder, cela emporte des avantages et des inconvénients pour l’association. Pour ce qui est des inconvénients, elle est tenue d’adopter certaines dispositions obligatoires dans ses statuts et doit en outre adopter des règlements types. Elle aliène une partie de sa liberté d’association ; c’est en fait un moyen pour l’Etat de vérifier le fonctionnement des associations. Le principal avantage de ce système est lié aux aides de l’État auxquelles la fédération agréée peut prétendre. L’agrément conditionne en effet l’obtention d’aides étatiques, qu’il s’agisse des moyens financiers ou humains. C’est également la première étape indispensable à l’octroi d’une délégation (seules les fédérations agréées peuvent demander l’obtention de la délégation).

Les fédérations sportives délégataires

Comme nous avons déjà pu l’indiquer, l’agrément est la condition sans laquelle on ne peut obtenir la délégation. L’article L131-14 du Code du sport énonce que « dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports ». Le ministre chargé des Sports accorde donc, pour une durée de quatre ans, la délégation à une seule fédération dans une discipline donnée. Les fédérations délégataires ont pour principales missions[10], d’organiser les compétitions sportives à l’issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux et procéder aux sélections correspondantes. Elles sont par conséquence en charge d’une mission de service public, l’organisation des compétitions sportives. La nature administrative du monopole fédéral a été reconnue par l’arrêt du Conseil d’État du 22 novembre 1974, « Fédération française des industries d’articles de sport »[11]. Pour le juge administratif, l’organisation des compétitions par les fédérations sportives constitue « l’exécution d’un service public administratif ».

Le monopole que confère la délégation a pour objet exclusif l’organisation des compétitions sportives et c’est précisément par cet objet que la délégation se distingue de l’agrément. Cette délégation confère à ces fédérations le pouvoir de définir les modalités d’organisation des compétitions sportives dont elles ont la charge. Elles disposent ainsi d’un monopole de droit de réglementation[12], elles imposent leur volonté aux autres groupements ainsi qu’aux adhérents. Certains auteurs, dont notamment le Professeur Gérald Simon, parlent de suprématie car elle détienne un droit exclusif.

Pour exercer leurs missions sur l’ensemble du territoire, les fédérations sportives délégataires peuvent confier à des comités régionaux ou ligues régionales une partie de leurs attributions. Elles peuvent également créer une ligue professionnelle pour gérer le sport professionnel[13]. La ligue professionnelle est une sorte de filiale de la fédération délégataire, elle reçoit une subdélégation[14] qui lui permet de régir l’accès des clubs professionnels aux compétitions. En même temps que la fédération délégataire créée une ligue professionnelle, elle doit aussi créer un organisme contrôlant si, juridiquement et financièrement, les groupements sportifs qui prennent part aux compétitions remplissent les conditions fixées par les règlements fédéraux[15]. Ces organismes prennent le nom de DNCG pour le football, DNACG pour le rugby, CNACG pour le handball… ils ont pour but d’assurer la pérennité des groupements sportifs, de favoriser le respect de l’équité sportive et de contribuer à la régulation économique des compétitions.

En définitive, la délégation[16] donne un monopole de droit d’organisation des compétitions sportives sur l’ensemble du territoire. Il faut ajouter à ce monopole de droit, le monopole de fait du système fédéral qui se manifeste par le pouvoir fédéral.

Paul MESSI

Pour aller plus loin :

[1] Code du sport, art. L. 131-1

[2] http://www.irsv.org/index.php?option=com_content&view=article&id=139%3Asport-et-regime-autoritaire-le-cas-du-gouvernement-de-vichy-1940-1944&catid=64%3Anumero-6-sport-et-totalitarisme&Itemid=1&lang=fr

[3] Gérald SIMON, thèse « puissance sportive fédéral et ordre juridique étatique », p. 233

[4] Loi n° 75-988 du 29 octobre 1975

[5] Cette distinction était fondée sur la nature des fédérations sportives

[6] Colin Miège, Les instituions sportives, que sais-je, 2ème édiction, p. 40

[7] Loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et promotion des activités physiques et sportives

[8] Cette distinction se fonde, désormais, non plus sur la nature mais sur l’objet des fédérations sportives

[9] Pour rappel, les fédérations sportives sont placées sous la tutelle du ministre chargé des sports, à l’exception des fédérations et unions sportives scolaires et universitaires qui sont placées sous la tutelle du ministre chargé de l’Education nationale.

[10] C. sport, art. L. 131-15

[11] Cette décision affirme l’idée selon laquelle les fédérations sportives exercent une mission de service public administratif par délégation et disposent à cette fin de prérogatives de puissances publiques (c’est-à-dire un pouvoir exorbitant du droit commun pour satisfaire sa mission de service public) ; les actes pris dans le cadre de cette mission sont des actes administratifs unilatéraux. En cas de contentieux, c’est le droit administratif qui s’appliquera

[12] C. sport, art. L. 131-16 et R. 131-32

[13] C. sport, art. L. 132-1

[14] Par principe, une personne morale recevant délégation ne peut pas subdéléguer sauf texte exprès. En l’espèce, il n’y a pas de dispositions à ce propos mais certains auteurs dont le Professeur Gérald SIMON considère que la subdélégation de la fédération délégataire vers la ligue professionnelle est implicite dans les textes

[15] C. sport, art. L. 132-2

[16] Pour rappel, le retrait de la délégation est de droit en cas de retrait de l’agrément ; elle peut aussi être retirée en cas de non-respect des dispositions prévues par les statuts types ou en « cas de manquement grave aux règlements internationaux ou règlements techniques » (article 2 du décret n°85-238 du 13 février 1985 fixant les conditions d’attributions et de retrait de la délégation prévue à l’article 17 de la loi n°84-610 du 16 juillet 1984)

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