Loi Bertrand et loi anti-cadeaux : les dessous de la transparence

 

La loi Bertrand[1] a été créée dans le but de renforcer la sécurité sanitaire des médicaments et des produits de santé. Intervenue dans un climat tendu suite au scandale de l’affaire du Médiator, cette loi emprunte au Sunshine Act américain[2] un dispositif juridique innovant pour la France : le renforcement de la sécurité sanitaire via la prévention des conflits d’intérêts entre industriels et professionnels de santé.

Origines de la loi Bertrand

L’affaire du Médiator largement médiatisée, les pouvoirs publics ont entrepris d’endiguer les failles juridiques en matière sanitaire en garantissant une transparence financière des liens existants entre les industriels commercialisant des produits de santé et les professionnels de santé. Au-delà de l’aspect financier, cette loi a vocation à certifier, au sein de la relation médecin/patient, d’une « impartialité médicale[3] » totale de l’ensemble des professionnels de santé, y compris celle des étudiants se destinant aux professions médicales[4].

Une réglementation stricte vs une mise en application délicate

Sorti le 21 mai 2013, le décret d’application relatif à la transparence des avantages accordés par les entreprises produisant ou commercialisant des produits à finalité sanitaire, prévoit que chaque « avantage » d’un montant égal ou supérieur à 10 euros octroyé par les entreprises pharmaceutiques à un professionnel de santé, doit être déclaré sur le site du ministère de la santé. Si tel n’est pas le cas, la sanction est immédiate : 45 000 € d’amende pour chaque entreprise omettant sciemment la transparence des conventions de financement[5].

Or, la réalité industrielle est beaucoup moins tranchée que la réalité juridique. La communication juridique de la loi aux salariés des entreprises reste ardue et le succès de la mise en place des procédures internes a été surestimé (ex : le délai de 2 mois pour la transmission des conventions de financements au Conseil national de l’Ordre des Médecins est difficilement atteignable).

De même, la loi reste incomplète pour que les entreprises mettent en place des outils efficaces de sécurité sanitaire. Un exemple concret en la matière est celui de la transparence quant à la responsabilité des visiteurs médicaux. De nos jours, certains médecins n’hésitent pas à demander des informations sur l’utilisation de matériel médical aux visiteurs médicaux, au sein même de leur bloc opératoire… En principe, la responsabilité liée à l’acte médical pèse sur le seul médecin ayant réalisé l’acte[6] et la responsabilité du commercial ne saurait être engagée sauf exercice illégal de la médecine[7]. En pratique, seuls des aménagements contractuels (ex : clause de responsabilité au sein du contrat de travail) ou des recommandations de « best practices » (ex : mettre en garde tout salarié de participer à l’acte médical) permettent à ce jour de répondre aux interrogations des entreprises quant à la responsabilité de leurs salariés.

Laurène Lecade

[1]Loi n°2011-2012 du 29 décembre 2011.

[2]Aux États-Unis, le Sunshine Act contraint l’État fédéral à communiquer les documents officiels sur lesquels ils s’appuyaient pour prendre leurs actes gouvernementaux.

[3]« L’impartialité médicale » est le fait qu’aucun médecin ne puisse avoir des intérêts à prescrire un médicament préférentiel.

[4]Art. L4113-6 al.1 du Code de la santé publique.

[5]Art. L1454-3 du Code de la santé publique.

[6]Art. L1142-1 du Code de la santé publique.

[7]Art. L4161-1 du Code de la santé publique.

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