Les campagnes publicitaires de plusieurs entreprises de génotypage « grand public » promettent aux consommateurs une véritable introspection génétique qui livrera les secrets de leurs origines et de leur futur. Un double voyage « initiatique » dans le temps où la plus grande vigilance s’impose quant à l’utilisation et la dissémination du patrimoine génétique humain.
L’utilisation des données génétiques à des fins généalogiques
L’établissement de la séquence complète de l’ADN du génome humain, a été le terreau favorable à l’éclosion d’une généalogie (science de la filiation) conduite au niveau moléculaire et souvent qualifiée, improprement, de généalogie « génétique ». L’engouement que ces techniques a déclenché tient au fait qu’elles permettent d’identifier des parents éloignés qui partagent des particularités génétiques communes. Mais à quel prix ?
L’analyse des génomes, effectuée par les entreprises de génotypage, est réalisée à partir d’un échantillon de salive collecté sur un écouvillon et à partir duquel un profil de marqueurs de l’ADN des cellules buccales (qui est identique à celui de toutes les autres cellules somatiques humaines) est établi et comparé à celui d’une base de référence. L’ADN collecté par les entreprises, est stocké et utilisé selon leur bon vouloir, comme on peut le deviner à la lecture de leurs conditions générales d’utilisation (CGU) auxquelles le consommateur doit consentir.
Compte tenu de la manne financière extraordinaire que constituent les bases de données génétiques, il est illusoire de penser et trompeur de faire croire, que l’utilisation des données génétiques à des fins généalogiques est « anodine » et sera strictement réservée à cette activité ludique.
Les données et les informations génétiques qu’elles peuvent livrer
L’identification des marqueurs d’un individu n’est pas informative en elle-même. Les paramètres obtenus lors des analyses qualitatives et quantitatives du matériel génomique sont des données génétiques. Ce n’est que lorsque ces données sont interprétées que l’on peut en tirer des informations génétiques [1]. Les données génétiques d’un individu ne changent pas avec le temps, alors que les informations génétiques qu’elles peuvent livrer dépendent étroitement des progrès technologiques.
On assiste depuis quelques années à l’utilisation interchangeable des notions de données et d’information génétiques. Condamnable sur un plan purement sémantique, le glissement est d’autant plus déplorable qu’il dénature la qualification juridique des données et de l’information génétique, dont la pertinence et la rigueur sont essentielles à la protection adéquate des deux concepts.
Une mise à jour de la loi de bioéthique attendue
Si les collectes de données génétiques effectuées lors de tests ADN criminalistiques ou médicaux sont bien encadrées juridiquement, il n’en est pas de même pour ce qui concerne les tests à visée généalogique en accès libre sur Internet.
Une protection efficace des données génétiques contenues dans notre génome, nécessite la mise en œuvre d’outils juridiques spécifiques, différents de ceux qui régiront la protection des informations génétiques, sources de bénéfices commerciaux considérables.[2]
A l’heure où une mise à jour de la loi de bioéthique est attendue impatiemment, il est urgent de permettre aux individus d’avoir accès à leur patrimoine génétique et d’opérer, avec toute la rigueur juridique requise, une requalification des données et des informations génétiques. Celle-ci devra tenir compte des problèmes que pose la patrimonialité de l’information génétique invoquée par les entreprises de génotypage, à l’aune du principe, largement admis, de la non-patrimonialité des données génétiques humaines.
Bernard Perbal, Dr. es Sciences, Dr. en Droit
[1] B. Perbal « La nécessaire requalification juridique des données et informations génétiques » Les Petites Affiches Lextenso . LPA du 6 mai 2019 p 15
[2] Le marché des tests génétiques à l’horizon 2020 est estimé à 22 milliards de dollars.
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