Le 13 novembre, l’état d’urgence et la « fermeture des frontières »

Fluctuat nec mergitur

La place de la République, lieu symbolique de la manifestation républicaine à Paris le 11 janvier dernier, a été prise d’assaut par des terroristes le 13 novembre 2015. Paris est en deuil et la solidarité de la communauté internationale a été immédiate.

La loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence a été mise en application par les décrets n° 2015-1475 et n° 2015-1476 du 14 novembre 2015 entrés en vigueur le jour même à 0h.

Crédit photo : 20minutes.fr
Crédit photo : 20minutes.fr

L’état d’urgence constitue une situation juridique dérogatoire qui augmente considérablement les pouvoirs des autorités administratives afin de leur permettre d’assurer le maintien de la sécurité et l’ordre publics dans le cadre d’une situation d’urgence.

Le décret en question doit expressément viser certains articles de la loi pour mettre en œuvre les dispositions spéciales prévues par ce texte sur la zone géographique qu’il détermine.

Il peut être décrété sur l’ensemble du territoire national ou être géographiquement circonscrit.

Ce régime a été décrété deux fois sur le territoire métropolitain dans le cadre des crises algériennes (1958 et 1961). Il a connu des applications géographiquement limitées en Algérie (1955), en Nouvelle-Calédonie (1984) et sur une partie de la métropole (2005).

Les deux décrets du 14 novembre 2015 concernent, pour le premier (n° 2015-1475), le territoire métropolitain et la Corse et, pour le second (n° 2015-1476), l’Île-de-France.

Pendant toute la durée de l’application de ces décrets, sur le territoire métropolitain et en Corse, le ministre de l’Intérieur et les préfets peuvent ordonner, sans motif, des perquisitions à domicile de jour et de nuit.

En Île-de-France, ils peuvent également ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature ; interdire les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre ; et ordonner la remise des armes de première, quatrième et cinquième catégories.

Le ministre de l’Intérieur peut aussi prononcer l’assignation à résidence de toute personne dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics.

Les préfets, quant à eux, peuvent :

  • interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté (disposition qui permet d’établir un couvre-feu notamment) ;
  • instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ;
  • interdire le séjour dans tout le département ou une partie de celui-ci à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics.

Un décret en Conseil d’État d’application de l’article 7 de la loi de 1955 doit être publié pour déterminer les conditions dans lesquelles les personnes visées par une décision d’assignation à résidence ou d’interdiction de séjour peuvent saisir d’un recours contre ces décisions une commission consultative comprenant des délégués du conseil départemental désignés par ce dernier.

À noter également, un autre décret pris sur rapports des ministres de la Justice et de la Défense pourrait transférer la compétence de la Cour d’assises aux juridictions militaires, ce qui fut le cas en 1955 et en 1958 par exemple.

En tout état de cause, l’état d’urgence peut être maintenu jusqu’à douze jours sur le fondement du décret d’application. S’il devait être prolongé, une loi devra être adoptée et fixer la durée de cette prorogation.

Le contrôle aux frontières (la « fermeture des frontières » étant, en l’espèce, un abus de langage) a été rétabli cette nuit en application de l’article 2.2 de la Convention de Schengen, qui dispose « Toutefois, lorsque l’ordre public ou la sécurité nationale l’exigent, une Partie Contractante peut, après consultation des autres Parties Contractantes, décider que, durant une période limitée, des contrôles frontaliers nationaux adaptés à la situation seront effectués aux frontières intérieures. Si l’ordre public ou la sécurité nationale exigent une action immédiate, la Partie Contractante concernée prend les mesures nécessaires et en informe le plus rapidement possible les autres Parties Contractantes. »

L’équipe du Petit juriste rend hommage aux secours et aux forces de l’ordre. Elle est consternée par tant de violences. Toutes ses pensées, aujourd’hui, se concentrent sur la mémoire des victimes de ces odieux attentats.

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Antonin Péchard

 

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