Loi pénitentiaire : une reforme debattue

 


 

Le 22 septembre a été adopté le projet de loi pénitentiaire initié par l’ancienne Garde des Sceaux pour un changement des conditions carcérales françaises. Régulièrement condamnée par la CEDH pour ses conditions de détention et sommée de se conformer à la charte des règles pénitentiaires européennes (à caractère non-contraignant), la France se devait de réagir.



 

 

En 2008, 115 détenus français se suicidaient en prison. En juillet de la même année était adopté en Conseil des Ministres un projet de texte de loi ayant pour objectif de doter les détenus de nouveaux droits et d’améliorer leurs conditions d’incarcération. Parmi les mesures initialement contenues dans le texte soumis au vote du Sénat en mars dernier, outre des mesures « pratiques » relatives au quotidien des détenus, l’extension des aménagements de peine et des régimes différenciés figuraient parmi les plus marquantes.

 

Au stade de l’examen du projet de loi au sein des deux chambres, la reconnaissance du droit à un encellulement individuel constituait déjà un sujet à controverse. Le texte adopté a maintenu ce droit pour les personnes déjà condamnées, mais prévoit de « laisser un choix » aux détenus en attente de jugement entre cellule individuelle ou collective, dans la limite des places disponibles. Cette mesure pragmatique est inapplicable pour l’instant, vu le taux d’occupation actuel des prisons (116%), et il faudra attendre l’aboutissement du programme « 13 200 » (pour le nombre de places de prison en construction) en 2012 pour juger de sa faisabilité.

 

 

 

 

Sénateurs et députés ont également voté le principe d’une généralisation des aménagements de peines (bracelets électroniques,…) pour les personnes condamnées à des peines de moins de deux ans de prison (moins d’un an auparavant), ce encore pour lutter contre la surpopulation carcérale; cependant, cette nouvelle mesure ne concernera pas les récidivistes (qui restent soumis à l’ancien régime), ni les délinquants sexuels (soumis à un examen psychiatrique). Le principal sujet à controverse de cette nouvelle loi concerne la généralisation du parcours d’exécution des peines. Ce système, qui conçoit un meilleur suivi individuel des détenus pour une meilleure réinsertion (propositions d’activités, de formations…) semble parfois contradictoire : les sénateurs ont introduit un amendement rendant obligatoire la participation à une activité pour les détenus, alors que le texte prévoit en même temps la généralisation du régime différencié. Sous cette notion se cache le pouvoir, pour l’administration pénitentiaire, de tenir compte de la personnalité des détenus pour ajuster pour chacun d’eux un régime de détention plus ou moins souple (comme la possibilité justement de participer aux activités). Les opposants au texte ont exprimé leur crainte que ces variables d’ajustement du régime de peine ne soient floues, si ce n’est arbitraires.

 

Les principales critiques à ce projet tiennent au fait que sous couvert de « mesurettes » touchant au quotidien des détenus (accès facilité au téléphone, domiciliation à l’adresse de la prison…), l’administration pénitentiaire sera en mesure de maintenir le statu quo sur l’égal accès au droit des personnes incarcérées, en agissant de manière discrétionnaire sur l’organisation interne des maisons d’arrêt. Majorité et opposition s’opposent déjà quant aux bénéfices réels de cette loi.

 

Quoi qu’il en soit, le projet de loi va maintenant être étudié par une commission mixte paritaire en vue de dégager un texte commun aux deux Assemblées avant d’être soumis à un nouveau vote pour adoption définitive.

 

 

Jean-Christophe Grognet

 


Pour en savoir plus

Sur les règles pénitentiaires européennes : http://www.justice.gouv.fr

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