Finance islamique : Résumé de la conférence !

 

 

Conférence sur la finance islamique et son introduction en droit français

 

 

Le mardi 13 avril 2010, Le Petit Juriste en partenariat avec l’association AIDIMM (Association d’Innovation pour le Développement économique et IMMobilier) a organisé une conférence sur le thème de la finance islamique et son introduction en droit français. Cette conférence de grande qualité a attiré près de 150 étudiants et professionnels.

 

Nous remercions, une fois encore, les intervenants : Tout d’abord, Monsieur Anass Patel, président de l’association AIDIMM, spécialisée dans la recherche en finance islamique (la recherche d’alternatives aux produits bancaires basés sur l’intérêt est le principal axe de travail de l’association) et cherchant à promouvoir une nouvelle éthique dans les rapports avec le monde de la finance.

 

Nous remercions également Monsieur Foued Bourabiat (Avocat à la Cour, Cabinet Herbert Smith), Monsieur Pierre Crocq (Professeur au sein de l’université Paris 2 Panthéon Assas) et Monsieur Georges Khairallah (Professeur au sein de l’université Paris 2 Panthéon Assas, Responsable du LLM Droit des affaires des pays arabes).

 

Voici, brièvement, les points développés par nos intervenants.

 

 

Première Partie : Introduction aux principes de la finance islamique

 

 

Cette partie exposée par M. Anass Patel a eu pour but de nous initier aux principes généraux de la finance islamique.

Définitions

 

A travers des principes et des recommandations, la Chari’a (loi islamique non codifiée ) définit un comportement acceptable dans tous les domaines de la vie des musulmans. Elle gouverne la dimension temporelle de la vie humaine ( sur le plan morale, éthique, spirituelle et sociale de la vie privée et publique des musulmans), incluant notamment les activités économiques et commerciales ( Mouamalat : lois fixant les relations entre hommes).Ainsi la Charia correspond -t-elle à un système légal basé sur l’éthique musulmane, qu’il est possible d’interpréter et de développer.

 

Sources de la Charia

 

La Chari’a a deux sources principales : le Coran (le texte sacré de l’Islam qui rend compte du message de Dieu tel que révélé au Prophète Mohammed) et les Hadith (les corps de textes regroupant la Sunna, expressions, enseignements et actions du Prophète). Ces deux sources constituent les bases essentielles permettant de déterminer la conformité de toute action avec les règles et la finalité de la Chari’a. Un rôle clé est également joué par les jurisconsultes du droit musulman (les scholars), spécialistes de la Chari’a, qui interprètent les principes pouvant s’appliquer aux techniques de financement modernes, tout en restant fidèles à l’esprit des sources traditionnelles du droit musulman. Dans ce but, les scholars sont parfois appelés à proposer une analyse et un effort de réflexion pour interpréter les textes fondateurs de l’Islam (l’ljtihad), en utilisant notamment les principes acceptés du Qiyas (raisonnement par analogie) ou en se fondant sur un consensus (ljma’) relatif aux normes applicables à une technique de financement donnée.

 

En somme les sources de la FI sont au nombre de 4 : Coran, Hadith, Ijtihad et Qiyas.

 

Principes généraux

 

La règle générale est que l’Islam ne s’oppose pas au profit. En effet, un a priori récurrent est de considérer une chose comme conforme aux principes islamiques si elle est gratuite (car faire du profit serait perçu comme un abus du vendeur envers l’acheteur). Or il n’en est rien : l’Islam, au contraire, encourage le vrai profit et la majorité des transactions sont permises, les interdictions n’étant que l’exception. En outre ces transaction sont encadrées, notamment, par les règles suivantes :


    L’interdiction de l’exploitation déloyale : Les contrats aux termes desquels l’une des parties exploite de façon déloyale son cocontractant ou perçoit injustement un gain au détriment de ce dernier sont également réputés nuls. En effet, suivant les principes dictés par la Chari’a, un musulman ne doit générer de profit qu’à partir de transactions ou d’activités dans lesquelles il investit et à la condition qu’il en partage les risques (cette règle fait référence au “principe des trois p” : partage des pertes et des profits). Le partage n’est pas nécessairement égalitaire mais il doit être déterminé selon une clé de répartition convenue à l’avance. 
    Interdiction de la vente de ce qui est interdit ou impur (haram) en Islam : l’armement, la pornographie, les jeux de hasard, la viande porcine, l’alcool. L’objet du contrat – qu’il soit commerciale ou non – doit donc être licite. 
    Interdiction de l’usure (la Riba) : pour établir la justice et éliminer l’exploitation dans les transactions financières et commerciales, l’interdiction des sources d’enrichissement injustifié en étant l’un des plus importants. 
    Interdiction de l’aléas (le Gharar) : tout échange à caractère aléatoire et/ ou où l’un des éléments possède un caractère flou, est interdit car pouvant mener à la discordance entre les contractants. Le caractère aléatoire d’un contrat est donc présent lorsque la réalisation du contrat  dépend d’un événement futur et incertain. Le flou est présent dans un contrat lorsqu’un ou plusieurs éléments du contrat ne sont pas précisés correctement : le prix, la date, le lieu de la livraison, la nature, la catégorie, la qualité et la quantité du bien échangé. 
    L’interdiction de la spéculation (Maisir) : Les opérations qui reposent sur de la pure spéculation en vue de réaliser un profit sont illicites (haram) et donc nulles en droit musulman. Notons qu’il existe cependant une nette distinction entre les opérations relevant de la pure spéculation et une activité certes spéculative – au sens de non certaine – mais qui est parfaitement licite dans la mesure où elle est au service de la création ou de l’investissement dans une entreprise.

     

    L’islam, en voulant encadrer les transactions commerciales, a pour objectif d’assurer en permanence la présence de certaines qualités au sein des transactions : honnêteté, confiance, intégrité, justice, sincérité dans la transaction. Et ceci dans le but d’éloigner les fléaux que sont l’injustice, la tricherie, l’enrichissement sans cause, l’enrichissement aux dépens des autres …

     

    Cependant il faut noter que les interdictions demeurent l’exception en Islam. En effet la règle générale à retenir est que, selon la Loi islamique (la Charia), tout ce qui n’est pas interdit est autorisé.

     

    En somme, on fait rapidement le constat que les principes de la finance islamique sont loin d’être contraignants par rapport aux droits français. Pour autant des aménagements juridiques sont nécessaires ; nous allons le voir notamment avec l’exemple du droit bancaire.

     

     

    Deuxième Partie : Compatibilité de la finance islamique avec le droit français

     

     

    Cette partie développée par M. Foued Bourabiat a eu pour but de démontrer la compatibilité de la finance islamique avec le droit français – et particulièrement le droit bancaire.

    Nous sommes revenus sur la question de la fiducie, mécanisme qui s’apparente au trust anglo-saxon.

     

    (résumé à venir)

     

     

    Troisième Partie : Débat sur l’actualité de la finance islamique en France.

     

     

    Les récentes discussions autour de la finance islamique en France se sont axées sur la question de la modification du régime de la fiducie afin de se conformer aux principes islamiques.

     

    Notons tout d’abord, que l’argument de la laïcité n’a rien à voir avec la question de la finance islamique, comme ont voulu l’avancer certains parlementaires s’opposant à l’amendement du sénateur Marini : il faut séparer les sujets ; comme l’a souligné M. Crocq, la laïcité n’a rien  à voir ici.

     

    En effet, si l’opportunité de l’amendement Marini a été remise en cause par la décision du Conseil constitutionnelle du 14 octobre 2009 , ce n’est pas pour des questions de fond mais simplement de procédure – de forme. Votée en seconde lecture le 17 septembre par l’Assemblée nationale la proposition de loi a fait l’objet d’un contrôle de conformité à la Constitution française.

    Dans une décision en date du 14 octobre 2009, le Conseil Constitutionnel accueille la demande de censure des dispositions en faveur de la finance islamique au motif qu’elles « ne présentent aucun lien, même indirect, avec celles qui figurent dans la proposition de loi tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises ».

    Qualifiées de « cavalier législatif » lesdites dispositions ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution et sont déclarées inconstitutionnelles.

    Dès lors, le problème soulevé n’est que d’ordre formel et non pas substantiel. Dans son communiqué, le Conseil constitutionnel souligne que les requérants ont contesté ces dispositions « non sur le fond, mais en raison de la procédure suivie au Parlement ».

     

    Revenons sur le fond : la proposition de modification du régime de la fiducie.

     

    La décision du CC censurait des dispositions en faveur de la finance islamique, insérées dans le texte de la proposition de loi tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises. (en modifiant le régime de la fiducie).

     

    En effet ces dispositions avaient pour but de faciliter l’émission de Sukuk : Les sukuk sont des titres qui sont émis pour une valeur identique et qui confèrent à leurs porteurs un droit de propriété indivis sur un actif ou un groupement d’actifs.

    Eu égard à ce droit de propriété, chaque titre ouvre droit au bénéfice d’une quote-part des fruits résultant de l’exploitation de l’actif concerné, cette quote-part étant d’un montant égal pour chaque titre.

    Dans la pratique internationale, l’émission d’un sukuk s’appuie souvent sur le trust de droit anglo-américain. Le trust implique une dualité de la propriété issue de la double source de droit du système anglais. En effet d’une part, les règles de la common law octroient au trustee la legal ownership, et d’autre part, celles de l’equity confèrent au bénéficiaire du trust l’equitable ownership. Cette dualité de la propriété permet de se conformer aux standards de l’AAOIFI (L’Accounting and Auditing Organization for Islamic Financial Institutions est une organisation internationale indépendante mettant en place des normes comptables, d’audit, de gouvernance, d’éthique et de sharia pour les institutions financières islamiques), qui exigent que le porteur de sukuk soit titulaire d’un véritable droit de propriété sur les actifs sous-jacents.

    C’est pourquoi les regards se sont tournés vers la fiducie considérée comme le véhicule juridique transposant le trust en droit français.

    La fiducie est définie à l’article 2011 du Code civil comme l’opération par laquelle le constituant transfère des actifs à un ou des fiduciaires qui, «les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires».

    Le schéma proposé par l’administration fiscale française en vue de l’émission d’obligations islamiques, repose sur une émission d’obligation couplée à une mise en fiducie. Ainsi « en vue de financer l’achat d’un bien, une société émet des sukuk, consent un contrat de crédit-bail à une filiale opérationnelle et transfère son patrimoine (biens acquis, contrat de crédit-bail, option de vente et dette obligataire) à une fiducie dont les bénéficiaires sont les porteurs des sukuk »(Bulletin rapide de droit des affaires, 2009/18, n° 13).

    S’il semble établi que le fiduciaire est titulaire de la propriété des actifs, les propriétés transmises étant «asservies, grevées d’une obligation de transmission ou de restitution», le droit français reste toutefois muet sur la nature des droits du bénéficiaire d’une fiducie.  (GRIMALDI Michel, La fiducie : réflexion sur l’institution et sur l’avant projet de loi qui la consacre, Répertoire du Notariat Defrénois, 15 septembre 1991 n°17, p.897). Permettre l’émission d’obligations islamiques conforme aux exigences de la finance islamique implique donc d’adapter le régime de la fiducie afin de reconnaître au bénéficiaire un droit de propriété, et ainsi une dualité de propriété entre le fiduciaire et le bénéficiaire de la fiducie.

    Dans cette optique, l’article 16 de la proposition de loi tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises complétait l’article 2011 du Code civil en précisant que « Le fiduciaire exerce la propriété fiduciaire des actifs figurant dans le patrimoine fiduciaire, au profit du ou des bénéficiaires, selon les stipulations du contrat de fiducie. »

    Le fiduciaire serait ainsi titulaire de la propriété juridique des biens tandis que le bénéficiaire jouirait de la propriété économique des mêmes biens.

     

    Mais pour M. Pierre Crocq, cette initiative est peu opportune eu égard aux conséquences considérables qu’auraient la modification du régime de la fiducie sur notre droit civil ; et ce, d’autant plus que la réponse aurait pu être trouvé ailleurs, comme par exemple, dans le droit spécial des instruments financiers.

     

     

    Quatrième Partie : Présentation des formations en finance islamique

     

     

    En France, les principales formations consacrées à l’enseignement des principes de la finance islamique sont tout d’abord celles dispensées par l’ESC Strasbourg et par l’université Paris Dauphine.

    En outre il existe des formations – non pas spécialisées dans la finance islamique même –  mais y dispensant quelques cours ou séminaires. C’est le cas du LLM Droit des affaires des pays arabes présenté, lors de la conférence, par son responsable : Monsieur Georges Khairallah.

     

     

     

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