Eco-fiscalité, les feux passent au vert

La France va accueillir la 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques de 2015 (la COP21) du 30 novembre au 11 décembre 2015. A cette occasion, il convient de s’interroger sur la pérennité des mesures mises en œuvre par les gouvernements pour encourager la lutte contre le changement climatique.

La fiscalité verte, ou éco-fiscalité, est une branche du droit fiscal qui par un système de taxation, de déduction ou de prime tend à protéger le patrimoine naturel. Elle commence à se répandre en France.

 

Une fiscalité propre au XXIème siècle

L’article 6 de la Charte de l’environnement de 2004 dispose que : « Les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social. »

La Charte de l’environnement ayant été intégrée à la Constitution, sa portée normative a donc plus d’importance que celle d’un traité ou même d’une loi.

A travers les diverses politiques environnementales développées par les différents gouvernements qui se sont succédés, la mise en place de mesures de fiscalité à des fins de protection de l’environnement va croissante.

A cet égard, l’article 200 quater du Code Général des Impôts prévoit divers crédits d’impôt octroyés aux citoyens effectuant des travaux contribuant à la transition énergétique du logement dont ils sont propriétaires.

La multiplication des mesures à l’approche de la COP21

A l’approche de la COP 21, la loi n°2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 a été promulguée, confirmant les précédentes mesures mises en œuvre pour sensibiliser les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens à la protection de l’environnement.

Les mesures adoptées à l’occasion de cette loi ont pour but d’encourager l’évolution des comportements en introduisant des mécanismes économiques incitatifs. Elle fixe pour objectif : de réduire les émissions de gaz à effet de serre (de 40% d’ici à 2030, puis divisées par quatre d’ici 2050) et la consommation énergétique (divisée par deux en 2050 par rapport à 2012).

Si l’apport de cette loi est considérable, plusieurs points intéressant la fiscalité ont été développés :

– La rénovation thermique des bâtiments et la construction de bâtiments à haute performance énergétique sont encouragés ;

– La création d’une prime destinée à encourager les ménages à remplacer un vieux véhicule diesel par un véhicule bénéficiant du bonus écologique ;

– La création d’une indemnité kilométrique vélo : elle concerne les trajets des salariés entre leur domicile et leur travail. Le texte final prévoit que cette indemnité est exonérée de cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé par décret ;

Cette loi n’avait pas pour objectif de développer un droit fiscal plus écologique, c’est la raison pour laquelle le nombre de propositions fiscales est assez restreint. Toutefois, il est possible d’envisager que cette loi soit le point de départ d’une réforme fiscale importante. En effet, certaines personnalités estiment que sur la base de cette loi, pourraient être instaurées des taxes intérieures de consommation sur les énergies par exemple compensées par un allègement fiscal sur d’autres produits, travaux ou revenus. Il s’agirait dès lors d’étendre les mesures existantes.

Si la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 présente plus de mesures incitatives en allégeant la fiscalité, la fiscalité verte peut aussi instaurer des mécanismes de sanction tels que les taxes sur les produits polluants.

Néanmoins, le volet coercitif de la fiscalité écologique n’est pas toujours bien accueilli par les citoyens. Ce fut le cas de l’écotaxe, qui fut définitivement abandonnée en octobre 2014. L’écotaxe consistait en une taxe sur les poids lourds (véhicules de plus de 3,5 tonnes) en transit.

Outre les mesures prévues dans la loi du 17 août 2015, le gouvernement a récemment encouragé le changement de véhicule diesel vers un véhicule plus propre. Depuis la loi de finances de 2015, un crédit d’impôt existait pour permettre l’installation d’un système de charge de voiture électrique dans les logements. Ces mesures ont été renforcées par la mise en place de bonus accordé lors du remplacement d’un véhicule diesel de plus de 10 ans. Toutefois, si les mesures fiscales étaient plus avantageuses pour le diesel jusqu’à aujourd’hui, l’écart devrait avoir disparu d’ici 5 ans selon les autorités.

Enfin, le gouvernement peut rencontrer des difficultés dans la mise en place de mesures fiscales incitatives : l’Etat voulait mettre en place une réduction à l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui auraient mis à disposition des vélos pour leurs salariés. Or, si ce mécanisme était inscrit à l’article 39 de la loi du 17 août 2015, l’article 47 du projet de loi de finances pour 2016 invite les parlementaires à supprimer cette disposition, difficilement applicable en l’état. Ainsi, si les mesures d’éco-fiscalité tendent à se multiplier, en pratique, toutes ne peuvent pas s’appliquer telles qu’elles.

Un droit communautaire contraignant

En revanche, le droit communautaire impacte la mise en place des politiques fiscales vertes des Etats européens. Ainsi, un arrêt de la Cour de Justice de l’Union Européenne du 4 juin 2015 Commission c/ Royaume-Uni a rappelé les exigences communautaires en matière de TVA. Un pays, en l’espèce le Royaume-Uni, ne peut pas appliquer, pour tous les logements, un taux réduit de TVA à la livraison et à l’installation de matériaux économes en énergie, ce taux étant uniquement réservé aux opérations qui concernent le logement social. Le Royaume-Uni a été condamné par la juridiction européenne.

La politique fiscale est similaire en France puisque les articles 278 et 279 du Code général des Impôts disposent que les rénovations énergétiques des habitations bénéficient d’un taux de TVA à 5,5%. Il serait donc possible de craindre une condamnation de la France par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Changements climatiques évidents, rôle central à l’approche de la COP21, actualité écologique intense : autant d’éléments qui devraient permettre à la fiscalité verte de s’implanter durablement en France et dans les autres pays de l’Union Européenne. Le seul obstacle à cette conquête du monde de la fiscalité verte réside dans le droit communautaire, qui, espérons le, deviendra moins contraignant.

Charlotte Poilliot

 

POUR EN SAVOIR PLUS

Code Général des Impôts > article 200 quater

Cour de Justice de l’Union Européenne > communiqué de presse n°65/15

Cour de Justice de l’Union Européenne > arrêt du 4 juin 2015 Commission c/ Royaume-Uni, affaire C-161/14

Légifrance > loi n°2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissante verte du 17 août 2015

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