On n’a pas tous les jours 30 ans…

 

 


 

 

S’il existe une réforme primordiale de l’été, une actualité qu’il faut retenir parmi cette session estivale dûment remplie de nombreuses nouveautés juridiques, il faudrait choisir la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription en matière civile.



 

 

Le but de cette loi est simple : moderniser et rendre plus cohérentes les règles de la prescription civile quasiment inchangées depuis 200 ans. Réduction du nombre des délais et de leur durée, simplification de leur décompte, autorisation d’aménagement contractuel…La loi du 17 juin 2008 est censée garantir une meilleure sécurité juridique et s’adapte également à l’évolution de la société. C’est donc un souci de clarification qui guida l’élaboration d’une telle réforme au moment ou la Cour de cassation pointait plus de 250 délais de prescription différents.

Le principe posé par la loi est aussi simple que novateur : toutes les actions personnelles et mobilières se prescrivent par 5 ans au lieu de 30 ou 10 ans. Le délai “historique“ de droit commun de 30 ans, quasiment inchangé depuis le code Napoléon, est tombé au début de l’été 2008. C’est alors que commence une vraie révolution dans le monde des professionnels du droit mais aussi dans notre petit monde de petits juristes. Il va falloir apprendre à changer certaines habitudes procédurales bien encrées par l’habitude pour s’adapter à la nouvelle prescription quinquennale. Et comme en droit un principe n’arrive jamais sans ses exceptions, l’action en responsabilité en raison d’un évènement ayant entraîné un dommage corporel engagé par la victime directe ou indirecte des préjudices qui en résultent, se prescrit par 10 ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé, (l’action en responsabilité civile se porte à 20 ans s’il y a acte de barbarie, torture, violence ou agressions sexuelles contre un mineur). Effectivement, cette principale exception vise à ne pas pénaliser les victimes de dommages graves par un délai de prescription trop court. De plus, certains délais de prescription sont inchangés (droit de la consommation (2 ans), actions réelles immobilières (30 ans)).

Outre la durée de la prescription c’est le régime même de la prescription qui est changé. Autrefois considérée comme étant d’ordre public, la prescription peut désormais être aménagée contractuellement. Un contrat peut désormais aménager les règles de prescription applicables à son exécution (à condition de ne pas être inférieure à 1 an ou supérieure à 10 ans). Voilà encore une révolution qu’il faudra se mettre rapidement en tête pour nos prochaines années. Il est à noter que le consommateur est bien évidemment protégé par cette possibilité face au perfide professionnel qui pourrait en profiter. Pour terminer, cette possibilité d’aménagement conventionnel est exclue en présence d’un ordre public de protection (actions en paiement de salaires, pensions alimentaires, loyers, charges locatives, intérêts sur les sommes prêtées…).

 

 

Cette réforme de la prescription civile est donc d’une très grande ampleur, comme en témoignent les nombreuses dispositions touchant différents codes ou textes relatifs à des professions. La sécurité juridique voulue par le législateur est un but légitime qui implique de la part de tout justiciable une vigilance accrue quant à l’exercice de leurs droits.

Chacun se fera son avis sur la réforme et son ampleur. Dans l’ensemble, cette loi a été mal accueillie par la doctrine 2. Plusieurs raisons sont avancées et nous vous invitons à en prendre connaissance (la grande réforme de la prescription est toutefois considérée comme étant incomplète car la loi ne modifie pas les anciennes exceptions…).

 

Rappel historique de la prescription

 

La prescription est le mode d’acquisition ou d’extinction d’un droit, par l’écoulement d’un certain laps de temps et sous les conditions déterminées par la loi1. Au-delà du délai de prescription, il n’est plus possible de remettre en cause cette situation qui se trouve consolidée. Les délais de prescriptions sont nombreux dans le code de 1804 et varient en fonction de la nature des droits en cause. Or, un rapport établi par le Sénat en juin 2007 avait constaté de graves défaillances et également une inadaptation de la prescription par rapport à la société contemporaine. La société a largement évolué depuis 1804, il fallait donc une nouvelle adaptation des textes concernant cette prescription. Trois défauts de l’ancienne prescription civile de droit commun était alors pointés :

  • La trop longue prescription était dangereuse pour la sécurité juridique en raison du « caractère foisonnant et le manque de cohérence des règles de la prescription civile »,
  • Inadapté à la société moderne
  • Le délai de 30 ans est trop long par rapport au rythme soutenu de la vie juridique.
  • Le manque de cohérence avec nos voisins européens.

 

 

Adrien Chaltiel

 

 

Notes :
[1] Vocabulaire juridique G. Cornu

[2] Note de P. Malaurie

 

 

Pour en savoir plus :
Les débats parlementaires sur le site du Sénat http://www.senat.fr/leg/ppl06-432.html

Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ; J.O. du 18 juin 2008, p. 9.856. 

La réforme de la prescription civile : un enjeu juridique et économique (A. Chardeau et G. Duquet) ; LPA, 11 avril 2008 n°74 (p. 4)

Note de P. Malaurie LPA, 04 mars 2008 n° 46 (p.3) (cette note est intéressante car elle intervient avant le vote définitif de la loi par l’assemblée nationale).

Note de F. Ancel Gazette du Palais, 12 juillet 2008 n° 194, (p.2) (bon résumé historique de la prescription et bonne explication en détail des nouveautés de cette loi)

 

 

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