Faut- il introduire l’obligation de minimiser son dommage en droit Français ?

 

 


 

 

 

Née sous les ciels agités de Grande Bretagne, l’obligation de minimiser son dommage se propose de traverser la manche. Si elle trouve déjà un écho important dans le monde, elle frappe de plus en plus vigoureusement à la porte du droit français.

 

 

 


 

 

I. Qu’est-ce que l’obligation de minimiser les dommages ?

 


Il s’agit de l’obligation incombant à la victime d’un dommage, de réduire ou d’empêcher l’aggravation de ce dernier. Elle a vocation à s’appliquer à la fois en matière contractuelle et extracontractuelle, concernant des préjudices aussi bien corporels que matériels.

 

Cette obligation, venant de la Common Law anglaise, a déjà été adoptée par différents pays de tradition civiliste (en droit Allemand, Suisse et Italien notamment), et a été consacrée par la Convention de Vienne (1980) et les principes d’Unidroit (2004).

Elle répond à des exigences d’ordre à la fois économique et moral car, en diminuant le coût de l’indemnisation, elle permet de promouvoir la bonne foi en matière contractuelle et de manière plus générale, de responsabiliser la victime.

 

Son corollaire technique consiste à dire que la victime, qui par son action ou son inaction, augmente le dommage initialement subi, rompt le lien de causalité entre le dommage et le fait générateur.

 

 

code civil le petit juriste

 

 

II. Les réticences françaises

 

 

Malgré cette influence toujours plus importante en Europe, la France rechigne toujours à introduire en droit positif ce que la Common Law appelle le duty to mitigate.

 

En effet, par deux arrêts du 19 juin 2003, la Cour de Cassation a retenu que « l’auteur d’un accident est tenu d’en réparer toutes les conséquences dommageables et que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ».

 

Le principal argument contre l’intégration d’une telle obligation consiste à dire qu’il existe déjà en droit Français des concepts permettant d’arriver à des solutions équivalentes : ainsi, contrairement au Royaume Uni où l’évaluation du dommage se fait au jour de son apparition, en France, l’évaluation du dommage est réalisée au jour du jugement (Cass. 23 mars 1942). Dès lors, sur la base de l’article 1151 du Code Civil, le juge peut prendre en compte l’effet partiellement exonératoire du comportement de la victime en le répercutant sur l’évaluation des dommages-intérêts.

 

Une autre objection, relative aux dommages corporels, souligne le fait que l’on ne puisse forcer l’exécution d’un traitement portant atteinte au corps humain (article 16-3 du Code Civil).

 

 

III. Une évolution favorable ?

 

 

Il peut être légitime d’aspirer à retrouver les effets d’une telle obligation dans certaines situations, et ce en infléchissant le primat du principe de réparation intégrale. C’est d’ailleurs pourquoi l’article 1373 de l’avant projet Catala dispose que « lorsque la victime avait la possibilité, par des moyens surs, raisonnables et proportionnés, de réduire l’étendue de son préjudice ou d’en éviter l’aggravation, il sera tenu compte de son abstention par une réduction de son indemnisation, sauf lorsque les mesures seraient de nature à porter atteinte à son intégrité physique ». A cet égard, la Commission des lois du Sénat, dans son rapport d’information du 15 juillet 2009 relatif à la responsabilité civile, a repris cette disposition dans les mêmes termes. Il est donc fort probable qu’une réforme du droit des obligations inclue ce principe. Par ailleurs, les discussions en cours pour un droit européen des contrats mèneraient très probablement vers une reconnaissance de l’obligation de minimiser son dommage.

 

Ainsi, de ce bref aperçu, il ressort que la doctrine majoritaire appelle de ses vœux l’introduction d’une plus grande souplesse dans le mécanisme de réparation des dommages en droit français, et des évolutions dans ce sens sont à attendre.

 

 

Guillaume de Fréminville

 

 

Pour en savoir plus

 

Principes Unidroit art. 7-4-8 : http://www.lexinter.net

 

Aubert, “Quelques remarques sur l’obligation pour la victime de limiter les conséquences dommageables d’un fait générateur”, Mélange Viney, LGDJ 2008.

 

Yves-Marie Laithier : “Etude comparative des sanctions de l’inexécution du contrat”, Thèse LGDJ 2004

 

G. Viney, “L’évaluation du préjudice”, LPA 19 mai 2005

 

Rapport d’information du Sénat : http://www.senat.frl 

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