L’affaire Hartmann : le lanceur d’alerte, la liberté d’expression et la justice internationale

Florence Hartmann, journaliste au quotidien Le Monde, a été porte parole du procureur du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de 2000 à 2006. Il lui est alors reproché d’avoir divulgué des informations confidentielles du TPIY remettant en cause le tribunal et ses juges.

Une journaliste qui en disait trop…

Le 14 septembre 2009, Florence Hartmann a été condamnée par le TPIY pour la divulgation d’informations à travers son livre « Paix et Châtiment »[1] publié en 2007. Dans ces écrits, il est question de deux décisions rendues le 20 septembre 2005 et le 6 avril 2006 dans le cadre du procès de Slobodan Milosevic (Président de la République de Serbie de 1989 à 1997, responsable du massacre de Srebrenica, et accusé de crime contre l’Humanité et de génocide), lesquelles portaient sur des garanties de confidentialité offertes par le TPIY à la Serbie. En première instance, par une décision du 14 septembre 2009[2], F. Hartmann a été condamnée à une amende de 7000 € pour « outrage à la Cour »[3] (prévue par l’article 77 du règlement de procédure du TPIY). Ne satisfaisant pas cette obligation, la journaliste a été condamnée par une décision d’appel du TPIY du 19 juillet 2011, à une peine de sept jours de prison. Ne répondant pas une nouvelle fois à cette obligation, la justice internationale a sommé la France d’extrader F. Hartmann à travers un mandat d’arrêt que les autorités françaises refusent d’exécuter au motif que « les textes […] ne s’appliquent qu’aux crimes graves que ce tribunal a pour mission de juger ». Toutefois, la justice internationale est parvenue à ses fins et le 24 mars 2016 la journaliste à été arrêtée par les gardes du tribunal durant le procès de Radovan Karadzic, auquel elle a assisté, à La Haye.

L’atteinte à la liberté d’expression et au droit à un procès équitable

D’un point de vue substantiel, la liberté d’expression est atteinte dans la mesure où, en tant que journaliste, Florence Hartmann bénéficie d’une assise plus confortable pour informer librement le grand public. Avant même l’atteinte à la profession, c’est sa qualité de lanceur d’alerte qui est touchée. Si la protection des lanceurs d’alerte tend à croître ces dernières années, il manque une base normative solide pour garantir l’exercice de leur mission et leur protection.
D’un point de vue processuel, l’atteinte est également envisageable, tant la condamnation peut sembler arbitraire. Ce constat peut se faire tout d’abord au regard de la place de l’incrimination dans la hiérarchie des normes. L’outrage à la Cour n’apparaît que dans le règlement et non pas dans les textes internationaux mais reste, pour autant, une infraction de même rang que le crime de guerre. De plus, il est loisible pour le TPIY de modifier à sa guise ledit règlement. Puis, le doute quant à l’impartialité peut apparaître dans la mesure où, le juge en charge du procès est le propre employeur de Florence Hartmann. Il semble alors qu’au nom de la bonne administration de la justice pénale internationale, les droits fondamentaux puissent être bafoués.

Mathias NUNES

[1] HARTMANN (Florence), « Paix et Châtiment », Ed. Flammarion, 2014, p.316
[2] TPIY, 14 septembre 2009, Le procureur c/ Florence Hartmann, Jugement IT-02-54-R77.5, §§74-72
[3] CHARTIER (Christian), « Outrage à la cour devant le TPIY », in PAULIAT (Hélène)(dir.), Justice, équité, et dignité, Entretiens d’Aguesseau, 2004, Pulim, pp. 273 et ss. ; FOUCHARD (Isabelle), « L’outrage au tribunal », in ASCENCIO (Hervé) et alii. Droit international pénal, Pédone, 2012, pp. 349 et ss.

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