Loi « Création et Internet » : de l’usage de la pédagogie dans la lutte anti-piratage ?

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La loi HADOPI adoptée le 30 octobre 2008 par le Sénat tente de résoudre le problème de la pratique massive du téléchargement et du Peer-to-Peer. Avant même son examen par l’Assemblée Nationale, elle suscite débats et polémiques. Si les média ont surtout mis en avant la possibilité de suspendre l’abonnement Internet, de nombreuses réserves ont été posées notamment par la Commission Européenne.

 


 

 

Le texte qui instaure une « Haute Autorité pour la Diffusion des Oeuvres et la protection des droits sur Internet » a pour but de substituer à une approche pénale une approche fondée sur la riposte graduée. Celle-ci se déroule en plusieurs étapes : recommandation par courriel, recommandation par lettre recommandée, et au plus fort, suspension de l’abonnement Internet avec maintien de l’obligation de l’internaute d’en payer le prix au fournisseur d’accès et l’interdiction d’en souscrire un autre.

Cette loi révèle clairement la volonté du législateur de protéger les droits d’auteur. Déjà, en 2006 lors de la ratification loi DAVSDI, les débats étaient animés. Les défenseurs de ces droits s’opposaient à la mise en place d’une licence globale permettant à tout internaute de télécharger licitement les œuvres moyennant une rémunération pour les créateurs. Cette proposition marquée n’a pas été retenue. Ce projet, souvent considéré comme la mise en place d’une police d’Internet cherche à responsabiliser les internautes quant à une pratique pénalement sanctionnée. En effet, ce n’est pas la contrefaçon, mais le manquement de l’internaute à l’obligation de surveillance de son accès à Internet (exemple : verrouiller son Wifi) qui déclenchera le dispositif. En d’autres termes, ce n’est pas le contrefacteur qui sera sanctionné, mais l’abonné qui n’aura pas surveillé son accès Internet. Par conséquent, ce projet met en place une double sanction : l’internaute qui télécharge pourra être sanctionné pénalement, et le titulaire de la ligne sera sanctionné civilement pour le manquement à son obligation de surveillance. Toute cette procédure sera confiée une autorité administrative indépendante : l’HADOPI.

 

La Haute Autorité aura un rôle classique : réguler un secteur où l’Etat ne peut intervenir par des moyens traditionnels. Elle sera garante de la coexistence des intérêts entre les ayants-droits, les fournisseurs d’accès et les usagers.

 

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La procédure offre toute une série de possibilités : simple avertissement, transaction avec l’abonné qui mettra en place des mesures de filtrage ou encore suspension temporaire d’abonnement. Cependant, le fait que les recommandations envoyées aux abonnés de manière systématique ne soient pas sujettes à une voie de recours, pourrait mettre en danger le droit fondamental à un procès équitable. Il apparaît difficile pour un abonné de contester la matérialité des faits puisque le titre des œuvres téléchargées ne sera pas précisé dans l’avertissement.

De plus, à l’heure actuelle, Internet s’avère essentiel en vue d’accéder à des services administratifs ou bancaires. Ainsi la sanction pourrait être modulable et permettrait un accès bas débit ou limité à certains sites.

Reste à espérer que les débats au sein de l’Assemblée Nationale conduisent à une profonde réflexion sur la protection des droits de propriété intellectuelle à l’ère numérique. En l’état, l’application et la mise en œuvre de la loi semble complexe. On regrettera également que les fournisseurs d’accès à Internet se retrouvent à financer la réforme de l’audiovisuel, hypothéquant ainsi l’éventualité de les taxer du fait de la diffusion accrue des œuvres culturelles permises par leurs services.

 

Giovanna N. et Mathieu B.

 

 

Pour en savoir plus :

La Tribune du 27/11/08

JO du Sénat du 30/10/08

Propriétés intellectuelles, octobre 2008, n°29

 

 

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