Cession d’usufruit temporaire : game over ?


L’article 15 de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2012 vient modifier profondément le régime fiscal des cessions d’usufruit temporaire. Ce nouveau dispositif, codifié à l’article 13-5 du Code général des impôts (CGI), permet à l’administration fiscale de limiter cette technique d’optimisation et de réduire significativement son intérêt fiscal.


Auparavant, ce montage était optimal lorsqu’un gérant d’entreprise possédait également en propre l’immobilier professionnel. En effet, ce dernier lui permettait de récupérer du capital via la cession à son entreprise soumise à l’IS tout en évitant à sa société de payer des loyers. De surcroît, cette opération bénéficiait d’une franchise de plus-value immobilière si le bien était possédé depuis plus de 15 ans. Ainsi, les revenus locatifs sont souvent imposés à la tranche marginale supérieure de l’impôt sur le revenu. La cession temporaire permettait de ne plus percevoir de loyers et donc d’éviter l’impôt sur le revenu corrélatif durant la durée de la cession d’usufruit. A la fin de l’opération, l’usufruit rejoint la nue propriété entre les mains du nu-propriétaire en franchise d’impôt, malgré la valorisation du bien.

En vertu de l’article 617 du Code civil, l’usufruit est par essence un droit temporaire ; il cesse au décès de l’usufruitier ou au terme prévu au contrat de cession. L’usufruit du bien est valorisé en fonction de la durée de la cession : plus celle-ci est longue, plus la part de la nue-propriété sera faible. Ainsi, cela permet au vendeur de vendre une partie importante de son bien pour dégager de la trésorerie tout en étant certain de garder le contrôle à la fin de l’opération, en pleine propriété.

Le nouveau dispositif prévu à l’article 15 concerne la cession à titre onéreux réalisée par une personne physique ou morale relevant de l’impôt sur le revenu (IR). Les sociétés soumises à l’IS, sur option ou de plein droit, sont donc exclues du nouveau dispositif. Le produit de cession sera désormais imposé à l’IR dans la catégorie de revenus à laquelle se rattachent les revenus procurés par l’usufruit. Toutefois, si cette catégorie ne peut être déterminée au jour de la cession, l’imposition relèvera de la catégorie des revenus fonciers ou mobiliers. A défaut, ils seront imposés dans la catégorie des BNC,  notamment les biens non productifs de revenus.

Si l’usufruit porte sur des biens ou droits dont le revenu susceptible d’être procuré relève de plusieurs régimes catégoriels, le produit sera ventilé. Par ailleurs, lorsque le revenu rentre dans la catégorie des capitaux mobiliers, le produit imposable du cédant ne semble pas pouvoir bénéficier de l’abattement de 40%. En effet, la condition d’application tenant à l’absence de distribution régulière n’est pas remplie.

maison

Les revenus seront désormais imposés comme ils l’auraient été en l’absence de cession de l’usufruit temporaire. N’est toutefois concernée que la première cession à titre onéreux. L’usufruit doit néanmoins être cédé pour une durée prévue à l’avance, celle-ci ne pouvant excéder 30 ans lorsque le cessionnaire est une personne morale.

Il est à noter que la notion de cession à titre onéreux n’implique pas la seule vente, puisque les échanges et apports en société entrainent une contrepartie en faveur du cédant. Lesdites opérations sont donc comprises dans le champ d’application du nouveau dispositif. La loi ne précise pas non plus quels biens sont concernés par ce régime. Celle-ci semble donc d’application générale, ce qui inclut les droits d’auteurs et autres titres de sociétés. Pour que la facture fiscale soit définitivement bien salée, notons qu’il n’est prévu aucun dispositif d’étalement de l’imposition du produit de cession et que toutes les opérations à compter du 14 novembre 2012 sont soumises audit régime.

Ce nouveau dispositif s’inscrit dans le cadre d’une instabilité fiscale toujours aussi prégnante, dont l’efficacité économique est discutable. La fiscalité reste trop souvent déconnectée de l’économie. La création d’une commission interne à la commission des finances de l’assemblée nationale, chargée de réaliser une analyse économique des mesures fiscales et de leur cohérence avec les objectifs économiques d’ensemble du gouvernement, pourrait être de nature à pallier ses lacunes.

Julien Nouchi

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