Contrat de fiducie et blanchiment d’argent sale : Une question de confiance


 

Le terme fiducie vient du latin fiducia qui signifie confiance. Un tel mot peut-il s’appliquer à un contrat aussi décrié ? Bien conscient du risque qu’un tel montage juridique peut comporter, le législateur a prévu l’instauration d’un registre national pour lutter contre le blanchiment d’argent sale.

 


 

Le contrat de fiducie est défini à l’article 2011 du code civil comme « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, droits ou sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un  ou plusieurs bénéficiaires (qui peuvent être les constituant eux-mêmes) ».  Par souci de sécurité, le législateur n’a voulu confier le rôle de fiduciaire qu’à certaines catégories de personnes morales énumérées à l’article 2015 du code civil dont font partie les établissements de crédit. A noter que parmi les personnes physiques, seuls les avocats peuvent se voir attribuer une telle qualité.

 

Reprenant ainsi la technique anglo-saxonne du trust, la loi du 19 février 2007 institue un patrimoine d’affectation en droit français. Véritable entorse à la théorie classique dégagée par Aubry et Rau selon laquelle toute personne possède un seul et unique patrimoine, la fiducie crée un patrimoine spécifique à la marge de celui que le fiduciaire détient en propre.

 

Ce dernier, bien que propriétaire des biens transmis, ne les intègre pas dans son patrimoine personnel. Ils sont affectés à une opération prévue par le contrat, ce qui empêche toute confusion des patrimoines. En pratique la mission confiée au fiduciaire peut consister en une gestion de capitaux.  C’est donc à cette occasion que le risque de blanchiment est le plus élevé. Classiquement, le blanchiment suit un processus en trois étapes. Le prélavage consiste à placer l’argent provenant d’une infraction sur un compte en banque, le brassage à brouiller les pistes en cachant l’origine des fonds et l’essorage à réinvestir les fonds dont l’origine est masquée dans l’économie légale.

 


Fiducie blanchiment argent

 


Le but du jeu est de brasser l’argent en se servant du contrat de fiducie comme d’un écran opaque face auquel les enquêteurs seront démunis. Dans certains pays, le trust, de par son caractère contractuel et non institutionnel,  n’est pas soumis à enregistrement.  Ne connaissant pas l’identité du constituant, la justice ne peut pas retracer l’origine des fonds gérés par le fiduciaire. D’où l’intérêt de rendre publique la relation contractuelle.  En France, des déclarations de soupçons doivent être transmises au parquet lorsque les établissements financiers ne sont pas en mesure de connaître avec certitude l’identité du véritable donneur d’ordre d’une opération bancaire.  Cela ne suffisait pas pour autant à empêcher le constituant-bénéficiaire de profiter de fonds illégaux dont il n’est pas juridiquement le propriétaire.

 

Il était donc indispensable d’assurer la publicité de ces opérations par la création d’un registre national des fiducies prévu dès 2007 à l’article 2020 du code civil. Le décret du 2 mars 2010 vient préciser les modalités de constitution de ce registre. Outre les informations très précises qu’il contient sur l’identité des parties au contrat et sur la date de l’enregistrement de la fiducie auprès des services fiscaux, le registre mis en place sera accessible pour l’exercice des missions qui sont confiées au  juge d’instruction, au procureur de la République ainsi qu’aux officiers de police judiciaire et aux  agents du service TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers clandestins). Cette transparence sur la constitution de la fiducie empêchera donc  en principe toute opération visant à cacher l’origine de capitaux provenant d’infractions.

Gury Geoffrey

 

 

Pour en savoir plus

 

Loi n°2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie modifiée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie

 

Décret n° 2010-219 du 2 mars 2010 relatif au « Registre national des fiducies »

 

http://www.tracfin.bercy.gouv.fr/


 

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