Covid 19 et inexécution contractuelle : le remède de l’imprévision

A l’heure où le rôle des chercheurs est sans conteste celui de trouver un vaccin au Covid 19, celui des juristes est de trouver un remède à l’inexécution des contrats. La force majeure a déjà fait l’objet de nombreux débats et ne doit pas faire oublier le mécanisme de l’imprévision.

Les fluctuations relatives aux caractéristiques du Covid 19 : un événement de force majeure ?

Le cocontractant qui n’a pas exécuté son obligation, peut prouver que le lien entre sa faute (l’inexécution) et le dommage subi par la victime provient d’une cause étrangère qui peut présenter les caractéristiques de la force majeure (1). Dans une telle hypothèse, le cocontractant qui n’a pas exécuté son obligation est totalement exonéré de sa responsabilité contractuelle et de ses conséquences. Est un cas de force majeure, l’événement imprévisible, irrésistible et extérieur (2). Si l’aspect extérieur du Covid 19 est évident, les deux autres caractéristiques sont incertaines. Il sera notamment essentiel, au titre du caractère irrésistible, que l’épidémie justifie une incapacité totale d’honorer son engagement contractuel. Par ailleurs, l’ordonnance rendue le 15 avril 2020 relative aux contrats de droit privé prévoit un mécanisme de report de l’application des clauses résolutoires, toujours sous-entendues pour les contrats synallagmatiques. En conséquence, l’invocation du cas de force majeure, ayant notamment pour objectif d’échapper à la sanction de résolution, perd une grande partie de son intérêt. Ce débat étant devenu pléthorique et ses conséquences incertaines, il est sans doute utile de lui préférer celui de l’imprévision.

L’imprévision : un remède juridique au Covid 19 ?

Il est nécessaire de rappeler dans un premier temps que l’imprévision ne s’appliquera qu’aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016 (3). Concernant les conditions d’application de l’imprévision, celle-ci suppose un changement de circonstances imprévisible rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie (4). Par ailleurs, celui qui exerce l’action en imprévision ne doit pas avoir accepté de prendre à sa charge un tel risque à l’heure de la conclusion du contrat (5). Nous retrouvons la condition d’imprévisibilité, nécessaire également à la force majeure. Le Covid 19 peut paraître à première vue satisfaire par essence à cet élément. Cette épidémie n’est pas la première à frapper mais présente toutefois un caractère inédit par son ampleur planétaire et ses conséquences sur les échanges économiques. Sur ce point, les débats relatifs à la force majeure rejoindront ceux de l’imprévision. Toutefois, ce dernier mécanisme présente un double avantage : d’une part, l’excessive onérosité est substituée à l’irrésistibilité. L’insatisfaction par une partie à l’exécution son obligation rend t-elle l’obligation de paiement du prix de son cocontractant excessivement onéreuse ? Imaginons le cas de l’entreprise de nettoyage qui n’a plus à nettoyer les locaux de son cocontractant, à défaut d’activité de ce dernier. Il est possible de considérer que l’exécution d’une obligation de payer le prix d’une telle prestation est excessivement onéreuse au regard de l’absence de contrepartie. D’autre part, l’ordonnance récente traitant du report des clauses résolutoires ne semble pas affecter l’imprévision. En toutes hypothèses, le mécanisme de l’imprévision n’emprunte pas au coronavirus sa vélocité. Aux termes de l’article 1195 du Code civil, les cocontractants doivent entreprendre dans un premier temps une tentative de négociation durant laquelle le contrat n’est pas suspendu. En cas d’échec, ces derniers peuvent, d’un commun accord convenir de la résolution du contrat ou saisir le juge qui pourra l’adapter. Ce n’est qu’à défaut d’un tel accord que l’une des parties pourra saisir le juge afin qu’il adapte le contrat ou qu’il y mette un terme. Finalement, l’imprévision présente l’avantage d’être moins exigeante que la force majeure. En outre, elle privilégie un accord amiable entre les parties, toujours préférable et particulièrement en cette période.

Marc Lebarbier en M1 droit des affaires 

Pour aller plus loin : https://www.racine.eu/contrat-et-covid-19-le-point-sur-limprevision/ 

(1) Article 1231-1 Code civil

(2) Article 1218 Code civil

(3) Article 9 Ordonnance du 10 février 2016

(4) Article 1195 Code civil

(5) Article 1195 Code civil

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