Contrôler la gestion des institutions politiques : l’exemple de l’Elysée

L’affaire Fillon a relancé le débat sur le contrôle financier des institutions politiques. A la différence des assemblées pour lesquelles la Cour des comptes se limite à certifier les comptes, la présidence de la République fait l’objet d’un réel contrôle de gestion.

La mise en place de ce contrôle des comptes et de la gestion des services de la présidence de la République est la conséquence d’un discours programmatique prononcé à Epinal par Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, le 12 juillet 2007, repris dans le rapport du Comité Balladur. Cette volonté inédite a été ensuite formalisée, le 14 mai 2008, dans une lettre adressée à Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes.

Ce contrôle, initié pour des motifs de transparence, constitue une rupture avec la tradition républicaine. Au-delà du principe de séparation des pouvoirs, le rôle limité du Président sous les IIIe et IVe républiques, la faiblesse de ses services et l’absence de budget consolidé expliquent l’absence de contrôle. [1] A ce jour, huit contrôles ont été effectués sur le fondement de l’article L. 111-3 du code des juridictions financières qui donne compétence à la Cour pour « s’assurer du bon usage des crédits, fonds et valeurs gérés par les services de l’Etat ». [2] 

Une procédure adaptée au fort enjeu symbolique

Confié à trois conseillers-maîtres, ce contrôle repose sur une procédure inquisitoire. Des questionnaires et des demandes de pièces sont adressés au directeur de cabinet et aux services de la Présidence de la République.

La procédure est également contradictoire et collégiale : un premier rapport, le relevé d’observations provisoires, est délibéré et adressé à l’organisme contrôlé, lui permettant de se prononcer sur les remarques de la Cour. Ces commentaires sont ensuite pris en compte en vue de l’établissement d’un relevé d’observations définitives à l’issue d’un second délibéré.

Contrairement au rythme quadriennal habituel des contrôles et afin de garantir un suivi continu, sur décision du Premier président, ce contrôle est annuel et porte sur l’année comptable précédente. De plus, ce relevé d’observations définitives prend la forme, non d’un rapport, mais d’une lettre adressée par le Premier président au Président de la République et rendue publique par la Cour au cours du mois de juillet.

Un contrôle étendu et bénéfique

Ce contrôle s’est avéré efficace dans l’exercice démocratique de transparence et de rigueur budgétaire. La forte publicité de ces rapports a incité les services de la Présidence à rationaliser leurs coûts, conduisant à une diminution du budget, passant de 110 millions d’euros en 2008 à 100 millions en 2015.

De plus, le contrôle étendu de l’emploi des crédits a conduit les services de la Présidence à faire preuve d’une rigueur accrue, notable dans la passation des marchés publics ou la gestion du patrimoine immobilier. Ainsi, en plus du respect des procédures de mise en concurrence, certains postes budgétaires ont disparu comme les marchés publics de sondages.

Outre la première année, la tonalité des rapports est positive, constatant les réels efforts d’optimisation des coûts année après année et le souci de suivre les préconisations de la Cour. Ainsi, ce contrôle est un succès susceptible d’être dupliqué au fonctionnement des assemblées, dépassant la simple vérification des états comptables.

Antoine Dumoret-Mentheour
Master Politiques Publiques – Sciences-Po Paris

Michael Rigollot
Master Politiques Publiques – Sciences-Po Paris

[1] Discours de présentation, Philippe Séguin, 16 juillet 2009
[2] Invoqué pour la première fois à l’occasion du contrôle réalisé par la Cour sur les comptes et la gestion sur l’exercice 2015, publié le 19 juillet 2016

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