Le 11 août 2020, Joe Biden a désigné Kamala Harris comme sa colistière à la vice-présidence. Ce poste a souvent été obscur et est peu défini dans la Constitution américaine. Cela n’a pourtant pas empêché l’émergence de vice-présidents de plus en plus influents. Qu’en est-il en droit et en fait ?
L’article 2 de la Constitution des Etats-Unis mentionne bien l’existence d’un vice-président, mais ne lui donne aucune tâche gouvernementale clairement définie. Le vice-président n’a aucun domaine exécutif propre. Son rattachement à l’exécutif provient essentiellement des missions que le Président lui confie.
Un rôle susceptible de peser au Sénat
L’article 1er section 3 de la Constitution donne au vice-président la charge de présider le Sénat. Depuis plus de 100 ans, le vice-président n’exerce pas cette fonction dans les faits. Par contre, cela lui laisse un pouvoir important dans certaines circonstances. En cas de vote où le nombre de voix exprimées arrive à une égalité parfaite, le vice-président devient la voix décisive permettant de faire passer ou non un projet de loi.
Et cela n’est pas mineur. Si les deux principaux partis tendent à être à égalité en nombre de sénateurs, le vice-président devient alors essentiel pour faire passer les projets de lois. Tandis que Joe Biden n’a jamais émis de vote décisif en huit ans de vice-présidence, l’actuel vice-président Mike Pence a émis pas moins de 13 votes décisifs sur des projets de lois et des nominations en quatre ans [1]. Remporter la vice-présidence est donc un avantage pour le parti au pouvoir. Mais le vice-président n’est pas qu’un potentiel vote décisif au Sénat.
Un rôle informel de plus en plus important
A partir des années 90, le vice-président est peu à peu devenu un « super-ministre » des affaires étrangères. Dick Cheney, en tant que vice-président de George W. Bush, a eu une influence importante dans la politique étrangère des Etats-Unis. Il aurait notamment eu une influence décisive dans les interventions américaines en Irak [2] [3].
De la même manière, Joe Biden s’est vu conférer d’importants pouvoirs informels sous la présidence Obama. Le vice-président a notamment été à la manœuvre sur le plan de relance de l’économie américaine et a été chargé des négociations entre la Maison Blanche et le Congrès à de multiples reprises, développant par son franc parler une réelle influence sur le fonctionnement du cabinet gouvernemental [4]. De la même manière, Joe Biden a développé une influence sur les affaires extérieures modifiant même la stratégie du président Barack Obama vis-à-vis de l’Afghanistan [5] et jouant un rôle important dans l’accord sur le nucléaire iranien [6].
Plus récemment, Mike Pence a été nommé à la tête du groupe de travail de la Maison Blanche pour lutter contre la propagation du coronavirus [7]. Les tâches que peuvent remplir les vice-présidents sont donc flexibles en fonction de leur personnalité, de leur expérience, mais aussi de l’âge et de la santé du Président. Et c’est là que l’importance du vice-président n’a fait que s’accroître.
L’accession à la présidence du vice-président, temporaire ou définitive
L’article II section 1 clause 6 de la Constitution dispose que : « En cas de destitution, de mort ou de démission du Président, ou de son incapacité d’exercer les pouvoirs et de remplir les devoirs de sa charge, ceux-ci seront dévolus au vice-président. »
Sur les 45 présidents des Etats-Unis, 9 étaient (20 %) des vice-présidents ayant accédé à la présidence en cours de mandat suite à l’assassinat, la mort naturelle ou la démission de leur président. Le dernier en date est Gerald Ford en 1974.
Compte tenu de l’âge des deux principaux candidats et de la liberté de délégation que laisse la Constitution, l’importance informelle du vice-président pourrait être déterminante dans le prochain mandat présidentiel américain. Il faut ajouter à cela une tendance de fond ; depuis 1960, chaque vice-président démocrate s’est vu offrir la candidature nationale par le parti à une élection suivante. Il ne faut donc pas sous-estimer le rôle que pourrait prendre le vice-président pour les quatre prochaines années.
Sami Haderbache
[1] https://ballotpedia.org/Tie-breaking_votes_cast_by_vice_presidents_in_the_Senate [2] http://www.nbcnews.com/id/10078197/#.XzMqayhKhPY{3] https://www.pbs.org/wgbh/frontline/film/darkside/
[4] https://www.nytimes.com/2009/03/29/us/politics/29biden.html [5] https://www.newsweek.com/joe-biden-white-house-truth-teller-81181 [6] https://www.theatlantic.com/politics/archive/2015/07/joe-bidens-new-mission-selling-the-iran-deal/449295/ [7] https://www.bbc.com/news/world-us-canada-51654494