La Cour de cassation est venue récemment rappeler, par un arrêt du 17 décembre dernier [1], le caractère de dette ménagère solidaire des dépenses de santé.
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Le principe de solidarité des époux à l’égard de certaines dettes
L’article 220 du Code civil dispose que :
« Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage ».
Par cette disposition, le législateur a posé un principe (alinéa 1er) assorti de deux exceptions (alinéas 2 et 3). Il en ressort que seules les dettes relevant de l’intérêt commun sont considérées comme solidaires. Ainsi, la Cour de cassation a pu affirmer que les époux n’étaient pas solidaires en ce qui concerne les dépenses personnelles de loisir de chacun d’entre eux (concernant un voyage d’agrément : Cour d’Appel PARIS, 11 octobre 1989 [2]).
En la matière, la jurisprudence semble donc simple et constante en écartant systématiquement les dépenses ayant un caractère purement personnel. Cependant, en matière de frais médicaux, la solution de la Cour de cassation peut étonner dès lors que le caractère personnel de ces dépenses ne peut, a priori, ne faire aucun doute. Il semble donc que la jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point ne repose pas sur la notion de caractère personnel de la dette.
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L’hypothèse particulière de la solidarité des époux en matière de frais médicaux
Le 17 décembre 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé sa solution en matière de dépenses de santé en affirmant que :
« Attendu qu’il résulte de l’alinéa 1er de l’article 220 du Code civil que toute dette de santé contractée par un époux engage l’autre solidairement ; que, la Cour d’appel ayant constaté que l’AP-HP avait agi en recouvrement d’une dette de soins contre l’époux de la débitrice et dès lors qu’il n’a pas été soutenu que les frais litigieux entraient dans les prévisions de l’alinéa 2 de ce texte, M. X… était tenu au paiement de la dette ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l’article 1015 du Code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ».
Cette affirmation n’est pas nouvelle. Par un arrêt de 2006, la Cour de cassation avait déjà dégagé le caractère ménager des soins dentaires [3]. Cette solution s’applique indifféremment que les soins soient prodigués aux enfants [4] du couple ou à l’un des époux.
Certains ont critiqué la pertinence de cette solution au regard, notamment, du développement de la chirurgie esthétique. Il est vrai que ces critiques auraient pu être pertinentes si la Cour de cassation n’appliquait pas l’alinéa 2 de l’article 220 du Code civil aux dépenses de santé. Cependant, tel n’est pas le cas. La première chambre civile de la Cour de cassation l’a d’ailleurs précisé dans son arrêt du 17 décembre dernier. Ainsi, même en matière de soins médicaux, pour qu’il y ait solidarité entre les époux, il faut que la dépense ne soit pas « manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant ».
En général, la règle de l’article 220 du Code civil constitue un avantage non négligeable pour les créanciers qui peuvent bénéficier de cette solidarité légale. En effet, pour eux, il est plus aisé de contracter dès lors qu’ils peuvent, en cas de difficulté, agir à l’encontre de l’un ou l’autre des époux pour obtenir paiement. Cette solution est également très intéressante sur la question de la charge de la preuve. En effet, cette solidarité est présumée, la charge de la preuve revenant à l’autre époux qui devra alors démontrer que la dépense est manifestement excessive selon les critères l’alinéa 2 de l’article 220 du Code civil.
Gwendoline DA COSTA GOMES
Elève avocate
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Notes:
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[1] Civ.1er, 17 décembre 2014, n° 13-25117
[2] JCP N 1991, p. 57, observations Ph. Simler
[3] Civ. 1ère, 10 mai 2006, n° 03-16593
[4] Civ.2, 10 juillet 1996, n° 94-19388