La réforme du droit d’asile : vers une meilleure garantie des droits fondamentaux?

Le 16 décembre 2014 a été adopté en première lecture devant l’Assemblée Nationale le projet de loi relatif à la réforme de l’asile. Ce projet impulsé par les dispositions européennes fût d’autant plus attendu qu’il était important de replacer les droits fondamentaux au coeur de la procédure.

Qu’est-ce que le droit d’asile ?

Le droit d’asile est l’instrument permettant à une personne craignant à juste raison des persécutions dans son pays d’origine de demander le statut de réfugié dans une terre d’accueil. Pour pouvoir prétendre à ce statut, plusieurs conditions sont requises. La protection la plus importante est octroyée par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951. Son article 1er définit le réfugié comme étant toute personne  « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner »(1).

La loi du 10 décembre 2003 codifiée à l’article L712-1 du Code d’entrée et de séjour des étrangers et demandeurs d’asile (CESEDA) offre une protection subsidiaire aux personnes ne répondant pas à la définition de la Convention de Genève et exposées dans leur pays d’origine à la peine de mort, à des actes de torture, des peines ou traitements inhumains et dégradants ou à une menace grave directe et individuelle contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence généralisée résultant d’une situation de conflit armé interne ou international.

Un demandeur d’asile n’aura pas les mêmes droits et obligations qu’un étranger de droit commun. La demande d’asile doit être faite auprès de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) qui rendra une décision susceptible de recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).

Le texte de réforme du droit d’asile modifie la procédure devant l’OFPRA et la CNDA

De nouvelles garanties offertes au demandeur d’asile

Le projet de loi prévoit une meilleure garantie des droits de la défense en permettant au demandeur de se présenter devant l’OFPRA accompagné soit d’un avocat soit d’un membre d’une association habilitée qui pourra prendre des notes de l’entretien. Cette prise de note n’est pas négligeable car elle permet au demandeur de préparer sa défense en vue d’une éventuelle contestation de la décision de l’OFPRA devant la CNDA. Par ailleurs, l’accent est mis sur les délais de procédure qui devront être réduits. Ainsi, le demandeur d’asile qui aujourd’hui ne peut rechercher un emploi avant 12 mois suivant l’ouverture de l’examen par l’OFPRA, pourra le faire au bout de 9 mois. Cette mesure permet de pallier aux difficultés résultant de procédures trop longues et non encadrées dans des délais précis.

Enfin, la procédure prioritaire devient la procédure accélérée. Il convient de rappeler qu’au terme de la procédure priorité, le recours devant la CNDA n’est pas suspensif. Ainsi, des mesures d’éloignement peuvent être prises à l’encontre d’un demandeur ayant saisi la CNDA s’il est soumis à la procédure prioritaire. Au regard des droits de la défense cela est fort contestable car le droit de ces demandeurs d’être entendu par les assesseurs est purement et simplement bafoué. En somme, la Cour européenne des droits de homme avait condamné la France du fait de ce recours non suspensif(2) Or, le projet de loi semble mettre un terme avec cette pratique puisque les recours devant la CNDA y compris formés par des demandeurs en procédure accélérée seront suspensifs.

Si la réforme vise à corriger « des dysfonctionnements trop longtemps tolérés »(3), pour certains elle ne va pas au bout de ses ambitions.

Une réforme du droit d’asile en demi-teinte

Tout d’abord, si le demandeur d’asile est en droit de rechercher un travail au bout de 9 mois suivant sa demande d’examen à l’OFPRA, l’employeur sera toujours tenu de payer une taxe ce qui a un effet dissuasif défavorable au demandeur. 

Par ailleurs, beaucoup de représentants d’associations à l’instar de Gérard Sadik(4) pensent que les mesures relatives aux CADA ne sont pas optimales et qu’elles ne permettent pas aux demandeurs d’asile de bénéficier d’un accueil acceptable. De plus, la réforme ne prévoit pas alors que certains parlementaires l’avaient proposé,  de centres d’accueil pour les déboutés du droit d’asile.

Un autre problème est soulevé à propos de la volonté d’instaurer un juge unique devant la CNDA au terme de la procédure accélérée. Claire Brice-Delajoux affirme, en effet, que « la collégialité est essentielle en la matière, et notamment la présence de l’assesseur nommé par le HCR. Celui-ci a en général une bonne connaissance du terrain, de la géopolitique et bénéficie d’une information continue sur ces questions »(5). Même s’il est également prévu que le Président de la Cour puisse faire appel à la forme collégiale s’il en juge nécessaire, se pose la question de la discussion entre des assesseurs de différentes formations, question qui est en l’occurrence évincée.

Selon l’ACAT, la procédure accélérée au lieu de servir les intérêts des demandeurs d’asile, ne sera qu’un instrument de gestion des flux migratoires ne permettant pas auxdits demandeurs de présenter leur requête de manière optimale. Il s’agit en effet « d’une procédure expéditive avec des délais raccourcis et moins de moyens de se faire entendre à chaque étape du parcours »(6).

La réforme du droit d’asile qui se veut réparatrice semble se placer en porte-à-faux. Evidemment, il convient d’attendre son entrée en vigueur, les décrets accompagnant cette réforme ainsi que son application pour en dégager des conclusions. Il n’en reste pas moins que certaines solutions apportées par la réforme étaient attendues.

INES OURAHMANE

(1)Codifié à l’article L711-1 du CESEDA

(2)CourEDH,  26 avril 2007, Affaire GEBREMEDHIN contre France, req n°25389/05

(3)Dixit le Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve

(4)http://www.lavie.fr/actualite/des-associations-de-soutien-aux-refugies-s-opposent-a-la-reforme-du-droit-d-asile-28-11-2013-47100_3.php

(5)http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/12/08/la-demande-d-asile-s-est-elargie-a-une-multiplicite-de-menaces_4536675_3224.html

(6)http://www.acatfrance.fr/communique-de-presse/reforme-de_lasile_-_des_pouvoirs_publics_sourds-_une_acceleration_aveugle

Pour aller plus loin

http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do?idDocument=JORFDOLE000029287346&type=general&typeLoi=proj&legislature=14

http://www.lacimade.org/uploads//un_accueil_sous_surveillance__Cimade__juin_2008.pdf

http://www.anafe.org/IMG/pdf/cp_-_da_a_la_frontiere_-_les_oublies_de_la_reforme_-_230714.pdf

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